9e jour du procès en appel de Nicolas Zepeda pour l'assassinat de Narumi Kurosaki : après les expertises psychiatriques, l'accusé s'effondre en pleurs dans son box

Nicolas Zepeda est jugé devant la cour d'appel de Vesoul (Haute-Saône) du 4 au 22 décembre 2023. Il est accusé de l'assassinat de son ex-petite amie Narumi Kurosaki en 2016 à Besançon. Après les expertises psychiatriques, l'accusé s'est effondré en pleurs dans son box en abordant son incarcération. Revivez les échanges du 9e jour.

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Le président François Arnaud annonce la suspension de l'audience, jusqu'à lundi 18 décembre à 9h15. L'interrogatoire de l'accusé sur les faits qui lui sont reprochés doit avoir lieu.

20h22 : L'audience reprend. Me Galley n'a pas de question, l'avocat général non plus mais déclare : "à l'attention de madame Zepeda qui nous fait des cours de droits de l'Homme. Oui madame. Le premier droit de l'Homme c'est le droit à la vie. Je vous rappelle que votre fils est accusé d'assassinat sur une jeune femme". Le père de famille pointe du doigt l'avocat général. "C'est quoi ce doigt ?", interroge Etienne Manteaux. L'audience est ensuite suspendue. 

L'audience est suspendue 15 minutes.

19h52 : Concernant son incarcération, le Chilien est resté plus de deux ans à l'isolement, sans pouvoir côtoyer d'autres détenus. "C'était en raison de la médiatisation et parce que je ne parlais pas français. Ils ont pensé que j'allais avoir des soucis", se souvient l'accusé. Nicolas Zepeda raconte ses souvenirs d'incarcération et en vient à un récit plus grave. Il dit avoir été témoin du suicide d'une personne incarcérée avec lui et de mauvais traitements pour un autre de ses camarades de détention sourd et muet. Le jeune homme dit aussi avoir été agressé par un surveillant à coup de poing, à la maison d'arrêt de Besançon. Il se met à pleurer d'un coup à chaudes larmes, inconsolable. Il disparaît, plié en deux sur le banc des accusés. "Où sont les droits de l'homme, ils ont traité mon fils comme un chien !", lance la mère de l'accusé dans la salle d'audience, en espagnol. L'audience est suspendue en urgence. 

19h37 : Il continue à énumérer la suite de son histoire personnelle, les emplois qu'il a eus et sa petite société d'import et de commerce de détail. "C'était très dur à développer. J'avais pas trop d'argent. Avec beaucoup de travail, je travaillais presque 70 heures par semaine au début. Cette entreprise tient encore aujourd'hui, malgré le fait que je sois là (ndlr, en prison)", explique le jeune homme de 33 ans. Entre octobre 2016 (date de sa rupture avec Narumi Kurosaki) et son extradition vers la France, le Chilien a entretenu une relation avec une femme allemande et une Chilienne. "C'était une relation plus longue et plus sérieuse", dit-il concernant sa dernière histoire d'amour, qui s'est terminée en raison de l'éloignement conséquent à son incarcération. 

19h10 : Au mois de février 2015, le couple est né. "Mais c'est une formalité de demander ça, car on se voyait tous les jours depuis le mois de décembre", répond l'accusé au président, tout en expliquant qu'il voulait un beau début de relation car il était le premier petit ami de Narumi. En avril 2015, le Chilien rentre en Amérique du Sud. Les deux amoureux poursuivent leur relation à distance, "grâce aux outils numériques et à la mondialisation". En septembre 2015, Narumi Kurosaki se rend durant un mois au Chili. "Je suis revenu [au Japon] au mois d'avril 2016. Tous les deux on souhaitait ça", dit Nicolas Zepeda. Narumi Kurosaki partira le 25 août 2016 en France, et Nicolas Zepeda y reste jusqu'à l'automne, avant de rentrer au Chili. Avant cela, les amoureux vivent ensemble dans l'appartement de Narumi Kurosaki au Japon. "Du moment qu'il y a de la communication, ça marche. Quand je me mets à discuter, je me mets en face et j'essaie d'entendre tout ce que la personne a à me dire. Je suis un peu pragmatique dans ce sens-là", dit Nicolas Zepeda. "Je ne vois pas trop où vous voulez en venir", dit le président. "Vous avez eu des disputes ?", demande le président. "On a eu des différends, pas des disputes", dit l'accusé. 

