Dans une missive adressée à Michel Barnier le 4 novembre, Yves Krattinger qualifie d’inacceptable la contribution demandée aux départements pour le redressement des finances publiques dans le cadre du projet de loi de finances 2025. Un prélèvement de 2% des recettes de fonctionnement qui, en Haute-Saône, génère une ardoise de près de 10 millions d’euros.
“Solennelle”, sa lettre n’en est pas moins directe et tranchante. Le président du conseil départemental de la Haute-Saône, Yves Krattinger (DVG), a pris sa plus belle plume pour piquer de loin Michel Barnier.
Dans une lettre adressée au Premier ministre le 4 novembre 2024, le président de la Haute-Saône craint que les économies demandées par l’État pour le redressement des finances publiques ne soient réalistes : “l'application uniforme de cet écrêtement de 2% des recettes de fonctionnement impactant le Département de la Haute-Saône à hauteur de 5,3 millions d'euros, est inacceptable et budgétairement insupportable.”
Dans le détail, en prenant en compte le gel de la TVA, la baisse du taux du fonds de compensation de cette même TVA réglée par les collectivités locales, la hausse du taux de retraite des agents des collectivités ou encore la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, le patron du département a chiffré la douloureuse à près de 10 millions d’euros pour boucler le budget 2025.
Cette proposition décidée à la hâte et sans concertation, qui ne tient aucunement compte de la situation financière structurelle de chaque collectivité départementale, ni des efforts faits par le passé pour limiter les dépenses de fonctionnement, ne m'apparaît pas acceptable.
Yves Krattinger, président (DVG) du conseil départemental de la Haute-Saône
Et encore, selon M. Krattinger, cette ardoise ne comprend pas la baisse de 3,1 millions d’euros de la fraction de la TVA allouée au département, expliquée par une activité économique en berne.
Des recettes faibles et des économies déjà conséquentes
Étayant son propos, le président du département précise que parmi les départements de moins de 300 000 habitants, la Haute-Saône (234 296 habitants en 2021 selon l'INSEE) bénéficie des plus faibles recettes de fonctionnement : 1 155 euros par habitant pour une moyenne nationale de 1 451 euros en 2023, soit 70 millions d’euros de revenus annuels en moins.
La question des politiques qu'iI nous faut sacrifier est aujourd'hui clairement posée
Yves Krattinger, président (DVG) du conseil départemental de la Haute-Saône
Si les revenus ne sont pas élevés, Yves Krattinger ne manque pas de faire part au Premier ministre des économies substantielles déjà réalisées par ses services. Il évoque ainsi la fermeture de 3 collèges sur 24 et 5 centres techniques routiers sur 14 depuis son arrivée à la tête du département.
Comparant de nouveau la Haute-Saône aux départements de moins de 300 000 habitants, Yves Krattinger évoque des dépenses de fonctionnement de 979 euros par habitant pour une moyenne de 1 259 euros par habitant.
Un budget contraint, mais nécessaire selon M. Krattinger : “Seule cette solution permet de dégager les marges budgétaires suffisantes pour continuer à investir sur les territoires et Iégitimer ainsi l'action publique départementale”, dans une zone où le sentiment d’abandon et d’incompréhension, souligne Yves Krattinger, reviennent régulièrement dans le débat public.
Les départements "bons élèves" stigmatisés
Appelant le gouvernement à davantage de "discernement" et de "raison" face à des "stigmatisations systématiques" des "bons élèves", le président de la Haute-Saône a enjoint le Premier ministre à une meilleure équité entre les territoires : "L'effort doit avant tout peser sur les collectivités les mieux dotées n'ayant pas engagé les réformes structurelles nécessaires."
L'examen de la seconde partie du projet de loi de finances 2025, dédiée aux dépenses, a débuté le 5 novembre à l'Assemblée nationale. Le vote solennel sur l'ensemble du projet de loi aura lieu le 19 novembre prochain.