L'armée de l'air envisage d'élargir les couloirs aériens où les avions de chasse ont l'autorisation de s'entraîner à très basse altitude. Mais les territoires survolés en Bourgogne-Franche-Comté sont ceux qui ont le plus fort potentiel de production d'énergie éolienne.
Alors que la Région Bourgogne Franche-Comté a pour ambition de devenir d'ici 2050 un territoire à énergie positive, notamment grâce à l'implantation ou l'agrandissement de parcs éoliens, cet objectif est aujourd'hui contrarié par un projet de l'Armée de l'air : l'extension des couloirs aériens à basse altitude.
La Région a appris l'existence de ce projet, par l'intermédiaire des syndicats d'énergie qui ont eux-mêmes reçu l'information via la Fédération France Energie Eolienne (FEE).
La carte comparative de l'ancien et du nouveau Réseau à très basse altitude (RTBA) est éloquente : le nouvel espace aérien dessine une large superficie qui recouvre le sud de l'Yonne, une bonne partie de la Côte-d'Or et de la Nièvre (l'Auxois et le Morvan), et de la Saône-et-Loire.
De nombreux territoires éligibles au développement de l'éolien supprimés de la carte
En 2012, l'Etat et la Région avaient élaboré un document, le Schéma régional éolien permettant notamment d'identifier les territoires les plus favorables au développement de l'énergie éolienne.
Ils se situent dans la moitié Nord-Ouest de la Bourgogne et plus précisément dans l'Yonne et en Côte-d'Or (et dans le Doubs pour ce qui est de la Franche-Comté).
C'est précisément dans ces deux départements qu'a été implantée la cinquantaine de parcs éoliens actuellement en fonctionnement ou en construction en Bourgogne.
Point de situation sur l’éolien en Bourgogne-Franche-Comté – 21 janvier 2020
Un coup d'arrêt aux projets en cours ou à venir
A Dijon, Jean-Michel Jeannin, directeur de la SEML Côte-d'Or Energies souligne que le département de la Côte-d'Or, est le plus impacté. "Ça nous enlève un tiers du territoire." dit-il. "Quand on regarde la carte de l'extension des couloirs d'entraînement de l'armée de l'air, on voit bien que ça vient rogner de grosses surfaces qui pour l'instant n'étaient pas impactées".
Des projets sont à l'étude. La construction d'un projet dure environ 8 ans (montage du projet, procédures administratives, éventuels recours) et crée de nombreux emplois.
"Les études préalables à l'implantation d'un projet éolien coûtent entre 250 000 à 300 000 euros. On ne peut pas se permettre d'engager de telles sommes si l'autorisation préfectorale doit être remise en cause en raison d'un élargissement d'un couloir aérien".
Un projet en contradiction avec les objectifs gouvernementaux
"D'un côté on a l'Etat qui dans sa programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) nous dit : "accélérons la transition énergétique avec l'éolien et le solaire-photovoltaïque, et d'un autre côté on a l'armée qui agrandit les zones de survol à basse altitude et qui, de ce fait, nous restreint" dit Frédérique Colas, adjointe au maire de Joigny dans l'Yonne.
Frédérique Colas est aussi vice-présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté, en charge de la transition écologique et de l'environnement. Elle déplore que le ministère de la Défense n'ait pas engagé une concertation avec les élus.
"Pourtant, dit-elle, nous avons déjà eu l'occasion de discuter avec l'armée. Des collectivités et des développeurs avaient des projets mais sur la zone de survol. Nous avions demandé un assouplissement de ce qui existait, et au final on se retrouve avec ce projet qui gêne aussi l'aviation civile".
La présidente de Région, Marie-Guite Dufay, aurait elle aussi souhaité une concertation sur le projet : "sa concrétisation aboutirait inévitablement à renforcer la concentration des parcs éoliens dans des zones déjà denses voire peu favorables, ce qui entre en contradiction avec la volonté du gouvernement d’un développement éolien équilibré.".
Le 4 juin dernier à Dijon, Marie-Guite Dufay a sollicité la ministre de la transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, lors de sa visite à Dijon, afin qu'elle intervienne auprès de la ministre des Armées, « pour que les évolutions des contraintes aéronautiques ne prennent pas le pas sur des activités économiques à part entière comme l’éolien, dont nos territoires ont besoin pour leur attractivité et leur autosuffisance.
Déplacement d @Elisabeth_Borne à Dijon, au Lycée Eiffel : rencontre avec des stagiaires du @gretacotedor en formation aux métiers de maintenance des parcs éoliens, dans un contexte où la France veut produire d'ici 2030 40% de son électricité à partir d'énergies renouvelables pic.twitter.com/DbdMloZWUy
— Préfet Bourgogne-Franche-Comté, Préfet Côte-d'Or (@Prefet21_BFC) June 4, 2020
Depuis 2017 l’éolien est la première source d’électricité renouvelable dans la région devant l’hydroélectricité.
L'ÉOLIEN EN ACTION DANS LES RÉGIONS Bourgogne-Franche-Comté - Observ'ER
Cette filière créatrice d’emplois est l'une des composantes du mix énergétique sur lesquel table la Bourgogne-Franche-Comté.