19h06 : Il développe les raisons pour lesquelles il a beaucoup voyagé notamment aux Etats-Unis. Il se lance même dans des explications géopolitiques. "Je cherchais un pays qui pouvait avoir quelque chose en commun avec le Chili mais aussi quelque chose en commun avec ma façon d'être", dit-il, justifiant son choix d'aller un an au Japon. Il explique avoir pu s'y rendre grâce à une bourse pour laquelle il faut faire un dossier précis. "Je pense qu'on peut passer les détails", s'agace quelque peu le président. Nicolas Zepeda poursuit sur son attrait pour la spiritualité : "Je vais à l'église depuis que je suis petit". Il explique que c'est aussi l'une des raisons pour lesquelles il a choisi d'aller au Japon. "Vous êtes croyant ?", demande le président. "Oui, tout à fait". Il étudiait l'administration, l'économie ou encore le commerce au Japon, durant son année en master à Tsukuba. Ses réponses sont comme d'habitude : complexes et parfois alambiquées. Son attitude est très ouverte et lumineuse. Il sourit, il parle avec les mains. "J'ai connu des gens merveilleux, dans un pays merveilleux. J'ai connu Narumi, bien évidemment, en octobre. J'ai essayé d'aller un peu partout. Je suis allé au nord, au sud. Je suis allé partout en réalité. Je pouvais le faire car il y avait des pass étudiants de train... Mais j'ai le sentiment que vous voulez aller vers le sujet de Narumi...", s'aventure l'accusé. "C'est pas très compliqué à saisir", dit François Arnaud. Le jeune homme se lance alors dans le récit, toujours aussi détaillé, de sa rencontre avec la victime : "Elle avait un pull, pas beige, mais un peu rouge". Les deux jeunes se rencontrent en octobre 2014, vont parfois boire un verre, et se retrouvent ensemble à l'anniversaire de Nicolas Zepeda en décembre. "On est en photos ensemble ce jour-là d'ailleurs, parce qu'elle était à côté de moi", sourit l'accusé. Le moment est quelque peu gênant. "Après, on a vu qu'il y avait une alchimie, que ça marchait. Tout a changé au mois de décembre 2014." 

18h33 : Le président François Arnaud interroge l'accusé quant au rapport biographique de la psychologue Clara C. Il lui demande de dresser "son cursus de vie". Il semblerait que l'interrogatoire de personnalité, tant attendu, débute enfin. Après une très longue introduction, le jeune homme se lance dans une description détaillée de son identité et de sa vie. "Je dois tout à mes parents. Je les admire beaucoup pour tout ce qu'ils ont fait, explique l'accusé. J'ai grandi dans une famille dans laquelle j'ai toujours eu le sentiment d'être aimé. J'étais attendu". Il parle de ses deux petites soeurs jumelles, qu'il considère comme ses meilleures amies. "Je les adore", dit-il, avant d'aborder l'enseignement Montessori dont il a bénéficié en étant petit. Son débit de parole est élevé. Il parle de sa passion pour la danse, du théâtre, du chant, du sport. "Même en prison je danse la vie", explique le trentenaire qui n'hésite pas à sourire et à plaisanter. "Je joue au foot, au handball, au tennis de table, au volleyball, aux dames, aux échecs... à tout ce qu'on peut jouer", s'enthousiasme-t-il, debout dans son box. 

Tout ça, c'est pas dans les rapports car les experts ne cherchent pas ça, mais c'est important.

Nicolas Zepeda

18h25 : Nicolas Zepeda est appelé à se lever dans son box. A-t-il des observations à faire concernant les rapports sur sa personnalité ? "J'ai été étonné quand j'ai reçu les rapports de 2020. Pendant ma vie j'ai eu des échanges avec des psychologues et pourtant cela m'a étonné tous ces mots : manipulateur narcissique, quelqu'un qui manque d'empathie, quelqu'un qui est dans le contrôle. C'était inquiétant quelque part, que tout ça ne soit pas relevé par des professionnels [qui m'ont vu par le passé]. J'ai pris l'initiative de partager mes résultats avec ma psychologue au Chili, avec la psychologue qui m'a suivie pendant 2 ans à Besançon et aussi à la personne qui me suit à Orléans et on retrouve des incohérences, des raccourcis. J'ai le sentiment qu'on essaie de conforter une hypothèse. C'est mon sentiment. On a besoin d'un coupable, donc on cherche des choses pour faire le portrait", rapporte l'accusé, en français, validant l'expertise du deuxième psychiatre. Le Chilien critique la manière de faire du premier expert.

