Les personnels des musées des Arts et du Temps de Besançon (Doubs) se sont de nouveau mis en grève ce vendredi 31 mai 2024. Un débrayage symbolique pour protester contre les méthodes de leur nouvelle directrice en poste depuis un an et les dégradations de leurs conditions de travail.
"Mépriser, c'est refuser de comprendre", peut-on lire sur l'une des affichettes collées sur les portes du Musée des Beaux-Arts. Et la phrase de Marcel Aymé traduit bien leur sentiment. Les personnels des Musées des Arts et du Temps (MAT) de Besançon (Doubs) se sont mis en grève ce vendredi 31 mai 2024. Un débrayage d'une heure en fin de matinée pour dénoncer une nouvelle fois les méthodes managériales de leur nouvelle directrice, Laurence Madeline, nommée il y a un an.
Des agents techniques aux conservateurs, ils s'étaient déjà mobilisés le 12 avril dernier. Et ils étaient encore 22 à cesser le travail sur les 67 titulaires. "Ce sont toutes les personnes qui sont directement en contact avec la directrice, indique une gréviste qui précise que "tous les salariés qui ont des contrats précaires n'osent pas faire grève de peur de ne pas être renouvelés."
"On nous avait promis une rencontre avec les élus, une délégation des agents a bien été reçue par Aline Chassagne, adjointe à la Culture et Elise Aebischer, adjointe à la maire en charge des ressources humaines, qui nous ont écoutés, mais après, plus rien, déplore Emmanuelle Monnin, déléguée du personnel SUD Solidaires à la ville de Besançon. En attendant, le personnel est toujours en souffrance, il y a de plus en plus d'arrêts maladie et la situation se détériore." "On tient le coup mais on a envie de pleurer tout le temps", avoue même une salariée.
Coaching collectif prévu en juin
Un coaching collectif doit être mis en place le 10 juin prochain, assure néanmoins Baudoin Ruyssen. Le Directeur Général des Services (DGS) de la ville de Besançon veut croire à un "apaisement". "Les difficultés que connaissent les musées sont pour beaucoup des difficultés anciennes, explique-t-il à France 3 Franche-Comté. Un diagnostic a été fait. Nous avons déjà apporté des réponses à un certain nombre de revendications émises depuis des mois, concernant les rémunérations, la charge de travail, le budget et les projets. Nous avons traité aussi un certain nombre de situations individuelles. Nous allons maintenant essayer de reconstruire le collectif."
Cette mesure suffira-t-elle à renouer le dialogue entre la directrice et ses équipes ? C'est toute la question." On marche sur la tête, poursuit Emmanuelle Monnin. Ce coaching collectif ne concerne que l'équipe de direction et quelques agents. En fait, on va demander à tout le monde de s'adapter, de composer avec un management dysfonctionnel au lieu de le supprimer."
Une dépense de "plusieurs milliers d'euros" inutile pour beaucoup. "Ce sera aux frais du contribuable et ça va aussi nous prendre du temps", s'insurge une collaboratrice qui témoigne anonymement en raison de son devoir de réserve. "C'est à nous qu'on demande de faire les efforts, poursuit-elle. Le Directeur Général des Services nous a dit que les services culturels étaient des "fragiles", qu'on se plaignait sans arrêt, qu'on était des pleureuses."
"On a honte pour nos visiteurs"
Les agents se disent très inquiets surtout pour la programmation des mois à venir. "On a un grand événement prévu de longue date autour de la danse l'an prochain en collaboration avec l'Institut National de l'Histoire de l'art (INHA) mais plus aucun projet après, expliquent les agents. Or, il faut au moins deux à trois ans pour préparer une exposition. La directrice a apparemment un projet à elle sur Picasso et le temps, qu'elle a présenté aux élus et à la presse sans nous en parler, mais on n'a que le titre pour l'instant".
Et l'horloge semble même s'être arrêtée au Musée du Temps. "On a honte pour nos visiteurs, raconte cette locataire du Palais Granvelle. On a arrêté toutes les expos et on doit se mettre sur le grand chantier de l'inventaire des collections. Mais depuis le mois d'avril l'an dernier, on n'a eu que trois réunions. Et maintenant, la directrice refuse qu'on travaille sur les projets qu'elle nous a fixés. On n'a plus d'objectifs, plus de cadre, plus de missions."
C'est un problème de management, de comportement, il faut que la collectivité prenne ses responsabilités. Au lieu de ça, la directrice a été placée sous protection fonctionnelle.
Sophie Caron, secrétaire générale FO Territoriaux du Grand Besançon.
Refus du bouc émissaire
Aucun élu n'est venu cette fois à leur rencontre. "Ce qui est le plus fou, c'est le silence absolu de la maire", lance un agent. "Les élus veulent faire des musées un outil d'attractivité et de rayonnement mais c'est l'inverse, regrette Emmanuelle Monnin. Et ce pourrissement de la situation donne une image très négative."
Du côté de la mairie, on refuse d'en faire une affaire de personne. "Je conteste ce discours du bouc émissaire", insiste Baudoin Ruyssen.
Il n'y a pas une personne qui est responsable de tous les maux et de toutes les difficultés. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu d'erreurs. Il y a beaucoup de personnes qui souffrent de la situation et à tous les niveaux de la hiérarchie. La situation est douloureuse, elle est difficile. Mais il y a la volonté et la nécessité d'un travail en commun.
Baudoin Ruyssen, Directeur Général des Services (DGS) de la ville de Besançon.
Cela prendra sans doute du temps, reconnaît le DGS.
Précisions de la directrice
Au lendemain de la mobilisation des fonctionnaires, Laurence Madeline a souhaité à son tour apporter certaines précisions. Dans un premier temps, la directrice se réjouit que l'opération Déjeuner sur l'herbe, organisée grâce à la générosité du musée d'Orsay, ait attiré près de 5000 visiteurs. "Nous attendons encore beaucoup de monde demain (dimanche 2 juin, NDLR) pour fêter le dernier jour de la présence du tableau dans les salles du musée des beaux-arts et d'archéologie, explique-t-elle à France 3 Franche-Comté. L'exposition 'Made in Germany' rencontre également un beau succès dont nous nous félicitons tous."
Laurence Madeline conteste en revanche certains propos tenus par les grévistes. "Concernant l'exposition 'Picasso et le Temps', le projet a été présenté en détail aux équipes au cours d'une réunion sur la programmation des expositions qui a eu lieu le 9 mai 2023", affirme-t-elle.
Elle tient à ajouter au passage qu'il n'y a aucun retard sur l'exposition Chorégraphies. "J'ai signé les demandes de prêt qui ont été adressées aux prêteurs, nous commençons à recevoir leurs réponses, le descriptif du catalogue est en cours de validation, les équipes de médiation travaillent à la programmation avec différents partenaires de la ville. Tout suit donc normalement son cours."
Pour 2026, il y aura cette exposition Picasso avec de très beaux prêts déjà accordés par le musée Picasso de Paris, celui de Barcelone, la Bibliothèque François Mitterrand, des collectionneurs...
Laurence Madeline, directrice des Musées des Arts et du Temps (MAT) de Besançon.
Laurence Madeline indique enfin qu'elle espère rapidement commencer à développer avec ses collègues des musées "une exposition dévoilant des photographies des collections du musée des Beaux-Arts récemment acquises". "Cela constituera une très belle découverte", assure-t-elle.