"Les scolytes ont un mois d’avance” : en forêt, la douceur du printemps fait redouter encore plus de dégâts de ces insectes ravageurs

Les scolytes font des ravages depuis 2018 dans les forêts de Bourgogne-Franche-Comté. En ce mois d’avril particulièrement doux, les scolytes typographes sont déjà en train d’essaimer en plaine comme en altitude. Le gouvernement a dévoilé ce 15 avril des mesures d’actions pour aider la filière bois face à ce fléau.

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Dans les pièges, ça grouille de partout


Forêt de Septfontaines dans le Doubs. 700 mètres d’altitude. Comme chaque lundi, Eric Pagnier, correspondant observateur de la santé des forêts, vient relever les pièges phéromonaux installés pour suivre l’évolution de l’épidémie. Et en cette mi-avril, le constat est inquiétant quand on sait que 5000 scolytes suffisent à tuer un arbre.

“Dans ce piège, il y en a 4 200. Il y a une semaine, il y en avait déjà 3 800” précise Eric Pagnier au micro de nos journalistes Sarah Francesconi et Fabienne Le Moing.

Sur le massif du Jura, 10 pièges ont été installés entre 300 et 1200 m d’altitude. Ils permettent de visualiser les pics d'envols. Et les voir noircis d’insectes à cette période n’est pas une bonne nouvelle.

L’alerte va être déclenchée un mois plus tôt, c’est encore plus pénalisant pour nous. Cela veut dire qu’il y aura encore plus d’attaques cette année. Cela veut dire que l’épidémie n’est pas terminée, pas en phase de régression, ni d’arrêt. Elle va continuer.

Eric Pagnier, correspondant observateur de la santé des forêts

Le scolyte pond deux fois par an, Eric Pagnier craint une troisième ponte cette année, et donc plus d’arbres touchés.

Pourquoi ce pic si précoce ?


Après un hiver 2023-2024 plus doux dans la région, des gelées rares, une neige bien trop absente, le cocktail était réuni pour faciliter à nouveau la prolifération des scolytes. Le développement de cet insecte est favorisé par le réchauffement climatique. Les arbres touchés par l'insecte meurent rapidement et selon le degré d'infestation, la qualité du bois ne permet plus de l'utiliser pour la construction par exemple. Son prix de vente sur le marché peut chuter à -50 %.

La DRAAF de Bourgogne-Franche-Comté qui vient de faire le bilan de ces envols précoces précise qu’avec des conditions météorologiques clémentes, il ne faudra pas plus de 4 à 8 semaines entre la ponte et l’envol de l’adulte. Si la météo printanière se poursuit, les forestiers vont devoir faire vite. "Les bois porteurs des insectes ravageurs devront être sortis avant fin mai, mi-juin des forêts", précise la DRAAF.

La lutte contre les scolytes passe par un abattage rapide des arbres et une valorisation des bois qui peuvent encore l’être. Environ un tiers de la surface d’épicéa commun et de sapin pectiné a été scolytée ou exploitée dans la région. L’épidémie touche les plateaux, mais également les massifs du Haut-Jura où les attaques des scolytes en 2023 vont révéler leurs dégâts dans quelques semaines. 

Quelles sont les mesures du plan national scolytes ?

Ce lundi 15 avril, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, a dévoilé dans les Vosges un plan national "scolytes et bois de crise" pour tenter notamment de mieux valoriser les bois touchés par ce petit insecte qui se glisse sous les écorces. Ce plan prévoit quatre principales mesures :

Favoriser le débouché des bois scolytés
Le gouvernement rappelle déjà que "quand ils sont identifiés précocement et abattus au bon moment, les bois scolytés sont tout à fait aptes à la construction". "Aussi, il y a lieu de mieux faire connaître cette possibilité d'utilisation des bois scolytés."

Alimenter des centrales biomasse avec du bois scolyté
Quand l'infestation est trop importante, le bois sèche et n'est plus utilisable en construction. Dans ce cas, il peut servir à alimenter des centrales biomasse. Là, le gouvernement met en place une dérogation temporaire pour favoriser les débouchés et permettre "de remplacer du bois frais par du bois résineux de crise (sapin sec ou sapin scolyté ou épicéa scolyté) provenant de régions limitrophes à celles prévues initialement au sein de leur plan d'approvisionnement".

Des aides pour s’équiper de kits d’écorçage 
Le gouvernement va aider les forestiers à acheter des kits d'écorçage : enlever les écorces des arbres abattus permet notamment de détruire les scolytes présents avant qu'ils se propagent à d'autres arbres sains à proximité. Le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire chargé des forêts financera l’acquisition de kits d’écorçage permettant à toutes les entreprises propriétaires d’abatteuses et réalisant de l’exploitation forestière mécanisée d’être aidées à hauteur de 65 % du prix d’achat du matériel, dans la limite de 8 000 € d’aides par unité achetée.

Aides financières sous conditions

Parmi les autres mesures annoncées, le gouvernement veut aussi aider les propriétaires touchés à replanter les surfaces sinistrées.

Dans le cadre du futur plan de renouvellement forestier, pour les peuplements sinistrés, une nouveauté majeure sera l’introduction d’un bonus pour les propriétaires dès lors que la coupe de bois répond à un certain nombre de critères d’éligibilité (seuil minimal de coupe ou coupe présentant des risques avérés en termes de sécurité, proportion de bois de crise supérieure ou égale à un certain seuil au regard de la coupe, critères en termes d’essences – sapin sec, sapin scolyté, épicéa scolyté - et de provenance…).

Ce bonus permettra ainsi, sous conditions, de monter le taux de prise en charge maximum, qui est actuellement à 80 % pour les peuplements sinistrés, vers un taux de prise en charge de 100 % maximum, comme autorisé par la réglementation communautaire relative aux aides d’État.

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