18h : Les questions sont aux parties civiles. "Lorsqu'on parle d'ADN de contact et là c'est le cas, on n'a pas moyen de déterminer l'action qui a déposé l'ADN au niveau du polochon", précise l'expert en réponse à une interrogation de Me Galley, avocate de la famille de Narumi Kurosaki. "Avez-vous retrouvé des traces évocatrices d'un rapport sexuel ?", demande Me Schwerdorffer, qui veut définitivement écarter la version de l'accusé concernant une nuit d'amour avec la victime. "Non", répond l'expert. Me Portejoie, avocat de la défense, demande si les résultats évoqués peuvent être mis en perspective avec une scène de crime. "Je ne peux pas répondre à cette question. Je n'ai aucun moyen de le savoir. Il y a une trace de sang de Narumi Kurosaki, cela peut être considéré comme suspect", dit Rémi H, qui précise que l'ADN peut traverser un drap, ou toute surface non imperméable.

17h54 : L'ADN de la victime n'a pas été retrouvé sur le couteau que possédait Nicolas Zepeda et qu'il a laissé à son cousin en Espagne. Dans la voiture de location utilisée par Nicolas Zepeda pendant son séjour en Franche-Comté, et plus précisément sur le tapis de sol du coffre, l'ADN de Narumi Kurosaki n'a pas été clairement mis en lumière, mais l'expert précise qu'il s'agissait d'un mélange complexe des ADN de plusieurs individus : "On n'a pas pu exclure que le profil génétique de Narumi soit dedans. On ne peut pas être certain qu'il était là, mais quand on regarde l'ensemble du mélange ADN on peut reconstituer son profil". "C'est un peu une réponse de Normand", dit l'expert. Le président pose ensuite des questions à Rémi H. L'utilisation de produits détergents enlève l'ADN, confirme Rémi H., à François Arnaud. "Par exemple, le fait d'analyser le couteau plusieurs semaines après les faits, il y a très bien pu y avoir des actions de nettoyage [sur ce dernier], explique l'expert. Le fait de ne rien retrouver sur l'objet ne veut pas dire que cet objet n'a pas pu être utilisé lors des faits". Aucune trace de sperme n'a été retrouvée dans la chambre 106 de la résidence universitaire Rousseau. Une petite trace de sang de la victime a été trouvée sur l'alèse du lit. 

17h18 : Nous pensions pouvoir enfin entendre l'accusé Nicolas Zepeda. C'est finalement Rémi H., un expert en identification d'empreintes génétiques, qui se présente virtuellement à la barre grâce à la visioconférence. Il intervient depuis Bordeaux. Il introduit son propos par un rappel de la notion d'ADN et de profil génétique. "Le corps de la victime n'ayant jamais été retrouvé, nous avons dû utiliser des objets personnels, une brosse à dents, un masque jetable, et grâce à cela nous avons pu créer un profil génétique féminin x1", détaille Rémi H. Un prélèvement a aussi été fait sur le père de Narumi Kurosaki, pour élaborer un profil génétique de référence. Plusieurs linges de lit se trouvant dans la chambre de la victime ont été analysés, ainsi que divers objets comme des bouteilles d'eau. L'ADN d'Arthur Del Piccolo a été retrouvé dans la chambre de Narumi sur la protection du matelas du lit. Sur le polochon, l'ADN de Narumi Kurosaki a été retrouvé, ainsi qu'un mélange de deux ADN masculins, celui d'Arthur Del Piccolo et celui d'un individu masculin nommé "x4". Le profil de ce monsieur baptisé "x4" correspond à celui de Nicolas Zepeda. La démonstration faite par l'expert est très technique. "Au niveau de la chambre, les techniciens ont fait différents prélèvements. On a un mélange d'ADN de Narumi Kurosaki et un provenant de l'individu x4 (ndlr, Nicolas Zepeda) sur le rebord du lavabo", explique l'expert. 

L'audience est suspendue une quinzaine de minutes.

