Une pierre du Défilé d'Entreroches dans le Doubs est devenu le symbole de la sécheresse en Franche-Comté. Découverte par hasard en 2018 par un habitant de Villers-le-Lac, l'inscription est à nouveau visible depuis plusieurs semaines. Sa réapparition en 2022 dans le lit asséché de la rivière démontre une fois de plus les changements climatiques. Rencontre avec celui qui a découvert cette pierre, dans ce site naturel où la petite histoire rencontre la grande.
En ce début septembre, la brume s'élève des prairies vallonnée du Haut-Doubs. Le paysage est magnifiquement poétique, mais nous nous demandons si nous allons encore faire face à l'ambiance caillouteuse, désertique dans le cours de la rivière. Les pluie orageuses des derniers jours n'ont-elles pas de nouveau caché sous les eaux cette pierre, marqueur de la sécheresse historique de 1906 ?
Notre passage par le village de Gilley nous remet tout de suite dans l'ambiance. Malgré les apparences trompeuses, nous sommes toujours en vigilance sécheresse de niveau 3 dans le Doubs. La mairie le rappelle a ses administrés dans le but de limiter au maximum les surconsommations d'eau.
Dès notre entrée dans le Défilé d'Entreroches, nous réalisons que les dernières pluies n'ont rien changé. Sur un parking, voici notre guide du jour. David Bourgeois a découvert par hasard cette pierre gravée lors d'une promenade avec ses enfants durant la sécheresse de 2018. Il nous emmène dans le lit totalement asséché du Doubs. Entourée de falaises immenses, la gorge est magnifique sous le soleil. Le paysage est lunaire. Nous ne pouvons pas nous empêcher de ressentir l'inquiétude de la triste situation.
David nous guide vers la pierre. Il faut marcher plusieurs centaines de mètres avant d'arriver sur le site. Si l'avancée se fait sans difficultés, il convient d'avoir le pas prudent. "Les récentes pluie ont rendu le site très glissant et une chute peut arriver rapidement", nous explique le découvreur du site.
Nous voici arrivés. Du Doubs, il ne reste qu'une petite mare d'eau dans laquelle apparait un rocher tel un Moby Dick échoué sur la rive. David saute sur la rive pour nous expliquer que c'est ici qu'il a découvert la première inscription. "Nous avons sauté avec mes enfants sur cette grande dalle de calcaire. Cela amusait mes enfants. En regardant au sol, j'ai aperçu une trace qui ne semblait pas due à l'érosion naturelle. Je nettoie un peu la pierre avec ma main et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir une inscription. La date de 1952 apparaissait sous nos yeux".
Très surpris de cette apparition, David et ses enfants sortent une serviette de leur sac à dos et commencent à dégager cette pierre recouverte de vase et de mousse. Subitement l'histoire semble s'écrire devant leur yeux. "Nous frottons énergiquement et une nouvelle trace apparait. Elle est apparemment beaucoup ancienne car il est inscrit 1893 avec les initiales I et V. Cela éveille encore plus notre curiosité et nous continuons le nettoyage de la dalle", nous explique David Bourgeois.
Plus bas, une nouvelle date apparait. Il y est gravé 1906. L'inscription taillé dans la roche marque l'endroit où le niveau du Doubs est descendu lors de la sécheresse du début du 20e siècle. "Pour moi, cela voulait dire qu'il y a 130 ans, il y a eu une canicule similaire car on a des clichés qui le montrent. Je venais totalement par hasard, et découvre une trace qui marquait le niveau de l'eau pour l'histoire. C'était vraiment incroyable", confie David.
David n'était pas revenu sur le site depuis octobre 2018. C'est toujours avec émotion qu'il revient sur les lieux de sa découverte.
Ceux qui ont gravé cette pierre ont voulu laisser une trace dans l'histoire pour que l'on se rappelle qu'il y a eu une sécheresse en 1893 puis en 1906. On dit que les écrits restent alors que les paroles s'envolent. Ici, quelqu'un n'a pas gravé ce témoignage dans le marbre, mais dans la pierre, et cela restera pour très longtemps.
David Bourgeois - découvreur de la pierre gravée
David découvre également que de nouvelles dates ont été inscrites. Il y a 2018 et 2020 et nous assure qu'il n'y est pour rien. "Ce qui est triste, c'est que je m'aperçois qu'en l'espace de six ans, la pierre a été découverte trois fois avec 2022. Ce qui était totalement exceptionnel est devenu courant aujourd'hui. C'est vraiment très inquiétant".
Il reste à espérer maintenant que cette pierre ne soit pas trop rapidement remplie des nouvelles dates marquant les années de sécheresse. Peut-être faudra-t-il malheureusement trouver bientôt une autre dalle, pour y graver la mémoire climatique de la Franche-Comté.