Une pénurie de médicaments est signalée en France. Les traitements des maladies cardiaques et de certaines maladies chroniques sont concernés. Cette situation inquiète les pharmaciens de Franche-Comté qui continuent d'échanger avec le gouvernement.
Au 30 novembre 2023, une cinquantaine de médicaments sont en rupture de stock en France. Selon les derniers chiffres de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), plus d’une centaine d’autres sont en tension d’approvisionnement.
Parmi les médicaments concernés figurent notamment l’Amoxiciline. Cet antibiotique prescrit en cas d’infection virale fait partie des plus consommés en France, juste derrière le Doliprane. La Cortisone, qui permet de soigner les maladies inflammatoires chroniques, est également sous tension pendant certaines périodes.
En Franche-Comté, c’est surtout l’absence de Flécaïne, utilisé en cas de troubles cardiaques, ou celles des traitements contre le diabète qui inquiètent. “Le panel est vraiment très large, la pénurie touche toutes les classes thérapeutiques”, dénonce Nadine Brotelande. Selon la présidente de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de la région de Franche-Comté, “les pharmaciens sont en colère” à cause de cette pénurie de médicaments.
La situation de pénurie pourrait durer plusieurs mois, voire plusieurs années.
Nadine Brotelande, présidente de la FSPF Franche-Comté
“On se demande comment on va passer l’hiver”
Cette situation intervient au moment même où les maladies automnales et hivernales font leur apparition, comme la bronchiolite, ou encore l’épidémie de Covid-19, toujours en cours dans la région. “On se demande comment on va passer l’hiver. La situation est très tendue”, ajoute Nadine Brotelande. Selon elle, “la situation de pénurie pourrait durer plusieurs mois, voire plus années”
Si la pénurie dans les pharmacies est commune à l’ensemble du territoire national, c’est parce que le principal laboratoire fabricant, Sanofi, a réduit la production et la livraison de médicaments. Comme beaucoup d'autres laboratoires, Sanofi a fait face aux directives imposées par le gouvernement, dans le cadre de son projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). En résumé, comme le rappelle Nadine Brotelande, “les laboratoires ne doivent pas nous livrer de médicaments en direct, mais passer par des grossistes répartiteurs”.
Cette méthode devait permettre à toutes les pharmacies d’avoir des stocks. Mais, dans les faits, “on ne reçoit que très peu de médicaments du laboratoire et seulement de façon épisodique de la part des grossistes”, détaille le syndicat majoritaire de la profession, la FSPF de Franche-Comté.
Pénurie de personnel
À la pénurie de médicaments s’ajoute un personnel en sous effectif dans les officines. Notamment en ce qui concerne les pharmaciens adjoints, appelés en renfort ou pour remplacer un pharmacien titulaire en cas de congés ou de maladie, et les préparateurs en pharmacie. “Nos collaborateurs ont quitté le bateau depuis le Covid du fait d’une suractivité. Certains ont même changé de métier”, déplore Nadine Brotelande, qui estime que “la profession attire de moins en moins” et qu’elle fait désormais face à des difficultés de recrutement.
Vaccinations en pharmacie, tests de dépistage effectués par des pharmaciens : tous ces actes médicaux auparavant dévolus au médecin généraliste ont été élargies aux pharmaciens sur décision du gouvernement. Un choix qui suscite des critiques dans les rangs des pharmaciens. “On ne peut pas se démultiplier ni faire des journées à rallonge”, alerte Nadine Brotelande.
Alors les officines ont été contraintes de se réorganiser. Ce sont les préparateurs qui ont vu leurs activités le plus évoluer. “Ils sont nos bras droits”, relève Nadine Brotelande. “Ils nous aident énormément et font partie du même corps de métier. Même s’ils sont toujours sous la responsabilité d’un pharmacien, ils ont eu des autorisations pendant le Covid pour nous aider à vacciner, tester, après avoir suivi une formation”, rappelle encore Nadine Brotelande.
Les patients ne seront pas la variable d’ajustement d’un système qui s’est dérégulé, alors que les stocks existent.
Aurélien Rousseau, minsitre de la Santé et de la prévention
Le gouvernement interpellé
Face à la mobilisation des professionnels de santé et pour tenter de pallier la pénurie, le gouvernement prévoit de réimplanter des usines de fabrication de médicaments en France. Il s'agit du plan "France 2030 pour la "reconquête sanitaire". Nadine Brotelande, qui salue l’initiative, rappelle que “les chaines de productions ne seront pas relancées avant un moment et ce ne sera pas simple du tout”.
Le ministère de la Santé et la FSPF dialoguent toutes les semaines pour tenter de trouver une issue. Son président national, Phillipe Besset, assure que “le gouvernement n’a pas encore donné de réponse satisfaisante à ce jour, mais qu’il reste complètement mobilisé”. Malgré son intervention, “la situation de pénurie se poursuit et ça m'inquiète. La disponibilité des produits n’est pas encore au rendez-vous”, souligne encore Philippe Besset.
En dix jours, tous les acteurs de la chaîne du médicament ont bâti une charte d’engagement, comme je leur avais demandé. J’en suivrai personnellement les résultats. Les patients ne seront pas la variable d’ajustement d’un système qui s’est dérégulé, alors que les stocks existent! pic.twitter.com/dvs0W0UAoX
— Aurélien Rousseau (@aur_rousseau) November 22, 2023
Mi-novembre, une charte d’engagement entre le gouvernement français, l’industrie pharmaceutique et le syndicat des pharmaciens d’officine a été signée. À l’initiative du ministre de la Santé Aurélien Rousseau, cette charte doit notamment permettre de prémunir les officines de tout risque de pénurie grâce à des échanges plus poussés avec l’ANSM et les laboratoires pharmaceutiques.