16h41 : "J'espère qu'on va entendre un peu Nicolas Zepeda car depuis 15 jours, j'ai l'impression qu'on fait son procès sans lui", dit Etienne Manteaux, avocat général, avant de poser quelques questions brèves à la psychologue. Me Portejoie, avocat de Nicolas Zepeda, s'étonne des questions posées à la psychologue : "comme si vous alliez éclairer la cour d'assises sur ce qui aurait pu se passer la nuit du 4 décembre 2016. Vous n'êtes pas là pour apporter un éclairage sur tous les ressorts psychologiques". Cette dernière acquiesce. "Quand j'ai vu l'évaluation de mon confrère, j'ai eu l'impression qu'on avait vu deux personnes différentes. C'est une opinion. Je me suis demandée dans quelle mesure il y avait eu une manipulation dans la présentation de Nicolas Zepeda pour obtenir un rapport plus favorable à la défense...", livre la psychologue, lancée par la défense sur les différences entre son rapport et celui du dernier rapport d'expertise exposé.

16h02 : Les questions sont aux avocats des parties civiles. Me Galley, avocate de la famille de Narumi Kurosaki, interroge l'experte quant aux réactions potentielles de l'accusé face à l'indépendance croissante de son ex-petite amie à son arrivée à Besançon. "Cela peut accentuer la recherche de contrôle", répond la psychologue. "Il y a quelque chose de presque tyrannique dans la demande", précise Clara C., par rapport à la vidéo de menaces diffusée précédemment et suite à une question de Me Schwerdorffer, avocat d'Arthur Del Piccolo. Me Schwerdorffer lit également un échange numérique entre Narumi Kurosaki et Nicolas Zepeda, dans lequel le jeune homme lui fait clairement du chantage affectif pour qu'elle supprime des hommes de ses contacts Facebook. 

Pourquoi est-ce que tu continues à me faire mal ? Qu'est-ce que je t'ai fait ? Bloque-les, efface-les tous les trois. Ne joue pas avec ma patience Narumi.

Nicolas Zepeda, à la victime

15h45 : La vidéo "de menaces" postée le 5 septembre 2016 par l'accusé sur Dailymotion, à destination de la victime, est diffusée dans la salle. "Récemment Narumi a fait un nombre de mauvaises choses. Les conditions sont applicables pour certaines, pour toute la durée de son séjour en France, et pour certaines pour toujours. Si Narumi peut suivre ces conditions pendant deux semaines, je laisserai les conditions sans aucun effet. Donc si le 21 septembre elle suit toutes les conditions je les abandonnerai [...]. Elle doit payer un petit coup pour ce qu'elle a fait, et assumer cela. Oui... 2 semaines", explique Nicolas Zepeda dans la vidéo. Il est face caméra. Il emploie un ton clairement menaçant, même s'il s'exprime de manière froide, sans agressivité. L'experte est invitée à réagir aux propos de l'accusé sur la vidéo.

15h27 : La psychologue a remarqué une "dimension narcissique dans les relations aux autres, un sentiment d'autosuffisance, une tendance à la séduction, une recherche de pouvoir et une faible tolérance à la frustration". Elle dit que l'accusé est peu sujet à la culpabilité ou aux remords. Comme le premier expert, elle a remarqué un manque d'empathie chez Nicolas Zepeda. "Ce sont des individus dont on a du mal à savoir ce qu'ils ressentent en général". Cette notion fait écho à l'attitude de l'accusé depuis le début de son procès. Ce dernier ne manifeste pratiquement aucune émotion, même pendant les moments les plus bouleversants comme lors des dépositions de la famille de Narumi Kurosaki. Concernant le risque de récidive chez l'accusé, il est très faible selon l'experte, précisant que Nicolas Zepeda ne présente aucun antécédent judiciaire, pas d'impulsivité, et pas d'antisocialité. Elle répond ensuite aux questions de la cour. "Je ne peux pas répondre à toutes vos questions, au risque de vous frustrer, cela relèverait de l'hypothèse. Je pense qu'il faudrait poser la question directement [à monsieur Zepeda]", explique la psychologue, suite à une question du président François Arnaud. 

14h49 : "Au sujet de la relation avec Narumi Kurosaki, c'était difficile de cerner la réalité de la relation car il a utilisé des choses très abstraites, avec des dénégations. Il semble intellectualiser à outrance et probablement très sensiblement réaménager la réalité", entame la psychologue. " Il va dire que Narumi manquait d'expérience, qu'elle était dans l'erreur". "Elle était fière d'avoir un fiancé international aussi beau. Le plus difficile pour elle c'était de comprendre ce qu'est un couple. Elle résistait. Elle montrait des résistances", a rapporté l'accusé à la psychologue durant son entretien. Clara C. note, via un exemple concret, une "propension à la colère lorsqu'il va se sentir diminué par rapport à un potentiel rival". L'arrivée de Narumi Kurosaki à Besançon fin août 2016 provoque à Nicolas Zepeda "un sentiment de manque de respect", "et probablement une perte de contrôle importante".

