Témoignage. Véronique respire avec les poumons d'un autre, "tous les jours, j'ai une pensée pour mon donneur"

Publié le Écrit par Elisabeth Khanchali
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À l'occasion de la journée mondiale du don d'organes, samedi 22 juin 2024, voici leurs témoignages. Un père a accepté le don des organes de son fils. Cette autre femme a pu recevoir une greffe de deux poumons. Deux histoires, deux vies qui se poursuivent, chacune à leur façon.

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“C’est une seconde vie, moi-même, j’ai complètement changé, mon caractère, mon rire a changé”, affirme Véronique Barrios, 59 ans. Cette habitante de Pontarlier (Doubs) a reçu en 2018 une greffe pulmonaire. Atteinte de BBCO (bronchopneumopathie chronique obstructive) et d’emphysème à cause du tabagisme, Véronique ne pouvait alors plus vivre sans son masque à oxygène. Au moment de la greffe, il ne lui restait plus que 23 % de capacité respiratoire.

À cause de problèmes d'anticorps, ses soignants lui ont expliqué que les chances de pouvoir bénéficier d’une greffe étaient minces. “On m’avait dit de croire au miracle, mais je n’y crois pas du tout, donc j’ai pris mon mal en patience, je m’étais préparée à finir avec mon oxygène”, raconte cette employée de magasin de supermarché.

On m’a appelé au milieu de la nuit, à 1h07. Sur le coup, j’ai dit “oui, d’accord, j’arrive” et après avoir raccroché, je n’arrivais plus à respirer. Mon mari pleurait et l’ambulance a mis 45 minutes à venir, mais sur l’autoroute, il n’y avait personne et elle a pu rouler.

Véronique Barrios, greffée pulmonaire

Une opération éprouvante

Véronique part au bloc opératoire à 5h30. L’opération dure 9h. “Après, on se retrouve en réanimation”, précise-t-elle. La reprise de conscience est un moment particulièrement éprouvant : “Ça a été très dur, ça fait extrêmement mal, ils vous cassent les os. J’avais 88 agrafes sous les seins”.

Ironie du sort, lorsqu’elle se réveille, Véronique n’arrive plus à respirer. “Je leur ai demandé ma ventoline, ils m’ont dit que c’était hors de question avec des poumons tout neufs. Ils m’ont expliqué que c’était à moi de les regonfler, chose que l’on ne m’avait pas expliquée”, se souvient-elle.

Pour ce faire, la Franc-comtoise s'astreint à rester assise le plus longtemps possible. Il faut éviter de rester allongé pour faire travailler ces poumons. “Au début, on tient 10 minutes, puis, 15, 20.. Il faut avoir une sacrée force”. Les douleurs se prolongent pendant plusieurs mois “Ça a duré huit mois. J’avais très mal au dos, ce sont les poumons qui se replacent”. 

Au total, Véronique est restée cinq semaines à l’hôpital en comptant 13 jours de réanimation. Un temps particulièrement court pour une opération aussi lourde. Mais il faut dire que la cinquantenaire s’en est donné les moyens. “Avant d’être greffée, j’ai fait du sport et j’ai mangé sainement. Je faisais de la piscine, de la marche et du vélo avec mon oxygène”, explique-t-elle. Et après être sortie de réanimation, l’habitante du Doubs a même demandé à avoir un vélo d’appartement dans sa chambre d’hôpital.

Une greffe qui l'a changée

Depuis, Véronique n’a jamais cessé le sport. Chaque année, elle se lance de nouveaux défis sportifs. La Franc-comtoise a notamment réalisé un triathlon et elle prévoit de participer au semi-marathon de Belfort (Territoire de Belfort) en septembre prochain. Elle a également écrit un livre sur sa vie avant, pendant et après sa greffe, Véronique, greffée de deux poumons.

