Anne-Sophie Bailly signe un premier long métrage émouvant. "Mon inséparable" met en scène Laure Calamy dans le rôle d'une mère célibataire, ébranlée par le désir d'indépendance de son fils handicapé. La jeune cinéaste franc-comtoise a présenté dimanche 29 décembre son film au public chez elle à Pontarlier (Doubs).
Juste après la projection, le public est encore sous le charme, littéralement touché au cœur. "C'était vraiment très très fort, très très émouvant, extrêmement puissant, très sincère, très authentique", confie une spectatrice. "C'est la vraie vie", ajoute une autre. Anne-Sophie Bailly ne pouvait pas imaginer meilleur accueil, meilleur scénario pour son retour aux sources.
Premier long métrage
Car la réalisatrice est née à Besançon et a grandi à Pontarlier (Doubs). Au cinéma L'Olympia ce dimanche 29 décembre, elle est venue présenter son premier long métrage, "Mon inséparable", sorti en salle le jour de Noël. Le film brosse le portrait de Mona, incarnée à l'écran par Laure Calamy. Cette mère vit avec son fils trentenaire, Joël (Charles Peccia Galletto), qui est "en retard". Il travaille dans un ESAT, un établissement spécialisé, et aime passionnément sa collègue Océane (Julie Froger), elle aussi en situation de handicap. Alors que Mona ignore tout de cette relation, elle apprend qu’Océane est enceinte. Et la relation fusionnelle entre mère et fils vacille.
Une rencontre fascinante
Une histoire qu'elle portait depuis longtemps en elle. "Ce film est né d'une rencontre que j'ai faite adolescente avec ma maman qui est infirmière et qui travaillait en maison de retraite, raconte-t-elle à France 3 Franche-Comté. Dans cette maison de retraite, j'ai rencontré deux femmes : une mère qui avait 80 ans et sa fille, Yolande, qui avait une soixantaine d'années."
Une rencontre qui l'a profondément marquée. "En fait, elles avaient tout le temps vécu ensemble, collées, parce que Yolande avait ce qu'on appellerait un petit retard intellectuel, explique Anne-Sophie Bailly. J'ai travaillé un été dans cette maison de retraite et j'ai eu l'occasion d'observer ce duo. Ce qui m'a fascinée, c'est que leur relation, c'était tout ce qui compose une relation filiale, d'amour, de fusion, de colère, de ressentiment, de frictions, mais en XXL. Elles me disaient toutes les deux quelque chose de la famille qui, malgré leur spécificité, est très universel." Mais attention, pas question de se tromper de propos pour la jeune réalisatrice.
Je voulais pas faire un film à thèse sur le handicap. Ce qui m'intéresse, c'est que le handicap peut être une loupe pour parler de ce que c'est que le lien. Et c'est vraiment très beau. Ce n'est pas parce que je travaille avec des acteurs handicapés que je dois résumer les personnages à leur handicap.
Anne-Sophie Bailly, réalisatrice.
Et Anne-Sophie Bailly n'a pas eu trop de mal non plus à embarquer Laure Calamy dans l'aventure. "Laure, c'est une actrice super curieuse, précise-t-elle. La première fois que je l'ai vue, c'est au théâtre et je garde le souvenir d'une tragédienne immense. Ce n'est pas forcément la première image qu'on a d'elle parce qu'elle a été mise en lumière notamment par la série 10 pour cent. Mais c'est une femme qui est capable d'aller dans des gouffres, dans des abîmes d'elle-même, et qui dans le même temps, a cette sorte de tenue vraiment, cette vivacité. Je me suis dit que ce serait magnifique pour Mona. Et quand on s'est rencontrées, on a eu le sentiment toutes les deux qu'il y avait quelque chose à faire ensemble."
"Ce qu'il a de franc-comtois, c'est qu'il a le cœur assez ouvert"
Très attachée à ses racines, la réalisatrice a néanmoins choisi un tout autre décor pour son film. Mais à bien y regarder, assure-t-elle, la Franche-Comté n'est pas si loin. "Ce qu'il a de franc-comtois, c'est qu'il a le cœur assez ouvert, sourit Anne-Sophie Bailly. Il a une forme de grande franchise, une forme de brutalité, une forme de grande tendresse."
Et elle le promet. Elle viendra tourner ici un jour. Là où elle a appris à aimer le cinéma, à Pontarlier. "J'allais à L'Olympia quand il était au centre-ville, raconte la cinéaste. C'est une salle que j'aimais vraiment beaucoup, beaucoup." Même si ses premières amours, "c'était vraiment le théâtre", avoue-t-elle. "Je suis arrivée au théâtre vraiment petite à la MJC des capucins, ensuite à l'école de musique, avec Jean-Louis Deville à l'atelier Espace vide. Et j'en ai fait mon métier. J'ai été comédienne pendant quelques années. Et petit à petit, je me suis rapprochée du cinéma."
En 2017, elle intégrera finalement la célèbre Femis. Elle y a réalisé plusieurs courts-métrages entre 2018 et 2021, oscillant entre le documentaire ("En Travail" en 2019) et la fiction. Son court-métrage de fin d'études, "La Ventrière" (2021), a été sélectionné dans plus de quarante festivals à travers le monde, de la France (Clermont-Ferrand) aux États-Unis (Telluride) et a remporté une dizaine de prix.
"Mon inséparable" pourrait lui apporter de nouveaux lauriers. Les critiques sont déjà excellentes. Et Charles Peccia Galletto, premier comédien en situation de handicap nommé aux César, est en lice pour les révélations masculines.