"Il m'explique qu'il a posé un ultimatum à sa petite amie. Il pose des règles de manière assez froide pour régler la situation (ndlr, dans une vidéo de menaces qu'il a envoyée à la victime). Ce passage met en lumière une exigence très élevée, une exacerbation du contrôle et un manque de considération des besoins de l'autre".

14h37 : Nicolas Zepeda a une "certaine notion de supériorité", a noté la psychologue, citant les propos de l'accusé "j'avais beaucoup de charisme". Elle précise que cela va à l'encontre de l'analyse du dernier expert Roland C. qui l'a jugé plutôt introverti. "Ce n'est pas ce qu'il m'a laissée à voir". Elle continue à détailler la manière dont l'accusé lui a conté son enfance, puis son adolescence. "Ce qui va ressortir de l'entretien, c'est que je vais repérer un tournant à partir de son entrée à l'université de Santiago du Chili, vers 17 ans. On va trouver les premiers vécus de frustration. Je précise que ce sont des éléments qu'il faut aller chercher, qui ne sont pas rapportés de lui-même. Il est toujours un peu fuyant dans le discours", note la psychologue qui parle d'un début de sentiment de perte de position dominante pour l'accusé à ce moment-là. Son récit est particulièrement intéressant. Elle a examiné aussi "une difficulté en matière d'empathie". "Il a beaucoup de problèmes à reconnaître ses limites, même si ce sont des limites pas grave en soi. Il n'arrive pas à les reconnaître et il faut toujours passer au-dessus de l'autre".

14h29 : L'audience reprend. Une dernière experte, psychologue, est appelée à la barre. Clara C. est psychologue à Besançon. Elle a procédé à un examen psychologique, en deux temps, de Nicolas Zepeda. "J'ai rencontré monsieur Zepeda il y a 3 ans, en novembre 2020, à la maison d'arrêt de Besançon. Il s'est présenté comme un individu courtois, avenant, plutôt détendu, particulièrement loquace, mais qui va sembler manquer d'authenticité. J'aurai bien du mal à le suivre, il va utiliser beaucoup de détours. Il va souvent venir éluder une réponse claire. Cela a été un entretien assez compliqué à mener", débute la psychologue, ayant noté chez l'accusé une "source de valorisation narcissique importante".  

Il va présenter son père comme quelqu'un qui a beaucoup d'attente à son égard. C'était comme [son] fan numéro 1.

Clara C., psychologue

L'audience est suspendue jusqu'à 14h15.

12h53 : " Je ne comprends pas l'agressivité dont vous faites l'objet", débute à son tour Me Portejoie, avocat de la défense, avant d'interroger l'expert. "Quand on interroge les gens sur les comportements, ce n'est pas de la clinique psychiatrique pure, il faut avoir l'humilité de répondre à titre d'hypothèses de travail", précise ensuite le docteur Roland C. "-Si jamais il était coupable, je l'aimerais malgré tout -, a dit le père de l'accusé, c'est vrai, après moult tergiversations", rappelle Me Portejoie. La retranscription des propos de l'expert Roland C. est particulièrement difficile, tant ses phrases sont longues avec de multiples entrées et détours. "Vous avez rencontré un homme à la personnalité ordinaire ayant pu commettre un acte hors norme, tout en clamant son innocence", clarifie en conclusion Me Portejoie.  

12h40 : Les questions sont à l'accusation. "Ne pensez-vous pas qu'une personne qualifiée de manipulateur par un premier expert et qui contredit cette expertise et cette notion, va essayer de manipuler les réponses qu'il vous donne à vous aussi ?", interroge Me Galley, avocate de la famille de Narumi Kurosaki. Le docteur Roland C. se lance à nouveau dans une explication complexe. Il considère que le sujet "ment de façon stratégique". "Chacun de vous mettra les mots qu'il veut. Vous dites manipulation, je dis mensonge stratégique", abonde l'expert, qui explique "ne pas aimer extrapoler trop vite".   "On a l'impression que vous donnez des éléments et que vous n'allez pas jusqu'au bout des raisonnements", analyse Me Galley, qui n'a pas l'intention de laisser la première expertise mise à mal. Nicolas Zepeda est assez réceptif aux propos de ce 2e expert. Il opine du chef depuis son box. Me Schwerdorffer, avocat d'Arthur Del Piccolo, embraye : "Vous avez été mandaté pour une expertise. Je ne comprends pas pourquoi dans votre expertise vous faites la contre-expertise de ce qu'a fait le docteur C. (ndlr, entendu juste avant)."

