INSOLITE. À bord d'ULM, ils accompagnent des Ibis chauves, oiseaux migrateurs en voie de disparition, de l'Allemagne à l'Espagne

Une trentaine d'Ibis chauves survole actuellement la France, accompagnée d'ULM. La « Waldrappteam » les conduit jusqu'en Espagne, pour leur réapprendre la route migratoire et, à terme, réintroduire l'espèce en Europe. L'étonnant convoi a fait sa première halte française en Franche-Comté, à Thise dans le Doubs.

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Des images étonnantes. Une trentaine d'Ibis chauves, une espèce d'oiseaux en voie de disparition, a survolé la Franche-Comté mercredi 23 août 2023, précédée de deux ULM.

L'équipage des deux engins volants s'est envolé le 21 août d'Hilzingen en Allemagne et escorte ces oiseaux jusqu’en Andalousie, en Espagne. Ces passionnés de la « Waldrappteam » se sont donnés une mission : réintroduire l'Ibis chauve en Europe du Nord en lui réapprenant le chemin de la migration.

Les oiseaux étaient très motivés.

Johannes Fritz, chef du projet et biologiste

« On veut les ramener dans la nature, car c’est une espèce en voie d’extinction. Ils ont été décimés par les humains en Europe, on essaie de faire renaitre cette espèce », explique Laura Pahnke, une volontaire.

Une réintroduction de l'espèce à travers l'Europe

L'oiseau migrateur a presque disparu du continent au 17ᵉ siècle. Selon l’UICN, l’espèce est classée en danger critique d’extinction et ne compte plus que quelques centaines d’individus à l’état sauvage.

« Lorsque je serai vieille et que je verrai par hasard des Ibis migrer et que, peut-être, pour les enfants, ce sera habituel de voir des Ibis en migration, je serai fière de faire partie de cette histoire. », s'imagine Helena Wehner, l'une des deux mères d'adoption de ces oiseaux, les yeux emplis d'étoiles.

Des oiseaux adoptés par des humaines

Ces Ibis chauves sont nés en captivité en Autriche voici quelques mois… Pour que les 35 oiseaux suivent les ULM, deux jeunes filles les ont recueillis à la naissance et ne les quittent plus, même en vols, lors desquels elles prennent place à l'arrière des appareils. Les Ibis chauves les prennent pour des parents d’adoption. « Elles ont recueilli les oiseaux alors qu'ils étaient tout petits – ils n'avaient que 3 ou 7 jours – et ils se sont imprégnés d'elles », détaille Laura Pahnke.

« Elles sont restées toute la journée avec eux et ont fait tout ce que les parents oiseaux feraient normalement. Elles les ont nourris, les ont câlinés, sont restées avec eux toute la journée, etc. Elles ont créé un lien très fort et c'est pour cela que les oiseaux les suivent. Parce qu'ils sont petits et qu'ils ont besoin de quelqu'un pour les guider. »

Pendant le vol, il peut arriver que les oiseaux s'éloignent des ULM. Avec des mégaphones, les mères d'adoption leur crient des instructions. « Come on Waldi ! Come ! Come ! - "Viens là Ibis, viens, viens !" », imite Johaness Fritz. 

Ils ont appris à réagir à cet appel. Pendant le vol, les mères nourricières peuvent appeler "Come on Waldi ! Come, come !". Et ils reviennent.

Johannes Fritz, chef du projet et biologiste

Direction le soleil andalou

Les mères adoptives, Helena Wehner et Barbara Steininger, accompagneront les Ibis jusqu'à leur zone d'hivernage en Andalousie. Là, elles les laisseront dans le désert. C'est alors que leur nouvelle vie commencera.

« Lorsque nous atteindrons notre site d'hivernage en Andalousie, près de la côte atlantique, nous commençons à avoir de moins en moins de contacts avec les oiseaux », raconte Helena Wehner, l'une des deux mères d'adoption.

Elle poursuit : « Nous les ferons aussi entrer en contact avec les oiseaux d'une colonie d'Iris chauves sauvages. Et lorsque nos oiseaux seront mieux intégrés dans cette colonie sauvage, nous pouvons alors leur rendre leur liberté ».

Quand je suis en vol avec les oiseaux et que je vois dans leurs yeux qu'ils sont en contact avec moi, là-haut, c'est une sensation extraordinaire.

Helena Wehner, l'une des deux mères d'adoption de la Waldrappteam

« C'est la première fois que nous migrons le long de cette route vers l'Espagne, les vols précédents ayant abouti dans le sud de la Toscane », détaille le chef du projet, Johaness Fritz.

« Le sud de la Toscane est notre principal site d'hivernage pour cette population d'iris chauves. Nous voulons maintenant commencer avec un nouveau site d'hivernage en Andalousie. ». Le périple à travers l'Europe traversera trois pays et des dizaines de bénévoles sont mobilisés.

En images : une escale dans le Doubs

Mercredi 23 août 2023, peu après 10 h, le convoi ailé s'est posé à l'aérodrome de Thise dans le Doubs. Il s'était envolé à 7 h 20 de l'aérodrome de Hütten-Hotzenwald en Allemagne, 170 kilomètres en amont.

« La deuxième étape est terminée. Tout s'est très bien passé, nous avions le meilleur soutien du vent et les oiseaux volaient à merveille », notait la Waldrappteam sur sa page Facebook. « Ils volent de plus en plus souvent en formation en V et le vol à une altitude suffisante semble leur convenir. »

Vitesse de vol de l'Ibis chauve : 40 à 45 kilomètres par heure

Johannes Fritz, chef du projet et biologiste

France 3 Franche-Comté s'est rendu à leur rencontre. Un reportage signé Damien Lefauconnier, Laurent Brocard et Christele Theodore : 

« Ils ne savent pas dans quelle direction voler »

Johannes Fritz a créé le projet il y a 20 ans. Au cours des 16 parcours de migration qu'il a entrepris depuis, le biologiste a appris à voler avec ces oiseaux. Dans la station de recherche où il travaille à l'époque, en 2001, les scientifiques étudient les Ibis chauves. « Nous avons commencé à élever ces oiseaux et à les maintenir en vol libre. Mais en août, ils ont quitté la station et se sont éparpillés dans toute l'Europe. La plupart sont morts. »

Nous nous sommes rendus compte que, même après des générations en cages, les Ibis ont toujours cet instinct de migration, mais qu'ils ne savent pas dans quelle direction voler.

Johannes Fritz, chef du projet et biologiste

« On est arrivé avec cette idée de les guider avec des ULM, jusqu’en dessous de la zone ibérique. Et donc étape après étape, on a développé le projet », ajoute le biologiste. « Après ce vol fantastique, nous avons bon espoir d'atteindre notre destination finale ».

Humains et oiseaux n’en sont qu’au début de leur périple… Après une escale d'une nuit dans le Doubs, le convoi a repris le chemin du ciel jeudi 24 août aux aurores, direction Lons-le-Saunier dans le Jura. 

Prochaine escale : la commune de Pérouges, dans l'Ain. Dans cinq semaines et une dizaine de vols environ, ils arriveront en Andalousie où une colonie de ces oiseaux grossit en nombre chaque année.

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