Le géant du luxe français a annoncé mardi 25 juin 2024 le rachat de Swiza, le groupe helvète qui avait repris et relancé la fameuse marque de pendules de prestige, née au XIXe siècle à Saint-Suzanne (Doubs), au cœur du Pays de Montbéliard.
"L'Epée vivra", scandaient en 1996 les ouvrières en grève de la célèbre manufacture horlogère de Sainte-Suzanne (Doubs). Elles ne croyaient pas si bien dire. Après des années d'exil de l'autre côté de la frontière, la marque revient aujourd'hui dans le giron français.
Le géant français du luxe LVMH a annoncé mardi 25 juin 2024 le rachat de Swiza, l'entreprise suisse propriétaire de la manufacture L'Épée 1839, qui fabrique des horloges haut de gamme.
"Un joyau de la haute horlogerie"
"Cette acquisition d’un joyau de la haute horlogerie est une nouvelle preuve de la volonté du Groupe LVMH de préserver et de faire grandir des savoir-faire historiques, afin de garantir leur transmission et leur développement", affirme LVMH dans un communiqué.
"Basée à Delémont, dans le Jura Suisse, L'Épée 1839 perpétue depuis 185 ans un savoir-faire horloger exceptionnel, au service de créations imaginées, développées et produites en interne", ajoute LVMH. Aucun détail financier n'a en revanche été donné concernant le rachat de cette entreprise, qui compte "plus de 80 designers, ingénieurs, horlogers, mécaniciens et collaborateurs".
L'Épée 1839 propose des horloges classiques à quelques milliers de francs suisses tout comme certains modèles plus créatifs, comme ceux en forme de petite "grenade" de 12 cm de haut à plus de 10 000 francs suisses (environ 10 400 euros) ou de voiture miniature à 43 500 francs (environ 45 400 euros)..
Une histoire franc-comtoise
Personne n'a cependant oublié en Franche-Comté que la marque emblématique est née en 1839 dans le Pays de Montbéliard. "À sa création par Auguste L'Épée au XIXème siècle, la société s’était initialement spécialisée dans la fabrication des composants horlogers et fut pionnière dans la production de boîtes à musique, rappelle LVMH. Elle fit évoluer ensuite son activité vers le développement d’une offre horlogère pointue, d’abord en produisant des pendulettes de voyage très appréciées par les officiers, puis au cours du XXème siècle en créant des horloges d’exception."
Mais contrairement aux idées reçues, L'Épée n'a commencé à fabriquer sa première pendulette de voyage qu'en 1976, en s’inspirant des pendules Japy du siècle précédent. Même s'il est vrai que l'entreprise en fabriquait déjà depuis longtemps la partie la plus technique : les porte-échappements.
En difficultés financières, la manufacture dépose une première fois le bilan en 1992, puis une seconde fois en 1995. En janvier 1996, l'usine historique de Sainte-Suzanne n'emploie plus que 65 personnes. Elle est en cessation de paiements et accuse un passif de 22 millions de francs. Le projet de reprise du Genevois Franck Muller n'aboutit pas et l'usine est occupée par les salariées. Le 16 septembre, les ouvrières en grève sont délogées au petit matin par les CRS. Malgré tous leurs efforts, le soutien des élus locaux et un projet de SCOP (société coopérative ouvrière de production), les employées de L'Épée ne parviendront pas à faire redémarrer la petite fabrique.
En 2008, Swiza fait l'acquisition de la marque L’Épée auprès de l’horloger anglais F.A. Gluck Ltd qui l'avait achetée en 1999 après la liquidation de l'entreprise française, et relance la production sous l'enseigne L'Epée 1839.
"Je me réjouis"
"Je me réjouis que l'Epée intéresse un grand groupe industriel, un joyau français comme LVMH", réagit aujourd'hui Noëlle Grimme, ex-déléguée CGT de la manufacture. À 78 ans, "la dame de L'Épée", comme on l'appelle encore à Audincourt (Doubs) où elle habite aujourd'hui, se félicite de ce rachat par un groupe français.
Je suis heureuse. Cela veut dire que nous avions raison à l'époque de nous battre et qu'il y avait une place pour cette entreprise prestigieuse. La lutte qu'on a menée a fait que L'Épée n'a jamais disparu. Je suis un peu triste malgré tout que cette histoire ne continue pas dans le Pays de Montbéliard.
Noëlle Grimme, ex-déléguée CGT usine L'Épée de Saint-Suzanne (Doubs).
Et quand elle évoque la résistance des "L'Épée", "ce combat de femmes", Noëlle Grimme en a encore "les larmes aux yeux", assure-t'elle. "28 ans après, on m'en parle toujours, c'est impossible d'oublier, cette histoire reste au cœur du Pays de Montébliard".
"Une maison unique"
L'avenir semble en tout cas assuré pour la marque. "Nous maintiendrons et développerons" les "nombreux partenariats horlogers", a en effet indiqué Frédéric Arnault, PDG de la division montres de LVMH. "C'est selon moi une maison unique, explique le fils de Bernard arnault, la seule aujourd'hui à pouvoir autant s'adapter à l'univers de chaque marque, et à présenter un tel potentiel de développement."
Son succès ces dernières années a vraiment été exceptionnel, et les possibilités de collaborations avec nos différentes maisons sont infinies. Au sein de la division horlogère de LVMH, L'Épée 1839 va pouvoir prendre son essor et se développer, tout en continuant à travailler pour ses clients actuels.
Frédéric Arnault, PDG de la division montres de LVMH.
La division montres et joaillerie de LVMH, qui englobe les marques d'horlogerie, a réalisé au premier trimestre 2024 un chiffre d'affaires de 2,5 milliards d'euros. L'an passé, cette activité a frôlé les 11 milliards de chiffre d'affaires, sur les 86,2 milliards au total du groupe.