Des longues années de travail sont nécessaires pour avoir le privilège de rencontrer un lynx. Ilias Harkate, photographe et vidéaste animalier, nous raconte sa quête, à la recherche de cet animal qui le fascine tant.
À la lisière de la forêt, pas un bruit, à part le bruissement des feuilles le son d’un pic-vert. Nous retrouvons Ilias Harkate. Il nous a donné rendez-vous dans le Haut-Doubs, dans un lieu gardé secret. Le lynx est un animal discret.
Sac à dos, vêtements de la couleur des arbres, appareil photo sur le dos, Ilias s’apprête à nous emmener dans son univers. Nous voilà prêts à nous fondre dans la nature sur les traces du lynx. Les chances d’en croiser un ce jour-là sont extrêmement faibles.
Une paire de jumelles
En France, les lynx sont principalement présents dans le massif du Jura. Les estimations donnent entre 100 et 200 individus. Ilias, a mis plusieurs années avant d’en apercevoir. « Un félin parcourant nos forêts, ça m’a tout de suite fasciné. Il fallait que je mette tout en place pour essayer de voir cet animal. J’ai commencé avec une paire de jumelles, j’arpentais tous les secteurs de la région, j’apprenais à chercher des indices, mais pendant des années, je n’ai aperçu que des chamois et des chevreuils. » Le temps et la persévérance ont été ses alliés les plus précieux.
Sa première observation, c’était il y a deux ans. Depuis, les rencontres avec le lynx sont un peu plus régulières, notamment au cours de l’hiver. De longues enquêtes sont nécessaires pour parvenir à identifier un secteur sur lequel le lynx pourrait avoir établi son territoire.
Chercher des indices
Il faut pister l’animal à travers les traces qu’il peut laisser, comme des poils sur la roche ou l’urine. Installer des caméras fixes, aussi ressemblantes qu’un caillou, à des endroits stratégiques. Ilias Harkate sait désormais où l’animal serait susceptible de passer. « Je suis entre un et trois individus, ça dépend des années, du nombre de petits, si la femelle se reproduit ou pas. » Il partage une partie de ses recherches sur sa chaîne Youtube, avec en filigrane, la volonté de sensibiliser le public à la faune et la flore de sa Franche-Comté natale et d’alerter sur les principales menaces qui pèsent sur le lynx, à savoir les collisions routières et le braconnage.
Rester immobile
Pour rencontrer un lynx, le vidéaste animalier est capable de s’asseoir pendant des heures dans la neige, sous la pluie. On appelle cela l’affût. Se fondre dans le décor, trouver un couloir dégagé aux milieux des arbres pour regarder le plus loin possible, rester immobile, ralentir sa respiration. L’exercice s’apparente à de la méditation. Il faut accepter l’absence, la frustration, l’imagination qui nous joue des tours.
Puis soudain, tout bascule. « Les rencontres sont tellement fortes, plusieurs fois, ça m’est arrivé de le voir quand il faisait vraiment froid…en fait, on y pense même plus. On passe tellement temps à le chercher, à l’imaginer…le moment où je le vois, c’est toujours un moment hors du temps, on oublie tout ». Tout ou presque. Ces instants rares se gravent alors dans la carte mémoire de son appareil. Derrière chacune de ses photos et de ses vidéos, se nichent des heures de recherches, d’enquête, de contemplation. De quoi documenter la connaissance du lynx, et de nous donner la chance d’apercevoir, nous aussi,, les yeux, les oreilles, le pelage, de cet animal qui gardera toujours avec lui une part de rêve et de mystère.