8e jour du procès en appel de Nicolas Zepeda pour l'assassinat de Narumi Kurosaki : "Ce grand menteur ne changera jamais", dit la mère de la victime

Nicolas Zepeda est jugé devant la cour d'appel de Vesoul (Haute-Saône) du 4 au 22 décembre 2023. Il est accusé de l'assassinat de son ex-petite amie Narumi Kurosaki en 2016 à Besançon. Revivez les échanges du 8e jour du procès grâce à notre journaliste présente sur place.

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Découvrir les détails de la 9e journée du procès en appel de Ncioas Zepeda.

L'audience est suspendue jusqu'à jeudi 9h. Les experts psychiatriques doivent être auditionnés.

17h58 : Zoubida F. est la dernière témoin de la journée. Elle était la directrice de l'hôtel "Première Classe" à Dijon, dans lequel a séjourné Nicolas Zepeda. Cet hôtel se situe juste à côté de la Toison d'Or, le centre commercial dans lequel s'est rendu l'accusé.

17h46 : Amandine M., s'avance à la barre. En décembre 2016, elle travaillait dans une sandwicherie dans laquelle l'accusé a acheté à manger. Nicolas Zepeda lui a confié être espagnol et avoir une amie japonaise. L'accusé a discuté avec la jeune femme quelques minutes. Elle dit avoir très peu de souvenirs mais se souvient tout de même qu'il était très agréable et qu'il était seul.

17h40 : De très jolies photos de Narumi Kurosaki petite sont projetées dans la salle. Catherine D., une témoin, s'avance ensuite à la barre. Elle a opéré la restitution du véhicule de location par monsieur Zepeda. Elle explique que la voiture rendue par Nicolas Zepeda était sale. Elle répond ensuite à quelques questions de la cour puis des avocats des différentes parties. "Comme si c'était un 4x4 qui était allé dans un bois. On aurait dit une voiture de campagne", a rapporté aux policiers la personne qui a loué le véhicule après Nicolas Zepeda. Un pneu du véhicule était aussi endommagé.

16h48 : L'audience reprend avec les questions de la cour à Taeko Kurosaki, la mère de Narumi. Le président François Arnaud l'interroge brièvement, notamment sur les affaires qu'avait prises sa fille pour venir en voyage à Besançon. "Elle est partie avec une grande valise de couleur orange et un grand sac à dos", répond la mère de la victime. La valise n'a jamais été retrouvée dans la chambre universitaire de Narumi Kurosaki. "Est-ce que Narumi entretenait des relations avec son père ?", demande François Arnaud, soulignant que ce dernier est absent du banc des parties civiles. "Après notre divorce, nous avions un repas familial avec le père une fois par an", répond Taeko Kurosaki, précisant que son ex-mari l'a accompagnée au Chili. "La disparition de Narumi lui a causé une souffrance mais puisqu'il a été absent du foyer [longtemps], c'est différent". La mère de famille doit s'expliquer sur l'absence de son ex-mari en France, pour ce procès. Étienne Manteaux, avocat général, précise les dimensions et le volume de la valise orange et fait confirmer à Taeko Kurosaki le fait que "Nicolas Zepeda [était une personne qui] pleurait beaucoup". Les avocats de la défense n'ont pas de questions supplémentaires. Taeko Kurosaki peut retourner s'asseoir près de ses filles.

L'audience est suspendue jusqu'à 16h45.

15h22"Je vous remercie du fond de mon coeur de votre grande patience. [...] Ce Chilien égoïste lui a brisé son avenir. Son corps est quelque part en France. N'oubliez pas qu'il y a eu une Japonaise perdue quelque part sur le sol français et cette fille avait ce visage solaire, près de Besançon. N'oubliez pas cette fille", implore Taeko Kurosaki. Narumi est quelque part dans cette salle avec nous. Nous resterons jusqu'à la fin de ce procès. Merci beaucoup."

15h19 : Nicolas Zepeda est toujours impassible. "Sept ans après Zepeda continue à mentir et n'est pas prêt à faire face à ce qu'il a commis. Sans remords, sans aucune remise en question, il continue à vivre. J'ai observé des sourires narquois sur son visage pendant qu'il écoutait la déposition poignante de mes deux filles. Je crois qu'il était non seulement jaloux des amis masculins mais aussi jaloux de la famille de Narumi", analyse Taeko Kurosaki, qui se tient droite, à quelques mètres seulement de l'accusé. "Il s'amuse à observer le tourment et la souffrance de notre famille. Aujourd'hui, j'ai l'impression de détenir des clés de réponse [quant à son attitude], dans la façon dont il a été élevé. Je ne pardonnerai jamais Zepeda. Ce grand menteur ne changera jamais." Taeko Kurosaki dit vouloir s'engager pour toutes les femmes victimes "d'un tel homme, pour qu'il n'y ait plus ce genre de crime désespérant". "Je suis vraiment désolée d'avoir parlé si longtemps", dit la mère de famille, avant de continuer son récit. 

