Il figurait parmi les élus du Doubs récompensés pour la longévité de leur engagement, lundi 16 septembre. Maire de Montenois pendant 43 ans, Daniel Jeannin, 82 ans, a tout donné à sa commune. Une politique scolaire, une maison de santé, jusqu'à sa propre retraite.
Daniel Jeannin voit le jour sous l’occupation allemande, en 1942, à Montenois. Après la guerre, le village est “meurtri”, “l'un des plus pauvres du Doubs”. Mais “les anciens”, "formidables” et “respectueux de l’enfance”, lui donnent envie de devenir à son tour, un jour, “celui-là pour les gosses” de Montenois.
Le seul, d'une fratrie de neuf enfants, à décrocher l’examen d’entrée au collège de Montbéliard, sa famille “se sacrifie” pour financer ses études. C'est peine perdue : Daniel veut revenir vivre à Montenois. Il n’est pas fait pour être "enfermé dans une salle de classe”. Pas plus qu’il ne supporte le “mépris pour les péquenauds” en ville.
Gratuité des fournitures scolaires
C’est avec ses amis d’enfance, devenus ouvriers chez Peugeot et pères de famille comme lui, qu’ils se lancent le défi. “Soit on change le village, soit on va ailleurs”, se concertent-ils avant de reprendre la mairie à la droite, sous l’étiquette du Parti communiste (PCF).
Daniel Jeannin devient maire à l'âge de 35 ans, en 1977. À l’époque, les Montenais étaient moins de 600. Ils sont plus de 1 500 actuellement. Que s’est-il passé entre deux ? 47 ans, dont 43 ans de mandat pour Daniel Jeannin, au cours desquels il n'a cessé de s'échiner à développer les services publics dans sa commune.
“On a commencé par l’école”, où toutes les fournitures scolaires sont devenues gratuites, dès 1977. Le conseil municipal fait venir des intervenants : "arts plastiques, musique"... Une politique scolaire attractive qui attire les familles, raconte Daniel. “La population a fait la force du village. À partir de là, on a pu se lancer dans l’urbanisme”.
5h - 22h, tous les jours
Lotissements, logements sociaux, création d’un marché couvert, construction de la place du village -que Daniel Jeannin nomme après Toussaint Louverture-. Puis, les soins : une pharmacie, un cabinet de kinésithérapie…
Où a-t-il trouvé l’argent ? “Il faut y croire, toquer aux portes et être un peu fou”. Fou, l'ouvrier l’a sûrement été pour embaucher à 5h du matin chez Peugeot et travailler l'après-midi à la mairie, jusqu’à 22h, chaque jour de la semaine jusqu'à la retraite.
À quarante ans, le corps flanche une fois. “Problèmes cardiaques”. Daniel Jeannin se délaisse du tabac, adopte un style de vie plus sain et repart de plus belle sur son rythme infernal. Ses amis quittent le conseil municipal, après quinze ans de loyaux services. Lui, persiste. "Je devais bien ça au village".
Ouverture d'une maison de santé
Il aurait bien lâché l’écharpe plus tôt. Rien que pour s’adonner quelques années à la randonnée. Mais l’envie de voir s’ouvrir la maison de santé du village, son dernier projet d'ampleur qui agrège quatre médecins et 14 emplois, le pousse à rempiler pour un ultime mandat. À 78 ans, Daniel Jeannin quitte la mairie pour de bon. “Ce n’était plus raisonnable”.
Lundi 16 septembre, cet ouvrier et maire militant a reçu une médaille d’honneur pour son engagement de longue durée. “Un temps de reconnaissance de la République” souligne, pendant la cérémonie, le préfet du Doubs Rémi Bastille à l'attention des élus “sans qui la démocratie locale n’est pas possible”.
Mal à l’aise sous les projecteurs, Daniel Jeannin accepte les honneurs en espérant que cela puisse “aider d’autres jeunes à y croire”. L'octogénaire ne se bile pas : "des candidats à la mairie, il y en aura". Mais “il ne faut pas se tromper. Il faut savoir pourquoi on le fait”.