Émilie et Lucil ont passé une nuit "apocalyptique" dans le pays de Montbéliard (Doubs), coincées dans leur voiture entre les camions immobilisés par la neige sur l'autoroute A36, dans la nuit du 21 au 22 novembre. Serge, lui, était au volant de son camion.
Émilie de Ronchi n’a pas encore pu trouver le sommeil depuis sa nuit passée dans sa 208 Peugeot. La jeune ostéopathe de 23 ans est abasourdie. Partie de chez ses grands-parents peu avant 20 heures, elle n’est arrivée chez elle à Pont-de-Roide qu’à 10 heures ce matin. 10 h 30 pour faire un trajet qui n’aurait dû durer que 20 minutes.
Seule dans sa voiture, avec juste un plaid et une couverture de survie, Émilie avait assez d’essence pour laisser tourner le moteur. Dehors, il neigeait à gros flocons jusqu’à deux heures du matin. “J’appelais mes parents et mes grands-parents au téléphone pour m’aider à tenir”.
C’est aussi un grand sentiment de solitude qu’a éprouvé Lucil Caberlon, 26 ans. La jeune femme s’est retrouvée coincée dans le même bouchon de l’A36 entre Voujeaucourt et Pont de Roide. Partie de Belfort à 17 heures, elle s’est retrouvée immobilisée une heure plus tard à Pont de Roide.
Vers 18 h 15, cela s’est figé et on a plus bougé jusqu’à 4 heures du matin.
Lucil Caberlon, automobiliste immobilisée sur l'A36
La radio de l’autoroute n’avait "pas trop d’infos”
Les deux jeunes femmes le confirment : les interventions en direct d’Autoroute info 107.7 n’ont pas été d’un grand secours. “Ils n’avaient pas trop d’infos, c’était un peu compliqué. Vers minuit et demi, une représentante de la préfecture du Doubs a indiqué à leur micro que la Croix Rouge allait venir avec des couvertures et du café, mais je ne les ai pas vus là où j’étais” déplore Émilie. “Il faut vous imaginer, complète Lucil. C'est la nuit noire, il fait froid, vous avez faim, c’était assez apocalyptique, on était livrés à nous-mêmes”.
“On était seuls jusqu’à l’arrivée des déneigeuses” déplore Lucil. Partis du péage de Saint-Maurice, les dépanneurs ont remonté l’autoroute pour dégager la route pour des camions. “Cela a pris des heures, ils nous ont frayé un chemin entre les camions, on passait comme si on était en pleine montagne”. Émilie, elle, n’a pas vu la lueur des phares des déneigeuses.
À 2 heures, j’ai compris que j’allais dormir dans ma voiture.
Emilie de Rondi, automobiliste immobilisée sur l'A36
La jeune femme ne trouvera finalement pas le sommeil. “Ce n’est clairement pas l’expérience que l’on a envie de vivre seule”. Lorsque le jour se lève, un petit groupe de naufragés va se serrer les coudes. “On a décidé entre nous de prendre la bande d’arrêt d’urgence”. Ils n’en pouvaient clairement plus. “La voiture devant moi a pu se frayer un chemin entre les camions, j’ai suivi” décrit encore tout émue Émilie. “On sait les risques qu’on a encourus, mais on n'en pouvait plus” précise la jeune femme. Avec environ six autres voitures, Émilie se retrouve bloquée 800 mètres avant la sortie de Pont de Roide. Les agents de la société d’autoroute APRR ont pu finalement leur dégager le chemin.
Quand elles sont montées dans leur voiture en fin d’après-midi ou début de soirée, Émilie et Lucil auraient bien aimé être informées des risques d’être immobilisé sur l’autoroute A36. S’il avait su, le camionneur Serge Fichet ne serait pas lui non plus entré sur l’autoroute.
Une interdiction tombée trop tard pour le camionneur
Comme tous les matins vers 2 heures, le chauffeur prend son service à Chemaudin, près de Besançon. Avec son semi-remorque de 44 tonnes, il vide habituellement sa cargaison de fourniture de bureau à Strasbourg vers 6 heures. “Comme je savais que les conditions étaient mauvaises, j’avais pris un peu d’avance” explique le chauffeur du groupe Rave. Le voilà sur l’autoroute en prenant l’entrée de l'A36 Chemaudin, aucun avertissement pour le prévenir des conditions difficiles de circulation.
C’est seulement 20 km plus loin, à Marchaux, que les gendarmes nous ont demandé de nous garer sur la bande d’arrêt d’urgence à 2 km de la station-service. D’habitude, ils sont au péage de Chemaudin.
Serge Fichet, chauffeur poids lourds
L’absence d’information a aussi marqué Serge Fichet. “Vers 2h30, j’ai entendu à la radio de l’autoroute que les poids lourds ne pouvaient pas circuler jusqu’à 10 heures”. Trop tard pour le camionneur qui n’a plus qu’à prendre son mal en patience. “J’écoutais la radio, raconte Serge Fichet, je regardais les panneaux à messages variables, mais il n’y avait pas d’infos si on pouvait de nouveau rouler”. Dépité, le chauffeur finira par partir de son libre chef. “J’ai suivi le mouvement” raconte-t-il. Serge Fichet finira par livrer sa cargaison vers 16 heures avec dix heures de retard.