Depuis une année, de malheureux propriétaires de voitures DS, Citroën, Peugeot et Opel touchés par les problèmes des moteurs PureTech se regroupent pour tenter d'obtenir une indemnisation financière de la part du groupe Stellantis, grâce à la plateforme MyLéo. 500.000 véhicules sont concernés dans le monde entier.
Céline* ne voyage jamais sans son permis de conduire, sa carte grise et surtout son bidon d’huile. Elle est propriétaire d’une 3008 essence moteur PureTech trois cylindres. Le “cocktail” mécanique qui risque à tout moment de la faire tomber en panne.
Le scandale des véhicules dotés d’un moteur PureTech ne date pas d’aujourd’hui, mais les propriétaires sont chaque jour de plus en plus nombreux à poster des messages sur des pages Facebook dédiées à ce problème, à contacter les associations ou prendre attache avec la plateforme MyLéo, une plateforme d'actions collectives.
J’ai acheté ma voiture chez un garagiste spécialisé dans les véhicules d’occasion, c’était en mars 2023, la mise en circulation de ma voiture remonte à mai 2019. Je pense que la concession connaissait le problème.
Céline, propriétaire d'une 3008 PureTech
Juillet 2024, quelques jours avant le départ en vacances, Céline se rend chez un garagiste pour la vérification des niveaux. À sa grande surprise, il manquait plus de la moitié d’huile moteur alors que la vidange avait été réalisée six mois plus tôt. En octobre, elle s’aperçoit une nouvelle fois que le niveau d’huile moteur est beaucoup trop bas. “Là encore, j’ai ajouté la moitié d’un bidon d’un litre” détaille cette jeune maman. “Ce jour-là, j’étais en compagnie de mon cousin qui, devant le capot de ma voiture levé, me demande si mon 3008 est une essence avec un moteur PureTech 3 cylindres. Il m’a alors conseillé de m’en séparer au plus vite”.
L'automobiliste du Doubs mène alors des recherches sur internet et découvre le "scandale" qu’elle juge “étouffé” des moteurs PureTech. “Si vous ne vous intéressez pas à la presse spécialisée dans l’automobile, vous passez totalement à côté”, et apparaît chez elle un sentiment de trahison.
Je me pensais en sécurité avec ma fille parcourant des centaines et des centaines de kilomètres, il n’en est rien. À chaque trajet, mes yeux sont fixés sur le tableau de bord, craignant de voir un voyant s’allumer
Céline, propriétaire d'une 3008 PureTech
Selon elle, les choses ne devraient pas être ainsi avec un véhicule âgé de seulement cinq ans et qui coûte 25 000 euros. "C’est extrêmement grave de la part de Peugeot de ne rien faire, de nous laisser dans l’insécurité. On est complètement laissés de côté”, estime la conductrice.
Moteur PureTech, rebaptisé “Pure Toc”
Au standard de l'association UFC-Que Choisir du Doubs, les appels de propriétaires de véhicules avec un moteur PureTech sont au nombre un à deux par semaine. De la bouche du juriste Benjamin Capelli “ce n’est pas négligeable”. "Les personnes nous demandent des renseignements, qu'est-ce qui doit se passer à présent avec leurs véhicules, qu’est-ce qu’ils peuvent faire, d’autres sont déjà en conflit avec Peugeot”.
Lancé il y a 12 ans, le moteur PureTech avait pourtant été élu “meilleur moteur dans sa catégorie” en 2015, 2016, 2017 et 2018. Rebaptisé “Pure Toc” ou encore “Pure M...”, près de 500.000 propriétaires d'un PureTech dans le monde, dont 40 000 en France, seraient concernés.
Le problème de ces moteurs essence trois cylindres, c'est qu’ils présentent un risque d'usure prématurée de la courroie de distribution avec une surconsommation d'huile, entraînant la plupart du temps la casse du moteur. Il s’agit d’un problème de conception
Benjamin Capelli, juriste à UFC-Que Choisir dans le Doubs
Quand il y a une surconsommation d’huile, Peugeot conseille une pesée d’huile. "À partir de là, la pièce défectueuse ou le moteur lui-même est changé, mais le problème n’est pas réglé pour autant, car si on vous remplace le moteur, on vous remet un moteur PureTech". À l'UFC-Que Choisir, il y a d’abord la phase amiable auprès de Stellantis et ensuite des actions judiciaires avec un avocat. "La fédération nationale est en lien avec la répression des fraudes”, nous précise Benjamin Capelli.
