Vétérinaire de campagne : un métier en voie de disparition et une profession inquiète pour son avenir

En Bourgogne-Franche-Comté les gros animaux type vaches, ânes et chevaux sont nombreux. Et pour les soigner, il faut des vétérinaires qui se déplacent. Et ils sont de moins en moins nombreux en milieu rural.

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Il est huit heures du matin, lorsque notre petite équipe de tournage "En Terre Animale" se présente au cabinet vétérinaire du petit village de Houtaud, à côté de Pontarlier, dans le Doubs.

Une structure qui compte 5 vétérinaires associés et trois salariés qui restent au cabinet pour les soins, sur place, des animaux de compagnie.

Les cinq autres vétérinaires, dont Fabrice Toubin, que nous allons suivre toute la journée, sont des "vétérinaires de campagne", qui sont sur les routes toute la journée pour apporter des soins aux animaux de la région. Et ils sont nombreux car nous sommes dans une région agricole, productrice de comté (donc de vaches Montbéliardes) et de chevaux Comtois.

Peu de temps après notre arrivée à la clinique, Fabrice nous encourage à le suivre, il charge sa voiture et file dans un village situé à une vingtaine de kilomètres de là pour une opération d'une patte arrière sur une génisse. Une bête qui souffre d'une parésie spastique. Une faiblesse progressive de la bête, liée à une contracture musculaire de la patte.

C'est un peu comme si nous étions, nous, êtres humains toujours debout sur la pointe des pieds. C'est pareille pour la vache, et si on n'opère pas, elle ne va plus bouger, va cesser de s'alimenter, et mourir

Fabrice Toubin, vétérinaire

L'éleveur nous attend à la porte de l'écurie, il nous accompagne près de la bête. Tranquillisée, elle est ensuite couchée au sol, rasée au niveau de la patte à opérer, puis incisée. Fabrice coupe le tendon en tension permanent puis referme la plaie. L'intervention est un peu impressionnante pour le profane que je suis, mais l'agriculteur m'assure que ce n'est pas grand-chose. Par contre il insiste sur l'importance d'avoir " à portée de main", un vétérinaire disponible.

On a complètement confiance en lui, on le voit souvent et on compte sur lui pour nous aider à veiller sur nos bêtes productrices de lait à comté. Il est disponible tout le temps, avec même des permanences de week-end, c'est comme un ami.

Damien Baverel, éleveur de vaches Montbéliardes

Une vision des choses partagée par un autre éleveur de montbéliardes quelques kilomètres plus loin. Il vient d'appeler Fabrice en urgence, car une vache ne parvient pas à mettre bas. L'agriculteur a déjà essayé seul d'aider la vache à accoucher, mais le veau, trop imposant, ne parvient pas à sortir. Il faut agir vite.

Fabrice Toubin ne perd pas un instant, il tranquillise la vache et l'incise sur tout le côté. La césarienne est lancée. Quelques secondes plus tard, il extrait le veau du ventre de la mère, mais il n'a pas survécu, il s'est "noyé" à l'intérieur.

Couvert de sang, Fabrice ne s'apitoie pas trop, le temps est à l'action. La vache, debout sur ses pattes, est "ouverte en deux" sur le côté. Il faut refermer rapidement pour éviter les infections. Quelques instants plus tard tout est recousu et désinfecté. Le vétérinaire peut prendre un instant pour commenter ce qui vient de se passer.

C'est toujours triste de ne pas réussir à sortir le veau vivant lors d'une césarienne. Mais ça nous arrive deux ou trois fois par an. C'est la vie et c'est aussi l'un des aspects de notre métier. Mais ce n'est pas un échec. Car sans notre intervention, le veau serait mort, et la mère aussi.

Fabrice Toubin, vétérinaire

Le vétérinaire enchaînera ensuite plusieurs interventions dans son après-midi, toujours sur des vaches, avec des vaccinations à la chaîne et un examen d'une bête après un vêlage difficile.

Et la journée va se terminer avec un autre type d'animal, un cheval auquel il faut prodiguer des soins dentaires. Il s'agit cette fois de procéder à l'arrachage de ses "dents de loup", des petites dents inutiles qui gênent le cheval lorsqu'il est monté.  Une opération rondement menée et qui sera suivie du "limage" de dents devenues pointues au fond de la bouche du cheval et qui risquent de le blesser.

La bouche est maintenue ouverte grâce à un dispositif appelé "padane" indolore pour le cheval. Le vétérinaire peut alors limer (avec une fraise placée au bout d'une perceuse) les dents du cheval. Une intervention bruyante mais indolore et à laquelle l'animal, très gentil aussi, n'a quasiment pas réagit. Une belle expérience utile, et peu traumatisante et pour l'animal, et pour nous...

Mais avant de quitter Fabrice, celui-ci tient à attirer notre attention.

C'était chouette de vous avoir à mes côtés toute cette journée, vous avez vu toutes les facettes de notre métier, parfois difficile certes, mais un métier passion. Il faut encourager les jeunes à devenir vétérinaire de campagne car nous disparaissons peu à peu. Les jeunes veulent surtout travailler en clinique, avec des horaires de bureau. Il est urgent d'inverser la tendance.

Fabrice Toubin, vétérinaire

Une version confirmée quelques jours plus tard par d'autres vétérinaires de la région. Dans un rayon de 50 kilomètres alentours, la situation est tendue dans les villages de Frasne, Blettrans, Poligny, ou encore Labergement-Sainte-Marie.

C'est d'ailleurs ce que nous a confirmé Benjamin Dispaux, vétérinaire dans cette dernière clinique.

Nous sommes 4 associés à la clinique et nous sommes toujours sur les routes. L'un de mes collègues devait se faire opérer il y a un an, mais il a dû attendre car on n'a trouvé personne pour le remplacer. Nous avons aussi une collègue qui a accouché récemment et qui n'a pris un congé maternité que d'un mois par manque de candidat.

Benjamin Dispaux, vétérinaire

Une situation alarmante pour la région Bourgogne-Franche-Comté qui est la région de France qui compte le plus d'animaux par foyer en France (Soixante-deux pour cent), et où le bétail est particulièrement bien soigné grâce à l'influence de la filière comté qui permet aux agriculteurs de vivre correctement. Mais si la tendance ne s'inverse pas, la désertification médicale souvent évoquée pour les humains pourrait bientôt concerner les animaux.

Reportage vidéo complet sur cet article, dimanche 19 mars dès 10h35 dans l'émission "En Terre Animale" sur France3 Bourgogne-Franche-Comté, et en replay sur France.tv

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