Honnêtement, ça fait plus de cinq ans que je suis greffée et tous les jours, j’ai une pensée pour mon donneur. J’ai écrit à sa famille pour le remercier, mais je ne sais pas s’ils l’ont reçu, je n’ai pas eu de réponse.

Véronique Barrios, greffée pulmonaire

D’après Véronique, cette greffe l’a métamorphosée. “Je suis très gentille, mais je suis devenue dure, je ne supporte plus les gens qui se plaignent pour une grippe”, confie-t-elle avec un petit rire. Désormais, elle dit “gentiment” aux gens ce qu’elle pense. “Des fois, mon mari me dit qu’on m’a greffé des poumons de démons”, lâche-t-elle avec autodérision.

"Refuser aurait été trahir sa propre volonté"

Philippe Patton a perdu son fils en 2009 des suites d’une hémorragie cérébrale causée par un accident de montagne en Écosse. Cet habitant de Pontarlier dans le Doubs avait alors, avec sa femme, donné son accord pour le don d’organe.

Et ce, pour deux raisons principales.  “Cette thématique du don d’organe nous était connue et ça sauve une décision. Connaître les rouages au préalable permet de trouver de la lucidité le jour où cela arrive”, commente ce travailleur dans le BTP. D’autre part, à 19 ans, Benoît venait de réussir sa première année de médecine. “On savait que le climat était propice et qu’au contraire, refuser aurait été trahir sa propre volonté”.

Aujourd’hui, le soixantenaire est président de l’association France Adot 25 (Doubs), une association œuvrant pour informer et sensibiliser sur le don d'organes. Avec sa femme, ils se sont engagés dans cette association cinq ans après le décès de leur fils.

Ce qui fait que le don d’organe en France n’a pas forcément le succès voulu est que les réactions sont très variables. On le comprend d’autant mieux qu’on l’a vécu. On vient ajouter une question déroutante à une situation déjà déroutante. Voilà le sentiment qui prévaut.

Philippe Patton, président de l'association France Adot 25

En France, en fonction de l'état des organes après un décès, il est possible de prélever le cœur, les reins, les poumons, le foie, des parties de l'intestin, mais aussi des tissus (les cornées, des os, des valves cardiaques, des artères, de la peau...). 

36,1 % de refus de don d'organe en 2023

En France, la loi indique que nous sommes tous présumés donneurs, c'est-à-dire donneurs d'organes et de tissus, sauf si nous avons exprimé de notre vivant notre refus d’être prélevé comme l'explique le site don d'organes. Au moment du décès, avant d'envisager un prélèvement d'organes et de tissus, l'équipe médicale vérifie que vous n'êtes pas inscrit sur le registre national des refus. Si tel n'est pas le cas, cela est vérifié également auprès des proches.

Selon les données récoltées par l’agence de biomédecine, en 2023, l’activité de prélèvement sur donneurs décédés a augmenté de 5,7 % par rapport à 2022.  Mais le taux d’opposition global pour les patients décédés en mort encéphalique a connu une hausse significative de 9,4 % en 2023, avec 36,1 % d’opposition, alors que 80 % des Français se disent favorables au don de leurs propres organes après leur mort.

Ce chiffre [36,1 %] correspond au refus des familles. Parfois, elles transmettent une réelle opposition de leur proche, mais dans la plupart des cas, ce n’est pas le choix du défunt”, explique Philippe Patton. En 2023, 823 personnes sont décédées alors qu’ils attendaient une greffe.

Pour lui, il ne s’agit pas de blâmer les familles qui refusent. Le soixantenaire est convaincu que ces refus sont le résultat d’une méconnaissance du sujet. C’est pour cette raison qu’il milite pour sensibiliser et informer sur le sujet. France Adot 25 réalise notamment des interventions dans les collèges et les lycées.

D’autre part, Philippe Patton, l’assure, la période qui suit le décès est facilitée par le don d’organe. “C’est quelque chose que l’on rencontre souvent chez les gens qui l’ont vécu. Le don d’organe soulage les personnes endeuillées”.

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