"On est passé du tout au presque rien" : les installations de pompes à chaleur en chute libre, le blues des chauffagistes "dépités"

Depuis plusieurs mois, les installations de pompes à chaleur se sont brusquement effondrées en France. Alors que le gouvernement affichait il y a peu des objectifs de développement élevés pour le secteur, les professionnels en manque de commandes se retrouvent aujourd'hui en difficulté. Témoignages en Franche-Comté.

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"On est passé du tout au presque rien". Cette phrase, Bernard Cuenot n'aurait jamais pensé la prononcer il y a de ça quelques mois. Chauffagiste à Levier (Doubs), le professionnel se heurte depuis plusieurs semaines à une situation qu'il n'avait pas anticipée : le désamour des Français pour les pompes à chaleur.

Une vraie surprise, alors que ce mode de chauffage présenté comme économique et écologique avait été plébiscité par le gouvernement ces dernières années. À travers, justement, des annonces en grande pompe, comme celle du président Emmanuel Macron qui, en septembre 2023, voulait que la France atteigne dès 2027 une production annuelle de 1 million de pompes à chaleur. Un objectif boosté par des aides financières aux particuliers comme MaPrimeRénov’ ou le Coup de pouce Chauffage.

"On a perdu entre 40 et 50 % de demandes"

"La baisse est importante. Et brutale" reprend Bernard Cuenot. "Pour ma part, les appels et les installations ont commencé à baisser durant l'été, en juillet-août 2024. De 30 à 40 demandes par mois, on est passé à 6,7. C'est dur". Heureusement pour lui, son entreprise propose d'autres solutions de chauffage et n'est "pour l'instant pas en difficulté économique. Même si on est morose, on y arrive. Mais certains commerciaux et producteurs de pompe sont vraiment dépités".

C'est le cas de l'entreprise Vivre Eco, qui produit ses propres pompes à chaleur dans les Vosges et installe ses produits dans tout l'est du pays, y compris en Franche-Comté. "C'est simple, on a perdu entre 40 et 50 % de demandes" assure Aurélien Vautravers, responsable de l'agence Vivre Eco à Baume-les-Dames (Doubs). "Pour l'instant, on travaille encore à poser les pompes commandées l'an dernier, où on a eu beaucoup de commandes. Mais on commence à être inquiet".

Après les annonces gouvernementales, on a beaucoup investi dans l'appareil de production. Des embauches, un nouvel atelier complet qu'on n'arrive pour le moment pas à rentabiliser car on ne fabrique pas assez.

Aurélien Vautravers,

salarié de l'entreprise Vivre Eco à Baume-les-Dames

"Si les ventes restent au niveau actuel, ça va nous mettre vraiment en difficulté" regrette le technicien. "

"Notre société existe depuis 25 ans, on a les reins solides, car on propose d'autres systèmes de chauffage thermique. Mais sur le secteur des pompes à chaleur, on pourrait avoir des employés au chômage technique si ça continue comme ça" ajoute-t-il.

Comment expliquer cet effondrement du marché des pompes à chaleur ? Les professionnels avancent plusieurs explications. Avec en premier lieu, la situation politique instable du pays. "Les gens se questionnent, réfléchissent plus et sont frileux à l'idée d'investir une dizaine de milliers d'euros" explique Aurélien Vautravers. "On a des gouvernements instables, donc les Français se disent que les coûts de l'énergie peuvent changer du jour au lendemain. Et puis on souffre aussi des multiples arnaques aux pompes à chaleur qui nous discréditent".

Perte de confiance et aides compliquées

C'est également le constat de Bernard Cuenot, chauffagiste dans le Doubs. "Les clients ont moins confiance. Quand j'expose mes arguments, on me coupe en disant "ça ne chauffe pas assez", "ça revient trop cher en électricité". Flavien Daval, directeur d'une entreprise de chauffage et climatisation basée à Froideconche (Haute-Saône) pointe également du doigt des aides "trop compliquées à avoir. Il y a du potentiel, mais les gens n'y comprennent rien. Les dossiers sont trop longs à monter et mettent trop de temps à être traités".

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Même avis chez la société Midot Plombier-Chauffagiste, à Baume-les-Dames, où "le téléphone ne sonne presque plus pour les pompes à chaleur". "On est passé de quatre installations par mois début 2024 à deux, voir zéro, depuis l'été" s'attriste Sébastien Midot. "Pour moi, on paye également la mauvaise passe de l'immobilier. Les gens n'achètent plus, donc ne font plus de travaux, et encore moins pour les pompes à chaleur".

Avant, on était inquiet car on avait pas le temps de tout installer. Maintenant, on est inquiet et on attend que chaque devis soit validé.

Sébastien Midot,

gérant de l'entreprise Midot Plombier-Chauffagiste

Chez toutes les personnes interrogées, c'est donc la déception et la surprise vis-à-vis de cet effondrement rapide qui prédominent. Avec en toile de fond un agacement face au manque de vision de l'État, "qui a pourtant incité à investir".

"Les objectifs du gouvernement, c'est mort. On se rend compte aujourd'hui qu'ils sont irréalisables" évacue Aurélien Vautravers, de Vivre Eco. "Le président parlait d'un million de pompes fabriquées en France installées chaque année. On ne va même pas produire la moitié". L'espoir de la profession : "que cette situation ne dure pas". Au risque de voir un secteur déjà en difficulté sombrer dans la crise.

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