ENTRETIEN. "Ce ne sera vraiment pas une tournée d'adieux": Thibaut Pinot reste ambitieux pour sa dernière saison avant la retraite

Thibaut Pinot, 32 ans, a annoncé cette semaine qu'il mettrait un terme à sa carrière sportive à l'automne 2023. Depuis les Canaries, où il est en stage de préparation avec son équipe, il a répondu aux questions de plusieurs médias, dont France 3 Franche-Comté.

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Il a débarqué devant l'écran avec le sourire, assurément détendu, comme débarrassé d'un poids. Quelques jours après avoir révélé dans L'Equipe qu'il prendrait sa retraite à l'issue du Tour de Lombardie le soir du 7 octobre 2023, Thibaut Pinot est revenu sur cette annonce avec une poignée de journalistes, en visio-conférence, depuis son lieu de stage de pré-saison à Tenerife, aux Canaries (Espagne).

Le Haut-Saônois a échangé une vingtaine de minutes sur les raisons de cette annonce, son "sentiment d'inachevé" sur certaines courses, le Giro 2018 ou le Tour 2019, ou encore sa relation avec son manager Marc Madiot et son entraîneur de frère, Julien.

Son ultime saison ne sera "vraiment pas une tournée d'adieux". Avant le Tour d'Italie, son objectif principal, Thibaut Pinot est attendu sur plusieurs courses dans sa région, la Franche-Comté : la Classic Grand Besançon - Doubs le vendredi 14 avril, le Tour du Jura le lendemain samedi, et le Tour du Doubs le dimanche 16 avril. Il a aussi mis à son programme le Tour de Romandie, dont la 2e étape partira de Morteau (Doubs) le 27 avril. Autant d'opportunités d'étoffer un palmarès déjà bien garni, lui qui s'est imposé sur les trois Grands Tours et sur un monument, le Tour du Lombardie 2018.

    Quelques jours après l'annonce de votre retraite sportive à l'issue de la saison, comment vous sentez-vous ?

    C'est une forme de soulagement. Pour moi, c'était important de l'annoncer tôt pour être tranquille avec ça et me concentrer vraiment sur la saison. Ce n'est pas une décision facile à prendre. L'annoncer est encore plus difficile. Il y a forcément pas mal de sollicitations. C'est pour ça que je n'ai pas voulu le faire pendant la saison. Je pense que j'ai bien fait. Je suis plus tranquille durant cette période pour m'occuper de tout ça.

    A quel moment cette décision d’arrêter a-t-elle été définitive ?

    La décision a été prise la semaine après le Tour de Lombardie l’an passé, quand on fait nos entretiens. Peu de personnes étaient au courant, juste ma famille et des copains de l’équipe sur la Vuelta. Une fois que je l’ai annoncé au staff de l’équipe, pour moi c’était réglé.

    Y a-t-il une lassitude physique ou mentale ?

    Je n’ai pas vraiment de lassitude. Je pense juste avoir fait le tour de la question. Là, je suis en stage à Tenerife. Je n’ai aucune lassitude d’entraînement ou de compétition. Je suis vraiment dans une optique de voir autre chose, de faire autre chose.

    Je ne suis pas du tout dégoûté du vélo.

    Thibaut Pinot

    14 janvier 2023

    Ça veut dire que vous ne resterez pas dans le monde du vélo après cette ultime saison ?

    Non, je ne pense pas. Pour l’instant j’ai d’autres projets. Peut-être que dans 3, 4 ou 5 ans, le milieu va me manquer et je vais revenir, mais je n’y pense pas pour l’instant.

    Y a-t-il chez vous un besoin de couper, de tourner la page ?

    Je ne suis pas du tout dégoûté du vélo, parce que j’aime ça. Je pense que je serai le premier à regarder les courses à la télé dès le mois de février 2024. En octobre après le Lombardie, je serai capable de faire du vélo, parce que j’aime ce sport, mais être impliqué dans le milieu, c’est autre chose.

    La surprise n’est-elle pas que vous n’ayez pas mis un terme à votre carrière plus tôt ?

    Dans mon entourage, tout le monde savait qu’à 35 ou 36 ans, je ne serai plus sur le vélo. Quand j’ai signé mon dernier contrat, de trois ans, toute l’équipe savait qu’il y avait de grandes chances que ce soit mon dernier contrat. Le fait d’avoir été blessé, d’avoir deux années galères, m’a fait prendre cette décision pour 2023. Sans la blessure, j’aurais peut-être fait un an de plus, mais ce n’est même pas sûr.

    Avez-vous reçu des messages d’autres coureurs, suite à l’annonce de votre prochaine retraite sportive ?