"Je sais que vos méthodes sont controversées et qu'elles sont décriées par certains", lance pour finir Me Schwerdorffer, en référence aux plaintes de trois femmes qui reprochent au médecin des "fautes déontologiques" dans le cadre de ses missions d'expertise ( lire par ici). "Venant de votre part...", répond le docteur C, précisant que ces propos n'ont pas leur place ici.

12h18 : Le président questionne encore le docteur C. concernant les propos de la mère de l'accusé et le positionnement par rapport à l'acte présumé de son fils : " Il ne peut pas faire ça, je le sais, je l'ai porté dans mon ventre". "Je l'ai entendu des dizaines de fois dans ma carrière, lève les bras l'expert. C'est forcément un élément qui renforce le positionnement que le sujet a adopté. Une mère qui dit qu'il ne peut pas avoir fait ça, quel enfant ne serait pas sensible à ce discours ?"  

Parfois même dans les actes hors norme, c'est une personnalité ordinaire [qui le commet], dans un contexte de séparation.

Docteur Roland C.

12h10 : Une troisième experte doit être interrogée après le docteur Roland C. Ce procès a accumulé un peu de retard. L'accusé n'a toujours pas été soumis à un véritable interrogatoire. Il doit avoir lieu, sur la personnalité de Nicolas Zepeda, dans l'après-midi ce jeudi. Selon nos informations, le verdict pourrait intervenir mercredi 20 décembre au soir ou jeudi 21 décembre dans la journée.  

11h56 : Nicolas Zepeda semble, pour la première fois de son procès en appel, être pris par une certaine émotion. L'expert aborde désormais la discussion médico-légale. "Le sujet n'est pas dangereux au sens psychiatrique, il n'a pas besoin d'être interné. Il est accessible à une mesure pénale. Il était lucide et conscient de ses actes", conclut l'expert, qui dit s'être entretenu "une petite heure" avec l'accusé durant son examen psychiatrique. Par la suite, la cour pose ses questions. L'expert ne semble absolument pas se souvenir que l'accusé lui a répondu en français, langue qu'il parle désormais couramment. C'est ce qu'affirme Nicolas Zepeda depuis son box. Moment de flottement... "Il y a dans sa manière d'expression, alambiquée, dirait l'un (ndlr, en référence aux propos du premier expert), moi je vais dire cérébral, un peu globalisant", développe l'expert, qui précise être psychiatre, criminologue et sexologue.   "Il est capable d'empathie structurellement", abonde l'expert dans une réponse quelque peu complexe, contredisant totalement les propos de son confrère.  

11h35 : "C'est un sujet qui apparaît réservé mais sociable, ancien timide étant plus jeune. Il a pris de l'assurance en étant adulte. Il possède une indépendance mentale", continue d'énumérer l'expert, se basant sur les propos de l'accusé au moment de son examen psychologique. L'accusé a un suivi psychologique en prison mais ne bénéficie pas d'un traitement médicamenteux particulier. Concernant les traits de caractère : "Rigidité d'accord mais assez banale. Il n'apparaît pas particulièrement susceptible". L'analyse de cet expert tranche clairement avec les conclusions faites juste avant par le premier expert psychiatre.   Nicolas Zepeda n'était pas d'accord avec le qualificatif de "manipulateur" qui lui a été attribué il a donc demandé une nouvelle expertise psychiatrique. "Je ne l'ai pas trouvé particulièrement manipulateur, mais sa manière de répondre peut laisser penser qu'il y a quelque chose de particulier."  

Je suis accusé de la mort de la personne. J'ai la certitude que je n'ai pas participé à cette disparition. Le dossier est à charge contre moi, mal fait. Ici en prison, ce n'est pas ma place. Ce n'est pas juste.

