Les enseignants de l'école primaire Pablo Picasso de Vesoul (Haute-Saône) s'alarment de la présence d'amiante au sol et dans les murs des classes du complexe scolaire qui accueille 250 enfants de la maternelle au CM2. Ils demandent à la mairie des travaux en urgence.
L'alerte a été lancée juste avant les congés scolaires de printemps pour un danger grave et imminent (DGI) à l'école Pablo Picasso de Vesoul (Haute-Saône). Les enseignants de l'établissement qui accueille 250 élèves de la maternelle au CM2 dans le quartier du Montmarin, se sont alarmés de la dégradation du sol contenant de l'amiante dans plusieurs classes.
Cinq d'entre eux ont officiellement saisi les représentants du personnel et leur hiérarchie. La mairie, propriétaire et responsable des locaux, a été interpellée. Deux maîtresses ont même tenté d'exercer leur droit de retrait à la rentrée lundi 29 avril. Droit qui leur a été refusé. Selon nos informations, une réunion a eu lieu vendredi 3 mai à l'Inspection académique sur le sujet.
Deux ans d'inquiétude
"Depuis deux ans, on y pense jour et nuit", confient aujourd'hui les enseignants à France 3 Franche-Comté. Car leur inquiétude ne date pas d'hier. Au printemps 2022, l'une de leurs collègues à la retraite, âgée de 64 ans, a succombé à un cancer foudroyant. Une disparition brutale qui les a fortement interrogés. Elle avait en effet enseigné pendant 35 ans à Pablo Picasso.
Les enseignants ont donc demandé à consulter les Dossiers Technique Amiante (DTA) des quatre bâtiments de l'école. Pour certains, ils avaient disparu. Pour les autres, ils ont découvert que le diagnostic n'avait pas été révisé depuis 2010 ! Mais le rapport était clair : il relevait déjà à l'époque la présence de matériaux amiantés dans presque toutes les classes de l'école élémentaire, dans les dalles au sol et dans la colle noire, mais aussi dans les cloisons de séparation en fibrociment. Ce que le nouveau DTA établi en juin 2022 a confirmé. Les DTA manquants, ceux de l'école maternelle, mis à jour en 2023, ont révélé à leur tour la présence d'amiante dans les deux autres bâtiments inspectés.
Pas vraiment une surprise compte tenu de l'âge des locaux. Plus de 85 % des écoles et établissements scolaires en France ont en effet été bâtis avant le 1er juillet 1997, date de l’interdiction de l’amiante dans notre pays. Ils sont donc fortement susceptibles de contenir la fibre cancérogène.
Des dalles dégradées au sol
Mais pas de quoi rassurer non plus les 25 professeurs des écoles du groupe scolaire. Photos à l'appui, tous constatent des dégradations importantes dans leurs classes. "L'état de certains supports amiantés, des dalles de sol par exemple, est très inquiétant, rapporte Arnaud Balizet, représentant départemental du SNUipp-FSU. On en trouve par exemple en salle de motricité de maternelle, là où des enfants courent, sautent, marchent à quatre pattes, provoquant des vibrations qui peuvent potentiellement libérer des fibres !"
L'amiante, c'est perfide et sournois. Les fibres sont plus petites qu'un cheveu et invisibles à l'oeil nu. Et la maladie se déclare des années plus tard. On ne se sent pas vraiment en sécurité. Certains d'entre nous mettent des masques pour faire classe.
Une enseignante de l'école Pablo Picasso de Vesoul (Haute-Saône).
"L'inhalation d'une seule fibre peut aboutir à des maladies graves, voire mortelles qui ne se révèlent dans la plupart des cas que 10 à 40 ans plus tard, insiste Arnaud Balizet qui pointe surtout l'inaction de la collectivité. "Il est scandaleux que la mairie de Vesoul prenne autant à la légère un danger grave et imminent d'exposition à des fibres d'amiante sur des personnels enseignants, communaux et des enfants !"
Les enseignants ne comprennent pas non plus que les parents d'élèves n'aient pas été mis au courant "en toute transparence". "On nous a interdit de communiquer aux familles", confie-t-on à France 3 Franche-Comté. "Il y a une espèce d'omerta qui pèse sur le personnel de l'école", ajoute une autre enseignante. Des parents d'élèves ont tout de même appris cette semaine les démarches des enseignants. "Je suis un peu en panique, témoigne cette mère d'un petit garçon de 4 ans, élève en moyenne section de maternelle. Ma fille aussi est en CP ici. Je me pose la question de savoir si je dois remettre mes enfants à l'école."
Mesures d'empoussièrement négatives
"S'il y avait un quelconque danger, cela fait longtemps qu'on aurait pris des mesures", affirme Alain Chrétien à France 3 Franche-Comté. Le maire Horizons de Vesoul est catégorique. "Quand on évoque le mot amiante, cela fait peur évidemment, reconnaît l'élu. Mais nous avons mis à jour l'ensemble des DTA dans toutes nos écoles en 2022 et 2023 et ils sont en libre accès sur le site internet de la ville."
Les DTA font bien apparaître la présence de l'amiante à l'école Pablo Picasso, admet Alain Chrétien mais "l'amiante n'est pas en contact direct avec les usagers". Il ajoute que des mesures d'empoussièrement ont été diligentées en septembre 2023 après des petits travaux réalisés pendant l'été. De nouvelles mesures ont été pratiquées fin avril pendant les vacances pour répondre aux inquiétudes des enseignants.
Nos DTA sont à jour, on a analysé deux fois les plafonds, les sols, et deux fois les experts ont conclu qu'il n'y avait pas de fibres d'amiante dans l'air. Qu'est-ce que je peux faire de plus ?
Alain Chrétien, maire Horizons de Vesoul (Haute-Saône).
"La mairie se retranche derrière ses analyses qui ont été faites à un instant t mais en attendant, les dalles et les murs continuent à se dégrader", déplorent les enseignants qui demandent que des travaux de réparation soient entrepris au plus vite.
"Le maire ne peut plus tenir sa position immobiliste et il doit prendre toutes les dispositions nécessaires afin qu'aucune personne ne soit exposée au danger, n'en démord pas Arnaud Balizet. Et ce, de façon immédiate." Les représentants des parents d'élèves, eux, ont prévu de se réunir mardi 7 mai pour faire le point de leur côté.
Près d'une école sur trois en France
Le cas de l'école vésulienne n'est pas un cas isolé dans la région. En mars dernier, des parents d'élèves de Valdahon (Doubs) s'étaient eux aussi mobilisés pour exiger des travaux de recouvrement après le décollement de dalles de sol contenant de l'amiante dans les couloirs de l'école élémentaire Saint-Exupéry.
D'après une enquête menée en juin 2023 par l’équipe Vert de rage, qui s’attache, sur France 5, à révéler de grands scandales environnementaux, 28,4% des écoles françaises contiennent encore de l’amiante. Au total, 281 écoles contiendraient de l'amiante en Bourgogne-Franche-Comté.