Touchée mais pas coulée, cette distillerie familiale s'est lancée pendant le confinement dans la fabrication d'une solution hydroalcoolique pour les soignants, les entreprises et les collectivités. Elle en a écoulé 50 000 litres en deux mois, permettant le maintien de l'activité !
Avant de raccrocher son téléphone, Hugues de Miscault, le directeur de la distillerie Paul Devoille le reconnaît : " Au début de la crise, on a été au 36ème dessous. Vous savez, on a vraiment eu peur de tout perdre. Le lundi du confinement, d'un coup, le téléphone n'a plus sonné, nos quatre magasins n'ont plus eu de clients. On s'est demandé, avec mon épouse Céline, ce qu'il allait se passer".
Deux mois plus tard, son discours est celui de quelqu'un qui a réussi à maintenir à flot le bateau et ses 19 salariés. Mais il a fallu écoper. Et trouver de la ressource.
Pour toute bonne idée, il y a quand même une part de chance. En l'occurence, dans cette histoire, celle d'avoir été livré d'un gros stock d'alcool neutre juste avant le confinement. Cet alcool qui allait servir à la préparation de Kirsch, d'Absinthe, d'alcool de poire et d'autres spiritueux distillés sur le site de Fougerolles. Mais qui, du coup, pouvait désormais aussi servir à une autre préparation.
Parce qu'on a tous, ces deux derniers mois, au moins par curiosité, cherché sur internet la "formule magique" pour fabriquer de la solution hydroalcoolique.
En fait, il y a trois ingrédients de base. Il faut de l'eau oxygénée, de la glycérine et, surtout, de l'éthanol 96%, c'est à dire, de l'alcool.
Et ça, forcément, Hugues de Miscault et son épouse, en avaient. Et, au début du confinement, le téléphone qui ne sonnait plus se remit à sonner.
"Les pharmacies ont commencé à nous appeler. Elles avaient besoin d'alcool pour nettoyer leurs locaux mais aussi pour se lancer dans la production de liquide hydroalcoolique. Une cinquantaine de pharmacies de la région nous ont contacté. On leur vendait nos litres d'alcool à prix coûtant. On ne gagnait pas de l'argent, mais on a eu la sensation de faire partie de la chaîne qui luttait contre le Covid-19, cela nous a donné un regain d'énergie et l'envie d'en faire plus."
Et de produire eux-même leur solution hydroalcoolique. Le couple contacte l'Agence Régionale de Santé pour demander l'autorisation de créer sa solution.
Hugues s'en souvient comme d'un jour incroyable. "On a eu quelqu'un au téléphone qui a été très réactif, nous aidant à monter un dossier à destination des Douanes pour faire dénaturer l'alcool".
En effet, il faut obtenir l'accord de l'administration pour transformer de l'alcool de bouche en produit pharmaceutique. Grâce à l'ARS, cela se fait très rapidement. Hugues et Céline de Miscault obtiennent l'autorisation de reproduire la recette officielle de l'OMS.
Ils vont produire 50 000 litres de solution. En bidons de 5 litres ! 10 000 bidons qui vont prendre dans un premier temps la direction des pharmacies et des cabinets d'infirmiers.
Puis, le bouche-à-oreille se fait. Ce sont les usines Faurecia ou Lisi Automotive qui s'équipent pour rouvrir leurs chaînes de production, les communautés de communes, qui achètent de gros lots pour les distribuer dans les petits villages de Haute-Saône.
"Cela nous aura permis de ne pas couler, explique le directeur, nous avons pu faire travailler la moitié des salariés. Au lieu de perdre 100% de notre chiffre d'affaire, nous n'avons perdu que 50%. Et, surtout, cela a créé quelque chose de fort dans mon équipe. Nos relations ont vraiment changé depuis, cela nous a encore plus soudés."
Le patron haut-saônois n'a pas eu les yeux plus gros que le ventre dans l'histoire. Le décret du 13 mars 2020 encadre les prix sur les ventes de solutions. Lui, a choisi un prix permettant de se faire une petite marge tout en restant moitié moins cher que le prix maximum autorisé par le décret.
Mais Hugues de Miscault a de la suite dans les idées. "Nous réfléchissons à proposer dans quelques temps dans nos boutiques des petits flacons de solution hydroalcoolique. On ne se gênera pas pour coller notre étiquette avec le nom de notre distillerie dessus. Pour une fois que l'alcool est en odeur de sainteté !"
Dans la même commune, la distillerie Peureux, qui emploie 80 personnes, a, elle aussi, fabriqué à plus grosse échelle des solutions hydroalcooliques, en dédiant son atelier principal de production. Cette ligne a notamment produit pour le centre hospitalier de Vesoul, les pharmacies locales et le personnel soignant de proximité.
Devoille et Peureux vont maintenant s'attaquer à la plus difficile des missions : faire revenir les consommateurs d'eaux de vie et attendre impatiemment la reprise d'activité des restaurants, leurs principaux clients. Se refaire la cerise et oublier le Covid-19.