8.000 plaignants réunis grâce à la plateforme MyLéo
En 2021, Sébastien Czerniak, un habitant du nord, a créé une page Facebook pour rassembler tous les automobilistes mécontents des moteurs PureTech. Aujourd’hui, sa page intitulée PSA 1.2 Puretech Problemes : Courroie , Surconsommation D’huile, Moteur HS, comptabilise plus de 47.000 membres. À nos confrères de France 3 Hauts-de-France, il explique dans un article.
Je trouve abusé qu’une société comme Stellantis rejette la faute sur ses clients et les fasse payer leur problème de conception
Sébastien Czeniak, propriétaire d'une PureTech
Vers une action collective contentieuse envers Stellantis ?
Dans les publications Facebook, de nombreux témoignages inquiétants de voyants qui s’allument, de mauvaises prises en charge de Stellantis. Et à chaque fois, le même sentiment d’insécurité et d’abandon qui émerge.
Devant le nombre croissant des internautes qui le contacte, Sébastien Czerniak fait appel à la plateforme Myléo, un cabinet d’avocats dont la visée est de tenter une action collective contre Stellantis. Lorsque Sébastien Czerniak les contacte en novembre 2023, ils sont déjà 1.000 propriétaires mécontents de leur moteur PureTech.
Aujourd’hui, ils sont plus de 5.000 et 3.000 sur une liste d’attente. Parmi les plaignants, Jean-Marie Gaudin dans le Haut-Jura. Il a acheté un 3008 neuf en 2017. Les premiers problèmes se sont manifestés en 2020 à 95.000 km, avec la dégradation de la courroie. Peugeot a pris en charge les réparations, mais à 145.000 km le moteur a lâché. Le couple a dû débourser 2.900 euros, car Stellantis n’a pas pris en charge la totalité des frais.
La conséquence de tout ça c’est qu’ils nous ont remis le même moteur donc on ne sait pas s’il va tenir, et s'il tient, il tiendra combien de temps. Si on nous avait dit quel type de courroie c’était, on n’aurait pas acheté une telle voiture. La nôtre est invendable, on l’emmènera jusqu’au bout même.
Jean-Marie Gaudin, propriétaire d'un PureTech
Jean-Marie Gaudin continue donc de rouler avec sa voiture, en toute insécurité, il le sait, et à vérifier le niveau d’huile, constamment.
Autre client de la plateforme MyLéo, Kévin Durin, qui, le 25 janvier 2024, a frôlé l’accident. Lui, sa femme, ses jumeaux de trois mois, sa mère et sa sœur prennent la direction de Pontarlier. Lors d’un dépassement, son 5008 1.2 PureTech perd de la puissance, impossible de se rabattre alors qu'un véhicule arrivait en face. “Dès que le moteur chauffe, on perd de la puissance. On a déjà changé la courroie, Stellantis n’a pas voulu prendre en charge”.
Stellantis a jusqu’au 20 décembre 2024 pour faire des propositions à la plateforme MyLéo
Face à ces automobilistes délaissés et regroupés grâce à la plateforme MyLéo, Me Christophe Lèguevaques a demandé des indemnisations financières pour chacun des 5.000 plaignants. “En mars 2024, nous avons échangé pendant trois mois avec Stellantis pour une indemnisation individuelle. En juin, nous n’avons rien vu venir, juste une extension de garantie et la création d’un label sur les véhicules en vente, stipulant que telle ou telle réparation a été effectuée", détaille Me Christophe Lèguevaques. En juillet 2024, l'avocat convoque en visio 3.000 personnes à travers la France, qui sont en litiges avec Stellantis, pour leur faire part des réponses du constructeur, mais le compte n'y était pas.
Le 25 octobre, Stellantis devait revenir vers nous, mais on n’a rien vu venir, ils nous ont dit “c’est compliqué pour nous, on n’y arrive pas”. On leur a accordé jusqu’au 20 décembre pour proposer quelque chose, s’il ne se passe rien, on arrivera à une phase contentieuse
Me Christophe Lèguevaques, avocat de la plateforme MyLéo
Malheureusement, il n’y a pas que des Peugeot, les DS, les Citroën et les Opel sont également concernées. Et selon Me Christophe Lèguevaques, "Stellantis était au courant depuis le début".
Céline, Kévin, Patrick, Jean-Marie mais aussi Stéphanie et Ludovic*
Patrick possède une Citroën. “Il y a deux ans, j’ai changé ma courroie, mais je continue à remettre de l’huile constamment, en moyenne 1 litre tous les 1.500 km. Stellantis n’a pas tout pris en charge, on me dit que mon dossier ne rentre pas dans les clous, donc c’est malhonnête de leur part. Je suis très déçu de cette erreur technique, on ne met pas une courroie de distribution dans de l’huile". Patrick a demandé la prise en charge de ses réparations auprès de Stellantis, mais sans succès.