Ecrit spontané de Nicolas Zepeda à l'expert

11h33 : Après une suspension de plusieurs minutes, un deuxième expert va intervenir en visioconférence depuis Paris. Il n'avait pas été auditionné pendant le procès en première instance, en 2022. Le docteur Roland C. a procédé à un examen psychiatrique de Nicolas Zepeda, avec l'aide d'un traducteur français-espagnol, à la maison d'arrêt d'Orléans dans laquelle le Chilien est incarcéré.   "Il ne présente pas de maladie mentale, aucun trouble de l'ordre de la psychose", confirme le docteur Roland C. "Niveau intellectuel bon - supérieur à la moyenne, QI au moins supérieur à 110 avec toutes les fonctions cognitives au diapason. Mémoire de qualité, repérage dans le temps précis et structuré, concentré, attentif tout au long de l'examen", énumère le psychiatre.   Concernant le profil de personnalité de l'accusé, le docteur parle d'une capacité de contrôle significative. "Il y a une intensité d'écoute, avec une certaine maîtrise de lui-même. Il restera bien contrôlé pour toutes les questions." Le sujet formule   "d es réponses toujours cohérentes, structurées, organisées. Il y a une prévalence du cognitif sur l'émotionnel. Un peu comme un ordinateur. Les hommes politiques parlent comme ça par exemple", analyse l'expert.

10h21 : Les questions sont à l'avocat de la défense Me Portejoie. Me Cormier, son confrère, est absent. "Si je dis que c'est un manipulateur, ce n'est pas parce que j'ai vu les pièces avant (ndlr, documents fournis dans le cadre du dossier). Si je n'avais pas vu les pièces, j'aurais dit exactement la même chose", insiste le docteur Jean C. L'avocat de Clermont Ferrand cherche à déstabiliser l'expert, qui comme en première instance, n'a pas l'intention de se laisser faire. "Il n'y a pas de quoi s'énerver", répond Me Portejoie avant d'aborder les conditions dans lesquelles s'est déroulé l'entretien psychiatrique, durant l'épidémie de Covid-19. Selon la défense, l'expertise a été faite de manière trop rapide et dans de mauvaises conditions. L'avocat de Nicolas Zepeda laisse à penser que son client ne s'est exprimé qu'une dizaine de minutes auprès du psychiatre. "Ça va pas, non, c'est pas comme ça... L'examen s'est fait dans de bonnes conditions et a été suffisant. J'ai déjà expliqué, je n'ai rien à ajouter !", répond l'expert, qui perd son calme face à l'insistance de Me Portejoie. "Je n'ai pas à accepter d'être mis en porte-à-faux !", lance le psychiatre. "Le monde n'est pas rempli de manipulateurs. Il faut des fois savoir se remettre en question", dit Me Portejoie, sourire aux lèvres, puis recadré par le président : "Quelle est la question ?". Fin de la visioconférence.  

09h57 : Me Galley, avocate de la famille de la victime, interroge à son tour l'expert concernant le manque d'émotion de l'accusé. "Le manipulateur manque d'empathie. Si on a de l'empathie on ne peut pas être manipulateur. Un manipulateur qui a de l'empathie c'est un oxymore", sourit l'expert. Que peut-il se passer pour un manipulateur en cas de grande frustration ? "Cela peut entraîner un passage à l’acte agressif sur soi-même ou sur les autres,   répond le docteur. C'est écrit dans tous les manuels psychiatriques". "Les gens qui ont ce type de fonctionnement ont subi des défaillances au niveau affectif", explique le psychiatre, avant de confirmer, pour l'avocat général, que Nicolas Zepeda ne souffre en aucun cas d'amnésie. L'expert aborde aussi l'existence d'une échelle du mensonge, "pieu, de politesse, narcissique..."

