Vrai ou faux : 7.000 chevreuils vont-ils être abattus cette année dans le Doubs ?

Selon les chiffres du plan de chasse 2024-2025 établi par la préfecture du Doubs, 6.940 chevreuils pourront être abattus, et 4.528 devront être "prélevés" au minimum par les chasseurs. Ces chiffres qui peuvent paraître importants aux yeux du grand public, sont établis chaque année par les services de l'État en fonction des populations et des dégâts sur les forêts. Ils sont en baisse depuis plusieurs années dans le département.

Sur la saison de chasse 2024-2025, 6.940 chevreuils pourront donc être abattus dans le département du Doubs. Ce chiffre a été défini dans un projet d'arrêté préfectoral publié le 24 avril sur le site de la préfecture du Doubs. 6.940 correspond au nombre maximum de chevreuils qui pourront être "prélevés", comme le stipule le vocabulaire en vigueur. 

Ce maximum d'attribution est en diminution, il était de 7.852 en 2023 et de 8.274 en 2021. Dans les faits, pour cette espèce d'ongulé en particulier, 5.653 chevreuils ont été abattus en 2023/2024 et près de 6.300 sur la saison 2021/2022, selon la fédération de chasse du Doubs.

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Un nombre de chevreuils tués trop important ?

Le plan de chasse est assez peu connu du grand public. Assez technique et reposant sur des données que l'on ne trouve pas facilement en ligne, il fait l'objet de critiques de la part de défenseurs de la nature. C'est le cas de Jean Chapuis, photographe naturaliste à Charquemont (Doubs).

"On parle de pratiquement 7.000 chevreuils abattus. Sur une population de 15.000 à 20.000 ongulés, c’est énorme", dénonce-t-il. Selon les calculs de cet amoureux de la nature, les ongulés sont prédatés à hauteur de 2.000 individus par le lynx. Considérant un renouvellement naturel de 3.000 individus chaque année, "on arrive à - 6.000."

La vraie question est de savoir ce que représente ce prélèvement. Les écologues, on n’a pas d’opposition de principe sur la chasse. La question, c’est celle de la démographie.

Gilles Benest, président de France Nature Environnement dans le Doubs

La population de chevreuils reste pourtant importante, à en juger le nombre de prélèvements réalisés chaque année. Jean Chapuis n'en démord pas. "Ça fait déjà quelques années que les plans de chasse sont disproportionnés", d'autant plus, selon lui, que la chasse est ouverte "9 mois sur 12".

"Pour essayer d’y arriver, ils ont instauré la chasse 6 jours sur 7. De surcroît, il y a la chasse d’été de juin à septembre, plus la chasse ouverte par temps de neige. Il n'y a plus que trois mois de chasse fermée", déplore le photographe. Pour cet arpenteur des sentiers, abattre près de 7.000 chevreuils est tout bonnement impossible. "Ce n'est pas possible, il faudrait ouvrir la chasse toute l’année."

Pourquoi des plans de chasse ?

Ces chiffres peuvent paraître considérables. Ils sont établis chaque année par les préfets pour chacune des espèces de grand gibier soumises à un plan de chasse. Toutes les espèces de gibiers peuvent être soumises à un plan de chasse, explique la fédération nationale des chasseurs. Il est obligatoire pour les suivantes : cerfs élaphes, daims, mouflons, chamois, isards et chevreuils. 

En l'absence d'une prédation naturelle suffisante, les populations de loups et de lynx représentant une petite partie seulement de la régulation des populations d'ongulés, ce sont donc les chasseurs qui assurent ce rôle. Des prélèvements qui ont donc pour but de "concilier le maintien de l'espèce" et "la maîtrise des dégâts forestiers", précise la note de présentation du plan de chasse 2024-2025. 

La chasse est un moyen qui participe à l’équilibre forêt-gibier dit "sylvo-cynégétique". Le projet d’arrêté préfectoral permet d’une part de limiter les dégâts forestiers par un nombre minimal de chevreuils à prélever, et d’autre part de garantir la présence durable de l’espèce par un nombre maximal de chevreuils à prélever.

