Le possible dépôt de bilan du FCSM dans les prochains jours est un cataclysme pour toute la Franche-Comté. Restaurants, hôtels, entreprises de sécurité et d'entretien d'espaces verts... À Montbéliard, c'est tout un réseau d'entreprises gravitant autour du club qui se retrouve sans voix.
Dans toute la Franche-Comté, le réveil a été douloureux vendredi 4 août. Et pour cause, la veille, aux alentours de 20h30, c'est tout un peuple qui apprenait que le FCSM, club phare du territoire, était officiellement relégué en National 1 pour la saison 2023.
Le tribunal administratif de Paris, saisi par le club il y a quelques jours, a en effet rejeté le recours des Jaune et Bleu, anéantissant les rêves de maintien en Ligue 2. Dans la foulée, c'est Romain Peugeot et ses associés, qui portaient avec eux un projet de reprise du club, qui jetaient l'éponge. Conséquence, le club sochalien devrait déposer le bilan dans les prochains jours, redescendre en National 3, et perdre dans le même temps son statut professionnel.
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Un cauchemar pour les entreprises
Un scénario catastrophe qui impacte directement les salariés du club, mais aussi la majorité des entreprises qui gravitent autour du FCSM. "On est en plein cauchemar. Ce matin, j'espérais me réveiller et que tout cela ne soit pas vrai". Gabriel Rocchi, dit Gaby, est le directeur de l'entreprise Est Sécurité. Depuis 15 ans, c'est son équipe qui, à chaque match, assure la sécurité à Bonal. "Je suis abattu. Mon entreprise, elle, pourra se relever. Mais je pense à mes 100 salariés qui ne toucheront plus de salaire. Ce sont des travailleurs qui vont se retrouver en difficulté".
Nous faisions travailler 50 personnes à la pige les soirs de match. Sans le FCSM, ils devront quitter le milieu de la sécurité pour trouver un emploi plus stable. Ce sont des personnes qui partiront de notre secteur d'activité, alors que depuis le Covid, les stadiers ne courent plus les rues. Sur le long terme, cette relégation nous impactera vraiment.
Gabriel Rocchi,dirigeant de l'entreprise Est Sécurité, responsable de la sécurité du stade Bonal pendant 15 ans
Dans les prochains jours, Gaby, qui a grandi avec le FCSM, ira "récupérer les 200 tenues spéciales que portaient mes stadiers les soirs de match. Il y avait l'écusson de l'entreprise, et celui du FCSM. Les mettre sous vide, sans savoir quand elles vont resservir, c'est un crève-cœur".
"S'il faut venir leur faire deux tartines et trois biscottes, à un prix dérisoire, on viendra"
Chez Olivier Prévôt-Carme, gérant du restaurant Le Saint-Martin, à Montbéliard, l'émotion est également grande. "Je suis au stade en ce moment. Je récupère tout le matériel entreposé depuis 20 ans. Je suis perdu, sous le choc". Olivier et son équipe assurent pour le FCSM des prestations de traiteur les jours de matchs, et même lors d'événements extérieurs. "La plupart des salariés, on les a vus grandir, on les côtoyait tous les jours. Je suis sans voix".
"J'avais décalé mes vacances pour être là en cas de reprise en Ligue 2", continue le gérant du Saint-Martin. "Sans ce gros contrat, on va être obligé de se réinventer, des postes ne seront sans doute pas renouvelés. Mais je serai toujours là pour le FCSM. S'il faut venir leur faire deux tartines et trois biscottes, à un prix dérisoire, on viendra."
Une institution s'éteint, et on ne fait rien. Je pense à notre jeunesse. Dans la région, il n'y a plus grand-chose pour eux. Le stade, c'était un moment de retrouvailles, qui les faisaient vibrer, qui créait de la vie. Mais c'est fini. Je ne regarderai plus le foot, je suis dégoûté.
Ferdinand Roth,gérant des buvettes et des offres de restauration rapide du stade Bonal
Côté restauration, la situation de Ferdinand Roth est encore plus critique : "J'ai 60 ans, j'ai travaillé toute ma vie. L'an dernier, j'ai investi plus de 300 000 euros pour reprendre toute la restauration rapide autour du stade et les 17 buvettes de Bonal", explique, M. Roth, en colère. "Je vais devoir sacrifier mes économies pour rembourser mon prêt, voilà."
Une claque pour les commerçants de la région
Chez le sexagénaire, un vrai sentiment d'injustice. "C'est inimaginable. Il y a un an, on se préparait dans l'euphorie, là, on vient de vider le stade. J'ai toutes mes friteuses sur les bras, plus de 2 000 bouteilles consommables. Qu'est-ce-que je vais faire ?"
Les hôtels de la région souffrent aussi de cette relégation. "C'est catastrophique", souffle Delphine Duriaux, directrice de l'hôtel Arianis, à Montbéliard. "On accueillait les équipes visiteurs. Sans elles, c'est 50 000 euros de moins à l'année. Une somme qui ne sera pas compensée, car ici, les week-ends, il n'y a ni touristes, ni travailleurs".
Même son de cloche du côté d'Alix Gauer, directeur de l'Ibis Styles de Montbéliard. Son établissement hébergeait les arbitres et les médias les soirs de match. Pour lui, "c'est une nouvelle claque pour les commerçants de la région. Le délitement économique du pays de Montbéliard continue".
Tous les commerces, toutes les activités vont être touchées. Les supporters adverses venaient plusieurs jours chez nous. Ils mangeaient dans nos restaurants, dormaient dans nos hôtels, se garaient sur les parkings municipaux, visitaient nos musées..."
Alix Gauer,directeur de l'Ibis Styles de Montbéliard, président de l'office de tourisme de Montbéliard et de la fédération des commerçants du Pays de Montbéliard
Des stocks sur les bras
Autre acteur de l'ombre du club Jaune et Bleu, l'agence ID Verde, de Grandvillars (Territoire de Belfort). "Depuis 2019, nous nous occupions des pelouses du FCSM", explique, la mort dans l'âme, Stéphane Hugoniot, directeur de l'agence. "J'ai cinq personnes qui travaillaient à temps plein sur les trois terrains du club et à Seloncourt, au centre de formation. Je leur dis quoi maintenant ?"
"J'ai encore tous mes stocks d'engrais et de produits pour un an. Si tout s'arrête, il y aura un vrai impact économique pour mon entreprise. Le FCSM, c'était un tiers de notre fonctionnement", conclut le quinquagénaire. "Et puis il n'y a pas que le business... Je suis abonné à Bonal depuis mes 10 ans. S'occuper de ces pelouses, c'était une immense fierté pour moi et ma famille. Un savoir-faire local. Aujourd'hui, les bras m'en tombent. Et nos jambes sont déjà parties".