Depuis quelques semaines, elles pointent déjà le bout de leur nez. Attendues en mars, les morilles sont de retour dans le Haut-Doubs. Le dérèglement climatique a décalé la saison de ces champignons rares, très appréciés chez les cueilleurs amateurs.
C'est l'un des joyaux des forêts franc-comtoises. Les morilles sont en avance cette année, pour le plus grand bonheur de ses fidèles "chasseurs". Sur les réseaux sociaux, les internautes sont déjà nombreux à partager leur butin dans le Haut-Doubs.
Si trouver des morilles en février n'étonne plus personne, ce n'était pas le cas il y a quelques années. "Il ne fait pas assez froid pour les empêcher de pousser. Cela fait plusieurs années qu’avec le réchauffement climatique, les premières sont trouvées à Noël", explique Claude Page, mycologue.
C'est le cas de Claude Piccant, membre de la société d'histoire naturelle du Haut-Doubs. Cet expert en Morilles, basé à Levier dans le Doubs, en a trouvé une quarantaine depuis le mois de décembre. Un butin qu'on pensait impensable à la fin d'un mois de février il y a quelques années. "D’habitude, la pleine saison, c'est mars-avril. Aujourd'hui, on s’aperçoit qu'en avril, elles sont déjà trop sèches. Les saisons se décalent de plus en plus."
Le dérèglement climatique menace-t-il la morille ?
L'absence de neige pourrait être préjudiciable pour la cueillette des morilles cette année. "Dans le Haut-Doubs, on dit que la neige est le fumier à morilles. Elle maintient l’humidité dans les sols. Cette année, on n’a pas eu de neige. L’herbe n'est pas trop écrasée et la morille est plus compliquée à trouver."
Les saisons débutent de plus en plus tôt et pourraient avoir un impact néfaste sur ces champignons à l'avenir. "Il y a un risque qu’il y ait un gel trop important en mars et en avril et que cela puisse descendre profondément dans le sol pour atteindre le mycélium", justifie Claude Page.
Autre menace, les climats secs où quelques jours de mauvais temps peuvent condamner une saison pourtant prometteuse. "Le tue-morille, c'est la bise froide et sèche. Si pendant deux trois jours, on a un vent du nord sec, c’est mortel", ajoute Claude Piccant.
Le plaisir de la recherche
Mais comment ne pas repartir bredouille d'une cueillette ? Claude Piccant estime qu'il n'y a pas de secrets dans la recherche de ces champignons réputés pour être difficiles à trouver. "Il n'y a pas de science exacte. On en trouve dans les endroits pas trop enherbés, dans les talus dégagés. Il y a des coins de morilles qui sont réputés, et pourtant elles peuvent ne pas apparaître. Le conseil, c’est d’y aller tous les jours (rires). Ce n'est pas une science exacte, mais c’est aussi ça le plaisir de la cueillette des morilles, d’aller dans la forêt."
Car il ne faut pas oublier le plus important, le plaisir de la cueillette ! "Quand c'est le printemps, on sort pour chasser les morilles. Moi, ce que j’aime, c'est le plaisir de la découvrir, la difficulté aussi. Au bout de deux heures, quand on n’en voit pas, on commence à les insulter", plaisante Claude Page.
La saison des morilles, c'est une période particulièrement attendue par Claude Piccant pour partir à la chasse aux champignons en famille. "Ça nous réconforte quand on retrouve les coins de l’année d’avant. Et ça fait toujours plaisir de trouver de nouveaux coins de cueillette. En fin de compte, c’est le plaisir de la recherche. Je compare ça à la chasse aux trésors quand j’y vais avec mes petits-enfants."
"Cette année, on en a récolté déjà une quarantaine", poursuit-il. "Mais ce sont des petites, pas plus de 2-3 centimètres. Je n’ai pas encore trouvé de morilles développées, mais ils annoncent de l’humidité donc ça va être bon pour encore un moment."
Pour rappel, les morilles se ramassent dans toute la France, mais la Franche-Comté est connue pour être une région où on en trouve beaucoup par rapport aux autres territoires. Il est par ailleurs préférable de ne pas ramasser les petites tout de suite et de leur laisser le temps de pousser.