Fondée en 2019, la Team Moore et ses bénévoles “piègent” les prédateurs sexuels sur internet avec de faux profils d’enfants. En trois ans, elle a signalé huit hommes dans ce département rural, où la réponse de la justice, n’est pas selon elle toujours à la hauteur.
Un faux profil d’enfant sur les réseaux sociaux. C’est l'appât lancé par Neila, l’une des bénévoles à la tête de la Team Moore. Le dialogue s’engage et parfois la conversation dérape. L’homme en vient à faire des propositions sexuelles, et fixe un rendez-vous à celui qu’il croit être un jeune garçon ou fille. La Team Moore se rend sur place pour le confondre en flagrant délit et signale le délit à la justice.
Dans le petit département rural de la Haute-Saône, ceux qu’on appelle couramment “les chasseurs de pédophiles” ont eux l’occasion de signaler 8 hommes depuis 2019. “Des signalements, on en fait partout en France (150 signalements en France et dans les DOM depuis la création de l'association, ndlr), mais huit signalements en trois ans dans un petit département, c’est beaucoup” déclare Neila Moore interviewée par notre journaliste Frédéric Buridant. Loin d’elle, la volonté de stigmatiser un département, c’est surtout l’inquiétude pour les potentielles victimes qui la préoccupe. “Ce qui nous inquiète, c’est que les réponses pénales ne sont pas suffisantes. Beaucoup n'écopent que de sursis, mis à part le premier homme signalé dans ce département qui avait pris 10 mois de prison ferme à la suite d’une procédure de plaider coupable."
La loi prévoit une peine pouvant aller jusqu'à 2 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende pour la corruption par voie électronique d'un mineur de moins de 15 ans (propositions sexuelles).
Tous les signalements sont instruits
Contacté par France 3 Franche-Comté, le parquet de Vesoul estime que la Team Moore fait un excellent travail. Les dossiers transmis sont instruits, et forcément cela ne se fait pas en un jour. À chaque alerte, la justice vérifie que les faits sont bien constitués et pas provoqués.
Une enquête est diligentée pour rechercher éventuellement d'autres preuves. Et les dossiers de la Team Moore ne sont pas les seuls. Il y a les dénonciations, mais aussi les prédateurs sexuels piégés par les enquêteurs de la cyberpolice.
Aller plus vite pour protéger les enfants
Pour la Team Moore, dans ces dossiers de prédateurs sexuels, il faudrait aller plus vite. “Je ne comprends pas comment on peut expliquer à la population que, quand on signale un individu qui fait de la corruption de mineurs, qui propose des relations sexuelles à une enfant de 12 ans, qui lui envoie des fichiers pédopornographiques, des fichiers à caractère zoophile, que ce dernier au bout de 18 mois, voire plus, n’est toujours pas condamné. Cela, pour le citoyen lambda, est inconcevable” déplore Neila Moore.
“Nous, on milite pour que les peines soient durcies véritablement, et une fois pour toutes appliquées. On va nous dire qu’il n’y a plus de places dans les prisons, on va nous dire qu’on ne peut plus en construire, car les communes n’en veulent pas. Mais il faut trouver des solutions, car ce sont des individus qui sont dangereux pour nos enfants. Il faut que chaque institution prenne ses responsabilités.
Neila Moore, bénévole Team Moore
La Team Moore au-delà des seuls chiffres de la Haute-Saône souhaiterait que le gouvernement mette “les moyens nécessaires pour lutter contre la pédocriminalité”.
En France, police, gendarmerie disposent d’enquêteurs numériques. Mais leur tâche est un puits sans fonds. En 2009, un rapport présenté au conseil des droits de l'Homme de l'ONU révélait que plus de 750 000 "prédateurs" sexuels, connectés en permanence sur la Toile, cherchent à entrer en contact avec des enfants. Combien sont-ils aujourd’hui avec l’essor des réseaux sociaux ou transitent conversations et fichiers ? 85 millions de fichiers pédopornographiques ont été signalés en 2021 dans le monde.