    J’ai reçu beaucoup de messages. Ce qui me fait chaud au cœur, c’est que j’ai l’impression d’avoir reçu plus de messages que si j’avais gagné une étape du Tour de France. C’est comme le soir de ma défaite sur le Tour des Alpes, j’ai eu plus de messages que pour ma victoire. Dire les noms, ça n’a pas d’importance, mais oui j’ai reçu beaucoup de messages.

    Le fait de porter le maillot bleu-blanc-rouge dont j'ai toujours rêvé, ça pourrait me faire changer d'avis pour six mois.

    Thibaut Pinot

    Vous avez évoqué une éventuelle prolongation de contrat si vous remportez le prochain championnat de France. Cela signifie-t-il que la retraite n'est pas actée ?

    C'est un pari avec quelques copains, des mecs de l'équipe. C'est aussi de l'humour. Déjà, il faut gagner avant de se poser cette question, et ce n'est pas chose facile. Peut-être que la question viendrait de continuer six mois, mais pour l'instant je ne suis vraiment pas dans cette optique-là. Je peux aussi être champion de France et m'arrêter. Il y a quand même 99% de chances que je m'arrête au Tour de Lombardie, même si je suis champion de France. Peut-être que le fait de porter le maillot bleu-blanc-rouge dont j'ai toujours rêvé, ça pourrait me faire changer d'avis pour six mois. On va dire qu'on est vraiment dans des suppositions assez poussées.

    Vous êtes débarrassé d’un poids désormais. Comment voyez-vous l’année qui vient ? Comme un jubilé ? Ou vous aurez la tête à la compétition ?

    Ce ne sera vraiment pas une tournée d’adieu. C’est sûr que beaucoup de gens vont m’en parler, mais j’ai quand même envie de faire ma saison, de parler vélo et pas de retraite. Moi je serai focus sur ma course. Je n’ai pas envie de rabâcher les mêmes choses toute une saison. Une fois que cette parenthèse de l’annonce sera close, je vais passer à autre chose. Et j’espère que tout le monde passera à autre chose, qu’on parlera sport et résultats.

    Je me suis fait à l’idée de ne pas faire le Tour de France. Ce sera dur, mais ça ne sera pas un drame non plus.

    Thibaut Pinot

    Vous serez au départ du Tour d’Italie au mois de mai. Imaginez-vous ne pas participer au prochain Tour de France ?

    Je m’imagine très bien faire la saison sans le Tour de France. On part vraiment sur le Giro en objectif numéro 1. Mais après le Giro, j’aurais forcément envie d’être sur le Tour. Ce sera vraiment après le Giro qu’on pensera à tout ça. Je me suis fait aussi à l’idée de ne pas faire le Tour de France cette année. Ce sera dur, mais ça ne sera pas un drame non plus. C’est sûr que pour ma dernière saison, j’ai envie d’être sur le Tour.   

    Prendriez-vous du plaisir sur le Tour avec le statut d’équipier pour David Gaudu ?

    Mon rôle d’électron libre l’an dernier ne m’a pas spécialement convaincu. J’avais des jours où je pouvais aller devant, des jours où je devais rester avec David, mais quand je restais avec David je n’avais pas des supers sensations. J’aurais aimé l’aider plus et ça m’a bien frustré. Si je peux garder mon énergie et l’aider à 100%, je prendrai du plaisir. Du moment que tu as des bonnes sensations, et que tu fais du bon taf, même s’il n’y a pas de victoire personnelle, tu peux prendre du plaisir sur le Tour.

    Ca pourrait être une façon de lui rendre la pareille, lui qui vous a beaucoup soutenu sur certains Tours.

    Exactement. L’an dernier, je n’ai pas réussi à faire ce boulot parce que physiquement, j’étais pas top. Si je peux le faire cette année, ce sera une bonne façon de le remercier de ce qu’on a fait sur le Tour en 2018 et 2019.  

    Qu’est-ce qui sera le plus fort pour vous ? La joie de retourner sur le Giro, vous qui adorez les courses italiennes, ou la déception d’une éventuelle absence sur le Tour de France ?

    Quoi qu’il arrive, ce que je vais retenir, c’est le bonheur d’être au départ du Giro. Le Tour, c’est vraiment une option en plus. Du moment où tu veux faire le Giro, et je voulais vraiment le faire, c’est compliqué d’aller sur le Tour. Comme je l’ai dit, je suis prêt à ne pas faire le Tour de France, même si ce sera dur. Mais je vais tout faire pour y être.

    Ces derniers mois, vous n’avez pas joué les classements généraux des courses à étapes. Cela vous a-t-il manqué ?