15h10 : "Bien nombreuses sont les histoires d'assassinat réalisées par un ex-ami. Après 2016, depuis cette date du mois de décembre, parfois la presse nous informe des affaires similaires qui sont des imitations de notre affaire. Le monde entier regarde l'affaire Narumi." Cela fait désormais 6h que Taeko Kurosaki est à la barre. C'est plus que lors de son audition durant la première instance, en 2022. "Que la mort de Narumi ne soit pas inutile. Le fait de tuer quelqu'un et de continuer à mentir, cela a un prix. Avec ce prix juste, il faut que nous puissions éradiquer les futurs crimes. Je vous demande de rendre un verdict à la hauteur de ce prix, afin que notre affaire soit un exemple auquel on se référera toujours pour prévenir des caprices des futurs criminels.". 

14h53 : La mère de la victime a longtemps nourri l'espoir que sa fille soit avec Nicolas Zepeda, quelque part en Europe. Elle a écrit par internet au Chilien, contre l'avis de la police, le suppliant de lui donner des informations et de lui fournir une preuve de vie de sa fille. En vain. La déposition fleuve se poursuit pour Taeko Kurosaki, la mère de la victime, qui aborde à nouveau la question de l'énorme souffrance endurée par sa famille, cette souffrance que même la mort ne pourra estomper. "Nous trois, la famille de Narumi, avons été indirectement assassinées, dit Taeko. Nous avons une terrible méfiance envers les hommes. Mes filles refusent de se marier."

La vie lui a été volée par Zepeda. Son corps a été abandonné quelque pars, dans un endroit froid, humide. Je sais qu'elle pleure seule, accroupie, dans l'obscurité.

Taeko Kurosaki, mère de la victime

14h28 : La mère raconte que la famille Kurosaki a envisagé de se rendre à nouveau en France, dans la forêt, pour tenter de retrouver Narumi Kurosaki. Taeko Kurosaki décide finalement de traverser la terre entière et d'aller au Chili en juin 2017, dans l'espoir de trouver quelques indices prouvant que sa fille et en vie et pour se confronter à Nicolas Zepeda. "Je voulais voir avec quelle gueule Zepeda continuait à vivre. Je l'ai retrouvé et je l'ai suivi. Il s'est rendu compte que je le suivais à un moment donné. Nous nous sommes trouvés face à face. Il avait l'air surpris puis il m'a regardé fixement. Je l'ai dévisagé, et en baissant les yeux, il a continué son chemin pour m'éviter."  La mère de famille retourne au Chili au mois d'octobre de la même année, puis en juillet de l'année suivante, n'arrivant pas à se défaire de l'espoir de revoir un jour sa fille vivante. Elle espère voir sa fille avec Nicolas Zepeda. "Mais il était seul et marchait gaiement". Elle y retourne une dernière fois, n'arrivant pas à se résoudre au décès de sa fille. "Cette 4e fois, je n'ai pas pu voir Zepeda. Et j'ai imaginé qu'il ne vivait plus [à cet endroit]. Peu après, j'ai appris la nouvelle de son extradition vers la France". Taeko Kurosaki rappelle que le Chilien a été extradé le 23 juillet 2020, le jour où Narumi aurait dû fêter ses 25 ans. 

14h05 : "Un an avant la disparition de Narumi, l'une des camarades de classe de ma deuxième fille avait été assassinée. Je m'étais demandée si l'une de mes filles devait vivre la même chose que cette victime, que pourrais-je faire. Je me l'étais demandée pendant des jours et des jours. J'étais horrifiée et j'ai passé des nuits blanches, poursuit Taeko Kurosaki, qui entame sa 5e heure de déposition à la barre. Notre souffrance n’aura jamais de fin". "Dès le tout début de cette affaire, j'ai eu une profonde conviction que c'était Nicolas Zepeda, avoue Taeko Kurosaki. Il avait une attitude vicieuse et mesquine". 

