Pourquoi la plainte pour agressions sexuelles de la chanteuse d'opéra Chloé Briot a été classée sans suite

La plainte pour agressions sexuelles de la chanteuse lyrique Chloé Briot, contre son partenaire de scène, a été classée sans suite par le parquet de Besançon qui a souhaité détailler les raisons de sa décision. Explications.

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"C'est une affaire tout à fait singulière" a débuté Etienne Manteaux, procureur de la République de Besançon, ce mardi 20 septembre, au sujet du classement sans suite de la plainte pour agressions sexuelles de la chanteuse lyrique Chloé Briot, contre son partenaire sur deux pièces, "le Roi Carotte" et "L'inondation". La plainte du baryton pour dénonciation calomnieuse, déposée le 3 septembre 2020, a également été classée sans suite. Le procureur a tenu à détailler point par point les éléments d'enquête afin de justifier sa décision, dans une affaire qui avait fait grand bruit aux débuts du mouvement MeToo de la musique (#Musictoo).

Les deux plaintes ont été instruites par le parquet de Besançon en raison du fait que le mis en cause réside à Besançon.

En septembre 2020, Chloé Briot avait choisi de médiatiser sa plainte pour agressions sexuelles répétées de la part d'un collègue chanteur qui tenait le rôle principal masculin dans la production de l'opéra "L'inondation" de Joël Pommerat. "Dans cet opéra "L'Inondation", Chloé Briot et son partenaire incarnent des époux. Dans certaines scènes, la scène 3 et 12, ils doivent simuler des rapports sexuels. Tant madame Briot que monsieur confirment qu’aucune consigne ne leur a été donnée de la part de monsieur Pommerat concernant la scénographie" détaille Etienne Manteaux, tout en précisant que toutes les répétitions ont été filmées, facilitant ainsi le travail des enquêteurs.

"A partir de ce recadrage, elle n'a plus subi d'attouchements"

Selon Chloé Briot, les faits remontaient entre octobre 2019 et février 2020, sur le plateau de l'Opéra-Comique à Paris où le spectacle a été créé, ainsi qu'aux Opéras de Rennes et de Nantes, où il avait été repris. Pour rappel, madame Briot avait notamment expliqué dans la revue musicale « La lettre du musicien » que son collègue agissait "toujours au-delà du cadre du scénario", citant notamment une représentation qui a dérapé à Rennes, en présence de l'assistant metteur en scène, durant laquelle "les choses avaient dérapé". La soprano parle notamment d'attouchements sur les fesses et de sein malaxé contre son gré durant les scènes de sexe.

Le 15 janvier 2020, elle décide d'alerter son metteur en scène Joël Pommerat. Après cela, un recadrage de ce dernier a immédiatement lieu, contrairement aux propos de la chanteuse dans la presse. "J'étais seule face à mon agresseur. En dépit de mes appels à l’aide personne ne m’a répondu" avait-elle dit. "Elle a finalement admis face aux enquêteurs, qu’à partir de ce recadrage du 15 janvier de la part de monsieur Pommerat, elle n’avait plus subi d’attouchements" selon Etienne Manteaux. Le baryton, décrit comme quelqu'un de très investi dans son rôle et à la recherche de son personnage, a écrit dès le 16 janvier à Chloé Briot : “Je n’étais pas du tout conscient de ton inconfort dans les scènes 3 et 12.”

Ce dernier, entendu par les enquêteurs à plusieurs reprises pendant sa garde à vue, a précisé que "sur les répétitions de la pièce "L'inondation", après des essais avec monsieur Pommerat, il était parvenu à une interprétation communément admise selon lui, et qu’il s’était plié à ce cadre scénographique. Il explique que monsieur Pommerat a demandé aux deux acteurs de faire les choses de manière crédibles."

"Un désaccord majeur entre la perception du chanteur et celle de madame Briot"

“Il a dit qu’il avait immédiatement tempéré les choses, ce qui est objectivé par les images des répétitions” qui s’en suivirent ajoute Etienne Manteaux. “Je n’ai aucune explication à ce revirement à 180 degrés", a quant à lui dit le chanteur. Il a fourni un écrit aux enquêteurs, dans lequel madame Briot lui écrivait : “Vivement le retour de L’inondation" poursuit le procureur.

Le baryton, qui s'est dit sidéré par les accusations de madame Briot, a également fourni deux attestations de chanteuses lyriques avec lesquelles il a travaillé par le passé. “Homme sensible, passionné, extrêmement bienveillant”, disent-elles, tout en précisant n'avoir eu aucun problème avec lui. Le chanteur lyrique est désormais aide soignant dans un EHPAD, après que sa carrière a été stoppée net à la suite de la médiatisation de l'affaire. Le procureur de la République a constaté un "désaccord majeur entre la perception du chanteur et celle de madame Briot."

"Il a dit pleinement assumer son jeu, réfutant le fait qu’il ait malaxé le sein de madame Briot", a ajouté Etienne Manteaux, tout en précisant qu'il était difficile "de pouvoir dire clairement que ce qu’elle a dit était faux". "A partir du 15 janvier, monsieur a dit avoir respecté à la lettre les consignes du metteur en scène ce qui se vérifie sur les images des répétitions et des différentes représentations", selon le procureur.

"Nous avons fait ce que nous avons pu"

Joël Pommerat, qui mettait en scène pour la première fois une pièce incluant des scènes de sexe, a également été interrogé par les enquêteurs, comme plusieurs personnes travaillant sur l'opéra "L'inondation". "Je ne conteste pas les ressentis de madame Briot, mais nous avons fait ce que nous avons pu au moment où nous avons eu connaissance des faits" a-t-il dit, affirmant être "tombé de l'armoire", quand il a eu connaissance de la plainte.

"Tous les faits dénoncés se sont déroulés sous le contrôle strict du metteur en scène ou de son assistant avec un parti pris hyper réaliste. Monsieur obéissait parfaitement aux consignes du metteur en scène. Dès le 15 janvier, il a changé radicalement les conditions d’interprétation de ces deux scènes. Ce changement de comportement contrevient à ce que madame Briot a affirmé au journaliste de La lettre du musicien. Cela ne correspond pas à la réalité. Monsieur Pommerat a proposé de suspendre la représentation et c’est elle qui a dit vouloir continuer. Il n’a pas été démontré pendant l’enquête que le mis en cause a eu conscience que son jeu d’acteur a créé un mal-être pour Chloé Briot. Ces éléments ne permettent pas de caractériser une intention coupable, une responsabilité pour créer une culpabilité", a récapitulé le procureur de la République Etienne Manteaux.

La plainte du chanteur bisontin pour dénonciation calomnieuse a également été classée sans suite. "La justice n'a pu objectiver la volonté de la plaignante de nuire volontairement à son collègue", a conclu Etienne Manteaux.

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