    Ce qui m’a surtout manqué, c’est la bataille avec les autres leaders. Pas le fait de rester placé dans le peloton sur les étapes de plaine. Ca, ça ne va pas me manquer, c’est sûr ! Quand tu as connu des victoires comme j’ai eues, des batailles comme j’ai eues durant toute ma carrière, oui c’est frustrant. J’espère cette année retrouver mon meilleur potentiel pour me rebattre avec eux.

    J’aurais bien aimé finir le Tour 2019 pour voir où j’allais me situer, j’aurais bien voulu finir le Giro 2018 aussi. Ça, c’est des frustrations. Elles resteront. Ça fait partie de ma carrière, tout simplement.

    Thibaut Pinot

    Comment qualifieriez-vous votre relation au Tour de France ?

    C’est une relation compliquée. Ça c’est sûr. Pour l’instant, à part Pogacar peut-être, tous les leaders ont connu des Tours très compliqués, des défaillances, des abandons... Même les meilleurs coureurs de la décennie, comme Roglic, qui a eu beaucoup d’ennuis sur le Tour de France. C’est très rare un coureur qui n’a que des joies sur le Tour. C’est sûr que moi j’ai eu des très hauts et des très bas. Ça fait partie de la vie d’un athlète. Le Tour de France, c’est l’épreuve la plus dure. Ça ne pardonne pas.

    Aurez-vous un sentiment d’inachevé ?

    Un sentiment d’inachevé, oui pour certaines courses. Ma carrière est comme ça. C’est sûr que j’aurais bien aimé finir le Tour 2019 pour voir où j’allais me situer, j’aurais bien voulu finir le Giro 2018 aussi. Ça, c’est des frustrations. Elles resteront. Ça fait partie de ma carrière, tout simplement.

    Suivez-vous les réseaux sociaux, où vous êtes très soutenu ?

    J’ai une relation assez particulière avec les réseaux sociaux. Je ne suis pas vraiment un instagrammeur ou quelqu’un qui est sur twitter. C’est vrai que ces derniers jours, j’ai senti beaucoup de soutiens. C’est presque impossible de répondre à tout le monde. Il y a beaucoup de messages qui me font rire. Heureusement que sur les réseaux sociaux, il y a ce côté-là avec des gens vraiment sympas.

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    Thibaut Pinot s'explique après l'annonce de sa retraite sportive. ©France 3 Franche-Comté

    Marc Madiot a évoqué votre relation. Comment le manager Thibaut Pinot aurait-il géré le coureur Thibaut Pinot ?

    Il a beaucoup plus de patience que moi. Il est moins impulsif, plus calme. On peut le voir avec ses coups de gueule et ses joies, mais c’est quelqu’un de très posé. C’est intéressant pour un manager d’avoir des coureurs différents, avec un caractère plus fort. De toute façon, tous les grands leaders ont des caractères forts. Des leaders sans caractère, ça n’existe pas. Je pense qu’à travers moi, il a progressé sur certaines choses. On s’est mutuellement élevés notre niveau. Ça a été une relation d’un père avec son fils. On a eu des moments chauds ensemble, mais au final quand on se dira « au revoir » au Lombardie, il y aura beaucoup d’émotion. Ça a été vraiment quelqu’un de très important dans ma carrière.

    Vous parlez d’une relation père-fils avec Marc Madiot. Il y a aussi dans l’équipe votre frère, Julien. Comment a-t-il réagi à votre annonce ?

    Je pense qu’il le vit bien. Lui, c’était le premier au courant de tout. C’est vraiment mon confident et mon bras droit. Il n’y a pas une journée où on ne s’écrit pas un message. Ou même dix messages ! On a vraiment une relation forte. Lui n’est absolument pas surpris. Je ne lui ai même pas dit que j’allais arrêter en 2023. Il le savait très bien. On n’a pas besoin de se parler pour se dire les choses. Ça va lui permettre d’avoir moins de pression, parce que cette relation était peut-être parfois pesante à gérer. Il va peut-être prendre plus de plaisir dans ce qu’il fait.

    Qu’est-ce qui vous manquera ?

    Ce qui va me manquer le plus, ce sera la vie de groupe, avec le staff, les équipiers, les moments le soir à table... Pas spécialement la course, parce que la course c’est à part.

    Vous avez hâte ?

    Ce qui va me faire le plus de bien, c’est de ne pas penser au lendemain. De ne pas te presser de partir en vacances après le Lombardie, vite voir tout le monde, faire et défaire la valise… Être un peu plus tranquille, plus posé. Ce sont des choses qui vont me faire du bien.

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