Alors que la colère des agriculteurs est loin d’être apaisée, la visite non officielle du Président de la République, mardi 6 février, dans une ferme du Doubs a laissé un goût amer à certains syndicats agricoles. C’est chez le président des jeunes agriculteurs en France que le chef de l’État s’est rendu.
Une ferme comme il en existe tant d’autres en Franche-Comté. Au bout d’un chemin sur la commune de Bouclans, Emmanuel Macron a découvert une exploitation dans laquelle l’on élève des vaches montbéliardes, pour produire deux fromages locaux, le Comté et le Morbier. Selon le site internet des jeunes agriculteurs, cette ferme de 140 hectares produit 580.000 litres de lait par an.
Arnaud Gaillot, 37 ans, exploite ce GAEC avec un associé en polyculture et élevage. Le Président national des JA a expliqué dans les colonnes de l’Est Républicain (article payant) avoir lancé l’invitation au Président au fil de leurs échanges téléphoniques ces derniers temps. Et que celui-ci l’a acceptée. “Il voulait recueillir les réactions et l’avis des Jeunes agriculteurs que je représente au niveau national. Mais aussi commencer à se projeter sur l’avenir. Son but n’était pas de faire des annonces, mais d’avoir un échange post-mobilisation. Cela a quand même secoué le pays et le président Macron voulait rencontrer un des acteurs de ce mouvement des jeunes agriculteurs” détaille Arnaud Gaillot au lendemain du passage du chef de l’État sur ses terres. Emmanuel Macron sera resté trois heures dans sa ferme ou quelques autres agriculteurs ont été conviés. Charcuterie, Comté, Mont d’Or ont agrémenté cette improbable visite dans ce village de 1100 habitants.
Une montée progressive dans l’engagement syndical
Des allures de rugbyman ou de solide gaillard comtois, Arnaud Gaillot est à la tête du syndicat des jeunes agriculteurs depuis l’été 2022 où il a été élu au Havre. Invité quelques jours après de France 3 Franche-Comté, il affiche la défense chevillée au corps des agriculteurs :
C’est un métier qui a été il y a quelques années en arrière sous les feux de la rampe, mais pas pour les bons côtés, beaucoup attaqué, beaucoup critiqué. Beaucoup n’ont pas envie de faire ce métier-là car ils ont l’impression que c’est un métier qui n’est pas noble alors que c’est dommage parce que c’est un des métiers qui fait partie des quatre piliers de la France. Vous enlevez la santé, la sécurité, l’éducation et l’alimentation à un pays comme le nôtre, je pense qu’il tombera assez vite.
Arnaud Gaillot, juin 2022France 3 Franche-Comté
Au sein des Jeunes Agriculteurs, antichambre de la FNSEA, principal syndicat agricole en France, Arnaud Gaillot fut d’abord secrétaire général de 2019 à juin 2022. Son engagement syndical s’est fait progressivement, au niveau du canton dont il prend la présidence des JA en 2012 d’abord. Puis, le département. Puis la région. Avant d’être agriculteur, l’homme avait initialement travaillé quatre ans dans les travaux publics avant de s’installer dans son département du Doubs.
Sur le front et près des tracteurs pendant la crise
Ces derniers mois, Arnaud Gaillot était pleinement engagé dans la défense du monde agricole. Il sillonne régulièrement toute la France. Durant les blocages de janvier 2024, il s’est rendu sur l’autoroute A6 à Nivry aux côtés des Jeunes Agriculteurs Yonne et FDSEA de l'Yonne pour les soutenir.
Il a aussi enchainé les plateaux télé et radio. Télématin, Franceinfo, CNEws, RTL…."S'il le faut, on pourra bloquer Paris ! Je n'ai jamais vu la détermination à un niveau aussi élevé. Certains n'ont plus rien à perdre, leur survie est en jeu" Arnaud Gaillot, président des jeunes agriculteurs” lançait il le 23 janvier.
Pour le président des JA, "l'agriculture n'est pas contre l'environnement, on doit mettre les choses à plat pour ne pas empiler des normes seulement pour empiler des normes"
Le 1er février, après 10 jours de tensions et blocages, Arnaud Gaillot avait appelé à suspendre les blocages et entrer dans une nouvelle forme de mobilisation.
Une visite présidentielle en "catimini" a dénoncé la Confédération paysanne
Au lendemain de la visite surprise d’Emmanuel Macron, Arnaud Gaillot n’était pas sur ses terres comtoises, mais déjà de retour à Paris. Il a été entendu avec Véronique Marchesseau, secrétaire générale de la Confédération paysanne par la commission des affaires économiques du Sénat.
Un syndicat qui n’a pas du tout apprécié la visite d’Emmanuel Macron dans la ferme du syndicaliste du Doubs. La confédération paysanne, 3e organisation syndicale agricole de France dénonce les rapports privilégiés au plus haut sommet de l’État avec la FNSEA, auxquels tous les syndicats ne sont pas associés. “Le gouvernement négocie en catimini plutôt que d’affronter les vrais problèmes” a estimé Laurence Lyonnais, porte-parole de la Confédération paysanne du Doubs interrogée par France 3 Franche-Comté. “Quand un président veut vous voir, on ne peut refuser” a déclaré de son côté dans la presse Arnaud Gaillot. Nul doute que cette visite impromptue pourrait bien laisser quelques traces, à quelques jours du salon de l'agriculture avant lequel les organisations agricoles espèrent obtenir des mesures concrètes.