Jean-François Bonnet fond en larmes dès qu’il évoque l’avenir du FC Sochaux-Montbéliard. Il s’excuse pour cette émotion incontrôlable. Il est supporter depuis 60 ans : « Ma vie sans le club, je ne peux pas l’imaginer. » Témoignage.
Le pavillon de Bussurel, près de Montbéliard, est bien entretenu, la pelouse tondue, les arbustes taillés. « Ça fait 43 ans qu’on habite ici », raconte Mireille, l’épouse de Jean-François. La fidélité, les Bonnet connaissent : leur cœur bat à l’unisson pour le FC Sochaux-Montbéliard depuis des dizaines d’années. Elle, c’est la présidente du club de femmes supporters, les Lionnes de Sochaux. Lui, son histoire d’amour avec les « Bleu et jaune » a commencé quand il avait 14-15 ans… Aujourd’hui, il est âgé de 75 ans et son monde s’écroule.
Des souvenirs sur 6 décennies
Jean-François Bonnet ouvre sa « malle aux trésors », remplie de « Sochaux-Sprint », le magazine distribué avant les matchs, au stade Bonal. Dedans, il y avait tout ce qu’il fallait savoir avant le face-à-face du jour : de la composition des équipes, du mot du président jusqu’à la chronique des supporters… Né après la Seconde Guerre Mondiale, ce magazine a été stoppé il y a quelques années. Plus indispensable avec internet.
Jean-François les a longtemps déposés sur les fauteuils au stade. Il a été responsable de la vente des produits dérivés. Il a été président du « supporters-club » né en … 1931, soit 3 ans après la naissance du club. Inlassable, Jean-François a « occupé » tous les postes sur le terrain du bénévolat. Il a même représenté les supporters français à la FIFA où il a côtoyé un certain Michel Platini. Parmi ses photos fétiches, justement, Jean-François avec Michel Platini, Jean-François avec la Coupe de France de 2007… Sans oublier, sous cadre, l’un des fleurons de sa collection : le dernier maillot porté, à Bonal, par Teddy Richert, le gardien emblématique du club dans les années 2000 donné en mains propres par le joueur lui-même.
Et dans le salon, en grand format, la photo des deux petits-fils avec l'écharpe du FC Sochaux ou avec la Coupe de France de 2007. Eux aussi ont été embarqués dans la folie jaune et bleu. Leurs dessins, qui représentent des footballeurs, sont gardés précieusement par leur mamie.
Deux matchs manqués en 6 décennies
En 60 ans, le supporter N°1 a manqué deux matchs du FCSM. Avec de bonnes « excuses » : le jour du mariage de sa fille unique. Et, coincé dans les embouteillages de la Vallée du Rhône, il n’est jamais arrivé, et les trois cars de supporters du club non plus, à Monaco. Ils ont « suivi » la rencontre à la radio, dans les bouchons. Deux matchs ratés en 60 ans, qui dit mieux ?
Alors, forcément, la relégation, voire la disparition du club, ce n’est pas envisageable pour Jean-François Bonnet : « Pour nous, c’est une déchirure profonde, pour tous les supporters, de voir ce club disparaître. Ce n’est pas normal. On ne peut pas admettre l’arrêt de ce club. On ne peut pas comprendre ça ! »
Dès le début de l’entretien, les larmes coulent sur ses joues. Impossible de les arrêter.
J’essaie de relativiser, ce n’est que du foot, mais je n’y arrive pas…
Jean-François Bonnet, supporter du FCSm depuis 60 ans
Pour lui, le FCSM, c’est bien davantage qu’un club de foot. C’est un endroit de convivialité, des copains, une passion commune qui les unit, des émotions. Jean-François insiste sur le côté populaire du foot à Sochaux sur un territoire industriel. Pour certains habitants du Pays de Montbéliard et de la région, peu fortunés, c’est l’un de leurs rares loisirs. Ses amis de toute la France, supporters, joueurs, entraineurs, anciens ou non, lui téléphonent ces derniers jours. Pour lui apporter tout leur soutien comme s'il était en deuil.
Une promesse : être toujours présent !
L’avenir du club ? Même après une possible relégation en National 1, voire en National 3, il promet qu’il sera toujours aux matchs, toujours fidèle : « Je serai présent ! », clame Jean-François Bonnet.
Et si le club, en faillite, disparaît ? Il n’envisage pas cette éventualité.
Il faut impérativement qu’on trouve une solution, avec des actionnaires, pour que le club vive.
Jean-François Bonnet, supporter du FCSM depuis 60 ans
Et Jean-François rappelle la devise de son club de supporters : « Rends-toi, nenni ma foi ! »