Régulièrement depuis deux ans, des rejets aux odeurs de lait vicié traversent une prairie en contrebas de la fromagerie de Longevilles-Mont-d'Or (Doubs) et polluent la rivière du Bief Rouge. Les recherches menées jusqu'à présent n'ont pas trouvé de fuite dans la fromagerie, qui dément toute implication. Le propriétaire du champ va porter plainte.
C'est un scénario désormais tristement classique sur les terres d'élevage du massif jurassien. Des effluents nauséabonds d'origine animale surgissent en abondance à travers une prairie ou un champ, et se déversent dans une rivière. L'eau douce ainsi souillée de matières organiques connaît une prolifération d'algues filamenteuses qui prennent l'ascendant sur les autres espèces, privant de nourriture la faune aquatique. C'est ce qu'on appelle l'eutrophisation. Par ailleurs, ces matières organiques véhiculent des bactéries qui entraînent une surmortalité des poissons. Double peine.
Sur le Bief Rouge, petite rivière qui se jette dans le lac Saint Point et donc à terme dans le Doubs, un pêcheur a fait les constatations de pollution. "Il s'agit d'un liquide blanchâtre à l'odeur de lait pourri, explique-t-il. Il souille la prairie sur un demi hectare entre la fromagerie et la rivière, au point de la transformer en marécage. L'endroit est inexploitable."
La fromagerie se défend d'être à l'origine de la pollution
Saisis, différents organismes de contrôle ont effectué des analyses et enquêtent. Les inspecteurs de la Direction départementale de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP) ont effectué au sein de la fromagerie de Longevilles-Mont-D'or plusieurs prélèvements.
"Ils ont testé par deux fois notre circuit de retraitement en utilisant de la coloration à la fluorescéine, précise Cédric Merlier, le fromager. Chaque fois la couleur est réapparue dans notre cuve, pas dehors dans le champ. Il faut qu'ils cherchent ailleurs et inspectent le réseau en amont de la fromagerie."
Tout le monde nous regarde de travers. On a mauvaise presse. Nous sommes les premiers à vouloir que ça bouge !
Cédric Merlier, fromager aux Longevilles-Mont-D'or
La DDETSPP devrait saisir la Direction Départementale du Territoire (DDT) pour inspecter le réseau du village tout entier.
Des riverains témoignent d'une ancienne canalisation qui autrefois acheminait le petit lait de la fromagerie vers un élevage porcin situé plus haut, grâce à une pompe de relevage. Aujourd'hui l'installation n'est plus en service mais peut-être a-t-elle été endommagée ou touchée lors des travaux d'agrandissement de la fromagerie en 2020 ? Plusieurs milliers de m3 de terre ont été remués et installés en remblais afin de pouvoir faire le tour des bâtiments. Les problèmes de rejets polluants sont concomitants à ces travaux.
La prairie en contrebas a toujours eu des petites sources qui rejaillissaient en fonction des précipitations. Le problème est que depuis 2020, leurs eaux sont continues, sales et nauséabondes, sentant tantôt le lait pourri ou le lisier.
Le propriétaire du terrain, qui l'exploite à cet endroit pour son propre compte, va porter plainte. Le collectif SOS Loue Rivières Comtoises (lanceurs d'alerte) via la Commission de protection des eaux (CPEPESC) devrait faire de même.