09h38 : Interrogé sur les faits pour lesquels il est mis en examen, le Chilien a répondu au psychiatre "qu'il n'avait rien fait du tout". "Je lui ai demandé plusieurs fois pourquoi il pensait être mis en examen. Il m'a répondu qu'il ne comprenait pas la question", ajoute le docteur Jean C..   " Il ne présente pas de maladie mentale, on peut très nettement voir qu'on a affaire à une personne qui a tendance à manipuler autrui, c'est ce qui m'a frappé. Pas d'altération du discernement au sens de la loi, pas de nécessité d'hospitalisation sous contrainte, pas de dangerosité psychiatrique...", conclut l'expert qui a évalué l'accusé durant 1h15, avant d'être interrogé par la cour. Nicolas Zepeda l'écoute, casque sur les oreilles pour bénéficier des traductions en direct et prend des notes, comme depuis le début de son procès. " Quels éléments ont pu vous apparaître dans la relation de Zepeda à son père ?", demande le président à l'expert. "Quand j'ai demandé pourquoi son père était au chômage, il me répond 'je ne sais pas'. Je lui ai demandé à quel âge il avait eu son premier rapport sexuel, il m'a dit qu'il ne savait pas. Dès qu'une question devient un problème, il dit je ne sais pas, ou j'ai oublié. A u bout d'un moment, on a une sensation de bizarrerie, presque de vertiges, analyse le docteur. Il faut que ce soit toujours lui qui ait le contrôle. Pour garder le contrôle, la seule solution c'est de raconter n'importe quoi."

On est à la limite de la mythomanie. Le mythomaniaque n'est pas délirant, il sait que ce qu'il dit est faux.

Docteur Jean C., psychiatre

09h19 : L'audience reprend. Un expert médecin psychiatre, le docteur Jean C., est entendu en visioconférence de Lyon. Il a été chargé de procéder à une expertise psychiatrique de Nicolas Zepeda le 16 octobre 2020, à la maison d'arrêt de Besançon. "Il a été très difficile à monsieur Zepeda de faire préciser le métier de son père. Monsieur Zepeda a une manière fort compliquée de répondre aux questions. Réponses complexes, allambiquées, pleines de détours et redétours. Il faut recadrer souvent monsieur Zepeda", commence le psychiatre, précisant avoir perçu une "personnalité de type manipulateur". "Cette personne n'a pas de problème neuropsychique", ajoute le docteur. "Il me faudra à de multiples reprises répéter la question", précise sur un autre point le docteur Jean C. Et d'ajouter : "pas d’altération ou abolition du discernement mental, rien ne relève d'une maladie mentale ou de la psychose".

L'audience du jour doit débuter à 9h. Les experts psychiatriques doivent être auditionnés. L'accusé doit également être interrogé.

Mercredi, la 8e journée de ce procès hors du commun a été une fois de plus particulièrement éprouvante. La mère de la victime, Taeko Kurosaki, a livré un récit fleuve 6 heures durant, dans une salle silencieuse. Certains jurés n'ont pu retenir leurs larmes. Taeko Kurosaki a dressé le portrait de sa fille : une enfant, une soeur et une étudiante modèle qui forçait l'admiration du plus grand nombre. Nicolas Zepeda, qualifié de "grand menteur", est resté tout ce temps attentif et immobile, sans manifester d'émotions particulières, tranchant avec le boulerversant témoignage de Taeko Kurosaki, debout à la barre, à quelques mètres seulement de lui.

Taeko Kurosaki a aussi expliqué s'être très vite méfiée de la relation de sa fille avec l'accusé, un petit ami particulièrement envahissant et jaloux. "Que la mort de Narumi ne soit pas inutile. Le fait de tuer quelqu'un et de continuer à mentir, cela a un prix. Avec ce prix juste, il faut que nous puissions éradiquer les futurs crimes. Je vous demande de rendre un verdict à la hauteur de ce prix, afin que notre affaire soit un exemple auquel on se référera toujours pour prévenir des caprices des futurs criminels. Ce Chilien égoïste lui a brisé son avenir. N'oubliez pas cette fille",   a demandé la mère de la victime, en guise de conclusion.

(Re)lire le déroulé du 8e jour de procès en appel de Nicolas Zepeda.

Nicolas Zepeda, qui clame depuis le début son innocence, a été condamné à 28 ans de réclusion lors de son procès en première instance, à Besançon, en avril 2022. À Vesoul, son attitude reste peu ou prou la même avec peu d'émotions visibles. Le corps de la victime n'a jamais été retrouvé malgré des années de recherches. Le Chilien risque une peine de réclusion à perpétuité.  

ARCHIVES. De la disparition de Narumi Kurosaki à la condamnation en première instance de Nicolas Zepeda pour assassinat :

Du 4 au 22 décembre 2023, suivez en direct les débats en cours à l'intérieur de la salle d'assises du procès en appel de Nicolas Zepeda à Vesoul. Rendez-vous chaque matin sur l'article "DIRECT" de notre site internet.

Retrouvez tous nos articles au sujet de l'assassinat de Narumi Kurosaki.

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