Services de la préfecture du Doubs

Un "minimum de réalisations" est donc également fixé par cet arrêté, qui prévoit 4.528 chevreuils tués pour 2024-2025. En comparaison, ce minimum était de 5.203 en 2022-2023. Les chasseurs sont donc tenus à prélever "au moins" un certain nombre d'animaux. 

"Si le minimum n’est pas réalisé, les forestiers privés comme l'ONF peuvent se retourner contre les chasseurs pour non-respect du plan de chasse", précise Thibaut Powolny, responsable Faune et Habitats à la Fédération départementale des chasseurs du Doubs.

Un forestier, s’il estime qu’il a eu des dégâts et que les minima n’ont pas été réalisés, peut demander un remboursement de certains frais auprès des chasseurs. C’est le dispositif légal.

Thibaut Powolny, responsable Faune et Habitats à la Fédération départementale des chasseurs du Doubs

En effet, les chevreuils, les cerfs et même les chamois, moins nombreux, sont considérés par l'ONF comme responsables d'un "déséquilibre forêt-ongulés" de par leur consommation importante de jeunes pousses et de graines ou l'arrachage des écorces. Un constat qui ne convainc pas Jean Chapuis : "Il n'y a pas de données avérées par unité de gestion cynégétique." Pas disponible aisément pour le grand public en tout cas, dénonce-t-il.

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Un "déséquilibre" qui ne satisfait pas non plus l'Institut Géographique National. L'IGN constate une progression des effectifs d'ongulés, mais aussi une expansion spatiale de ces derniers, notamment due à la diminution de l’enneigement. Ainsi, l'IGN déclare sur son site que "les prélèvements, malgré leur augmentation, ne suffisent pas à stabiliser les populations." 

Portés à la connaissance des commissions départementales de la chasse et de la faune sauvage (CDCFS), ces éléments sont débattus entre représentants des intérêts cynégétiques et forestiers, et déterminent le nombre de prélèvements minimum et maximum. Concernant le chevreuil, la baisse des prélèvements maximum est donc de 11,6% cette année.

Peut-on quantifier la population de chevreuils ?

Les attributions correspondent au nombre de bracelets distribués par les fédérations départementales, qui doivent être fixés à la patte de chaque animal tué. Pour déterminer le nombre d'attributions, les fédérations de chasse, avec l'avis des CDCFS, se basent donc sur de multiples critères, dont les dégâts forestiers et le nombre d'animaux abattus l'année précédente. "Les attributions dépendent en partie des réalisations", confirme Pierre Feuvrier, directeur de la fédération de chasse du Doubs.

Mais en dehors du nombre d'animaux abattus, quelles données existent pour quantifier les populations d'ongulés ? "Ce n'est pas quantifiable, répond Pierre Feuvrier. On est obligé d’utiliser des infos indirectes pour suivre les tendances." En tout cas, "pas de méthode abordable financièrement."

Alors comment expliquer, concernant les chevreuils, la baisse du nombre d'animaux tués depuis plusieurs années ? Pas d'hypothèse sérieuse selon le président de la fédération : "On va chercher à mieux comprendre ce qu’il se passe." 

Près de 900 chamois au plan de chasse 2023

Selon Jean Chapuis, la régulation est encore plus injustifiée pour le chamois, dont le nombre de prélèvements maximum était fixé à 886 au plan de chasse 2023-2024.

"Vouloir abattre 886 chamois pour un effectif estimé de 1.500 à 2.000, c’est totalement déraisonnable compte tenu des effectifs, de la prédation du lynx, et des dégâts relatifs aux chamois".

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Selon le Code de l'environnement, les projets d'arrêté en cours peuvent être consultés sur le site de la préfecture du Doubs. Concernant le plan de chasse du chevreuil, il est mis à disposition du 24 avril au 15 mai 2024 inclus. Le public a la possibilité de faire connaître ses observations sur ce projet, et des recours sont possibles auprès du préfet ou par saisine du tribunal administratif. 

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