Ce n’est quand même pas possible qu’un ingénieur de Stellantis ait fait une bêtise pareille et que celle-ci ait été validée par autrui. C’est tout de même culotté, surtout quand on voit que Tavares part avec un pactole
Patrick, propriétaire d'une Citroën PureTech
Ludovic, lui, réside dans l’agglomération de Montbéliard, le pays de la “Peuge”, il travaille dans une usine Peugeot et pourtant, c’est l'appel à témoignage lancé sur la page Facebook de France 3 Franche-Comté qui lui apprend l’existence de ces problèmes sur les moteurs PureTech. Il possède une C3 Citroën 1.2 essence PureTech de 2018 et depuis quelque temps, il rencontre, comme beaucoup, des problèmes. “J’ai dû changer la courroie de distribution à 80.000 km ainsi que le catalyseur, il n’y a pas très longtemps, depuis août, j'ai le voyant “défaut moteur” qui s’allume et j’ai aussi constaté une surconsommation d’huile” s’indigne Ludovic. Sa C3 était destinée à sa fille au prochain changement de voiture, il n’en sera rien : le moteur PureTech remet en cause les projets de cette famille.
On voulait changer de voiture et laisser celle-ci à notre fille, mais comme c’est un bouffe-budget, on ne lui laissera pas
Ludovic, propriétaire d'une voiture au moteur PureTech
Stéphanie, elle, ne peut plus rouler avec sa Peugeot 2008. Le souci : l’antipollution qui ne dépollue plus, à cause de la surconsommation d’huile, et ce, malgré le changement de pièce. Résultat : son véhicule ne passe pas au Contrôle Technique et Stellantis ne veut rien entendre, tout reste à ses frais. “Ma voiture est au garage depuis juillet, considérée comme non-roulante. Je demande auprès de Stellantis le changement du moteur, mais ils ne veulent rien entendre, pourtant le véhicule n’aura que 10 ans en mai prochain, les révisions sont effectuées chez le garagiste, je ne comprends pas”, s'interroge-t-elle.
Extension de garantie ? La réponse de Stellantis
Contacté, le service de presse de Stellantis apporte des détails sur la prise en charge des véhicules PureTech concernés par ces problèmes.
- Quelle est l’extension de garantie ?
"Ayant fait de la satisfaction de ses clients l'une de ses valeurs fondamentales", Stellantis confirme l'extension de la garantie pour certains moteurs à essence 3 cylindres Puretech, sous certaines conditions.
Suite à des cas signalés de consommation excessive d'huile ou de perte de pression d'huile (liés à la dégradation prématurée de la courroie de distribution), Stellantis offre une extension de garantie. “Pour bénéficier de l’extension de garantie, il faut que le véhicule ait été entretenu régulièrement dans le réseau et ait moins de 175 000 km. À ce moment-là, le constructeur applique une garantie de 10 ans sur le moteur".
Les clients intéressés par cette extension de garantie sont invités à contacter le réseau de service agréé pour consulter les termes et conditions de cette extension.
- Conditions à respecter :
Que l’entretien ait été réalisé selon le plan d’entretien préconisé par le constructeur, auprès de n’importe quel professionnel automobile,
Que le diagnostic et la réparation aient été obligatoirement réalisés dans le réseau agréé,
Stellantis n’exige pas 100% des factures d’entretien, mais seulement les trois dernières, avec une tolérance de 3 mois / 3000 kms.
- Quels véhicules sont concernés ?
Il s’agit des véhicules Peugeot, Citroën et DS équipés du moteur 1,2 litre essence, produits avant 2022. Des modifications techniques ont été apportées sur les nouveaux moteurs en 2022 et 2023 comme un nouveau dessin de pistons, le renforcement du déshuileur, ou l'implantation d'une nouvelle courroie, assure Stellantis. "Aujourd’hui, notre nouvelle génération de moteurs 1,2 litre essence est composée de 70 % de nouvelles pièces et ne pose donc plus de problème".
À ce jour, Stellantis n'a pas souhaité communiquer le nombre de propriétaires d'un véhicule PureTech, ayant demandé l'extension de garantie.
En attendant, Céline*, comme toutes les autres victimes, vit avec le fardeau d'un véhicule qui n'est pas fiable.
Le prénom a été modifié*