Y-a-t-il eu harcèlement moral au magasin E.Leclerc d’Héricourt en Haute-Saône ? D’anciens salariés témoignent

Mercredi 29 mai, le couple de propriétaires du magasin d'Héricourt en Haute-Saône, le directeur commercial ont été mis en examen pour harcèlement moral. 25 salariés avaient déposé plainte. Deux d'entre eux ont accepté de témoigner. 

Quels sont les faits reprochés à quatre dirigeants du magasin d'Héricourt ?


"On était dans ce magasin face à un système de pressions quotidiennes qui ont conduit certains salariés à une détresse physique et psychologique" a expliqué le Procureur de la République de Haute-Saône Emmanuel Dupic.

Le couple de quinquagénaires propriétaire du magasin depuis 2010 a été mis en examen pour harcèlement. Idem pour le directeur commercial. Le directeur financier a été mis en examen lui pour complicité de harcèlement. Tous nient les faits.

L'affaire a débuté en juillet 2018 quand 14 salariés ont contesté leurs licenciements devant le conseil des prudhommes. La justice pénale est alors saisie de faits par un avocat.  14 plaintes sont déposées, 11 autres vont suivre.

Les 25 salariés dénoncent l'attitude des dirigeants du magasin E.Leclerc qui selon eux les dévalorisaient, les humiliaient, les insultaient, les menaçaient de licenciements. Les faits se sont étalés sur une période de 8 ans depuis 2010. Certains salariés en état de burnout ou malades avaient fini par être licenciés. 


D'anciens salariés témoignent


Une jeune femme nous raconte encore très émue les remarques du patron du magasin quand elle lui a annoncé son début de grossesse. « Un jour le patron m’a croisé, il m’a dit que s’il avait su avant que j’étais enceinte, il ne m’aurait pas embauché. Ce jour là, j’en ai pleuré, j’ai eu du mal à rester au travail". Quelques jours après cette annonce, la jeune femme voit ses horaires et tâches changer. « Du jour au lendemain, plus rien n’allait, j’étais dévalorisée… leur truc c’est de pousser les gens au bout pour qu’ils partent » dit –elle. En arrêt maladie, la jeune femme n’a jamais pu retourner au travail, elle a fini par démissionner. Elle refuse de se rendre encore aujourd’hui sur le site du magasin. « Je me sens mieux maintenant parce que la vérité est en train d’éclater » raconte la jeune femme qui s'interroge encore sur la possibilité d'aller à son tour porter plainte.

 



Des cris, des menaces, des heures supplémentaires non payées


L'enquête menée par la police judiciaire de Besançon va révéler que dans ce magasin d'Héricourt, les heures supplémentaires n'étaient pas inscrites, la pointeuse avait été enlevée. La porte de la salle de repos avait été démontée indique le parquet. Les salariés se disaient sous surveillance constante. 

Selon le Procureur de la République, plusieurs femmes enceintes ont été contraintes à porter des charges lourdes, l'une d'entre elle fera une fausse couche. D'autres femmes enceintes ont du faire des horaires de travail inadaptés à leur situation. 

"Il y avait des cris, des menaces dans ce magasin... certains salariés étaient rappelés sur leur temps de congés sous menace de licenciement" a expliqué le Procureur de la République de Haute-Saône. 

 
 

"On était des merdes" raconte un ex- salarié tombé en burnout


Un autre salarié que nous avons rencontré évoque lui aussi des insultes, des brimades, des heures supplémentaires non payées. « Fallait toujours faire plus vite, on était des merdes… moi le PDG m’appelait l’autre, je n’accepte pas qu’on me manque de respect. On m’a vraiment rabaissé, je me demande pourquoi, c’est une blessure qui est ancrée » confie Kévin licencié pour inaptitude après un burnout. « On était tellement choqués des propos qu’on nous tenait qu’on a subi sans réagir » ajoute-t-il. « Ce qui m’a fait le plus mal ? C’est de me sentir humilié au travail et d’y venir la boule au ventre » explique t-il.


Du côté de la défense, on évoque un dossier bien léger. Me Randall Schwerdorffer défend le directeur commercial du magasin, un homme de 39 ans mis en examen pour harcèlement moral dans cette affaire. Comme les autres dirigeants mis en examen, il nie toute implication. « Ils estiment tous avoir exercé leur pouvoir de direction. Dans ce cadre, des reproches sont faits aux salariés…l’accusation exagère et noircit le tableau en parlant de phénomènes isolés » explique l’avocat.

Selon lui le but de ces 25 salariés serait uniquement l’argent. « Les personnes ont été licenciées à juste titre… Le seul fondement de l’action judiciaire c’est l’argent. Si le fondement avait été le harcèlement moral, on aurait eu des plaintes déposées immédiatement ou bien avant bien avant les licenciements. Mais non, on a d’abord attendu de faire les procédures prudhommales, puis de porter l’affaire au pénal. Je veux bien qu’on vienne pleurer devant des caméras de télévision, mais qu’on ne vienne pas me raconter d’histoire, ce qu’on veut c’est un gros chèque !" estime l'avocat pénaliste. « L’argent on s’en fiche. Ce qu’on veut c’est qu’ils n’aient plus le droit d’exercer. Aujourd’hui, les salariés sont plus sereins parce que les dirigeants n’ont plus le droit de venir dans l’entreprise »  lui rétorque Kévin licencié après inaptitude.

 


Après #Balance ton porc, #Balance ton patron estime l'avocat de la défense


L’avocat du directeur commercial précise qu’aucune démarche pour harcèlement moral n’est arrivée au CHSCT, délégués syndicaux, CE de l’entreprise. Un audit avait été réalisé selon lui en 2013 sur les conditions de vie des salariés sans aucune trace de harcèlement moral.

Me Schwerdorffer s’inquiète d’un possible emballement de la machine judiciaire. « J’ai le sentiment qu’après balance ton porc, après balance ton patron, dès qu’on parle aujourd’hui de harcèlement moral, c’est la panique. Les parquets ont des réactions excessives.. On envoie la police judiciaire dans ce magasin au vu et su de tout le monde. La riposte est totalement disproportionnée. On n’a même pas d’éléments médicaux sérieux dans ce dossier » conclut l’avocat du directeur commercial qui estime que la justice va trop vite dans ce dossier comme ce fut le cas dans l'affaire Georges Tron élu accusé de harcèlement sexuel et finalement reconnu non coupable lors de son procès. 
 

Que risquent les quatre dirigeants mis en examen ?


En attendant leur procès, le quatre dirigeants du magasin E.Leclerc d'Héricourt ont été laissés en liberté et placés sous contrôle judiciaire avec interdiction de se rendre sur Héricourt, interdiction de tout contact avec les personnes qui ont porté plainte, interdiction de gérer une entreprise. Des cautions de 60.000 euros, 8.000 et 4.000 euros ont été versées. 

Les suspects encourent une peine pouvant aller jusqu'à deux ans de prison, 30.000 euros d'amende et une interdiction de gérer une entreprise. Contactée par France 3 Franche-Comté, le groupe commercial présidé par Michel-Edouard Leclerc n'a pas souhaité faire de commentaires sur cette affaire qui touche l'une de ses enseignes. 
 



 
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