13h50 : Elle parle ensuite d'Arthur Del Piccolo et de sa rencontre avec le jeune homme, lors de leur voyage à Besançon en février 2017. Ce voyage avait été organisé par Narumi. Honami, la soeur cadette de la victime, et Taeko Kurosaki ont souhaité effectuer ce voyage, malgré la douleur, pour rendre hommage à Narumi. "J'ai compris qu'Arthur partageait la même peine que nous". La mère de la victime tend sa main gauche en direction de la cour. Sa main droite tient un mouchoir qu'elle a placé sur sa bouche. "Nous avons regardé par la fenêtre de la chambre de Narumi. Nous avons tendu notre main pour appeler Narumi en lui disant 'rentrons ensemble, jamais je ne te lâcherai'. Il n'y avait plus son corps, mais nous voulions repartir avec son âme. Et j'ai saisi son âme entre mes bras. Et nous avons repris le chemin du retour pour le Japon." Certains jurés pleurent, d'autres baissent les yeux.

13h38 : Comme en première instance, en 2022 à Besançon, Taeko Kurosaki montre à la cour à quel point elle est forte mais aussi vulnérable face au drame qui secoue sa famille depuis 7 ans. "Cet homme ne dira jamais la vérité, jusqu'à la fin de sa vie !", lance-t-elle, en s'étouffant presque dans ses sanglots. Elle explique être devenue une "vieille" personne, rongée par la souffrance, en l'espace d'un an seulement. Nicolas Zepeda reste impassible et continue à la regarder s'exprimer à la barre, la tête légèrement penchée sur la droite. La mère de la victime s'exprime depuis 4h désormais.

Si je ne peux pas partager la souffrance de Narumi en mourant, il ne me reste qu'une seule solution, celle de continuer à vivre.

Taeko Kurosaki, mère de la victime

13h25 : La souffrance de la mère de la victime transperce la salle d'audience : "Je suis psychologiquement et physiquement détruite". "Ne sachant à qui montrer ma colère envers Zepeda, je ne pouvais plus supporter le moindre bruit. Les journalistes ne nous lâchaient pas. Les mails, le téléphone... Je me suis enfermée dans ma chambre pendant je ne sais combien de mois, dans le noir complet. Je me roulais par terre et je m'isolais complètement de ce monde hideux." Le récit de Taeko Kurosaki nous permet de mieux comprendre son attitude durant ce procès. Ses deux filles l'entourent à chaque instant. Elle se cache sous une capuche et refuse tout contact avec les journalistes. La Japonaise a quitté son travail sans préavis, ne pouvant plus s'y rendre après cette horrible nouvelle. "Je ne pourrai plus jamais retravailler jusqu'à la fin de ma vie", dit-elle entre deux sanglots. La famille Kurosaki avait gardé l'espoir, 1%, que Narumi soit vivante. Mais cet espoir s'est effondré quand le mot crime a été prononcé par les enquêteurs. Taeko Kurosaki relate l'extrême détresse psychologique dans laquelle elle se trouve : "Il m'est arrivée une fois de sauter d'une voiture en marche. Mais je n'ai eu que des blessures. Je me suis étranglée maintes fois. Mais je n'avais pas assez de force pour me donner la mort par moi-même. À chaque fois, en revenant à moi, j'ai demandé pardon à Narumi d'avoir raté mon geste. Je n'ai pas pu goûter à l'horrible souffrance qu'elle a dû subir. Encore aujourd'hui, je ne cesse de lui demander pardon. Je me suis cognée la tête contre les murs". 

13h08 : Le 14 décembre 2016, Taeko apprend la disparition officielle de sa fille via l'université de Tsukuba, dans laquelle étudiait sa fille au Japon. Elle ne peut retenir ses larmes et craque à la barre. '"Comme une folle j'ai répété son nom. Narumi, Narumi, reste vivante". Taeko Kurosaki annonce se présenter désormais devant la cour telle qu'elle est, "complètement mise à nu". Elle enlève sa veste et dévoile le vêtement qu'elle porte en dessous. À l’intérieur de ce vêtement se trouve un cadre avec une photo de sa fille. Elle pleure vivement en s'exprimant en japonais au micro, oubliant l'interprète à ses côtés. Elle dépose ensuite sur une petite table un cadre photo de sa fille. "Je me suis pratiquement greffée ce portrait de Narumi afin que je puisse ne pas le quitter, même sans le tenir avec mes bras. Pour que je puisse le tenir près de ma peau. Regardez ce portrait, c'est ma Narumi, que je refuse de quitter ne serait-ce qu'un instant". 

Depuis que j'ai appris cette horrible nouvelle, je ne peux plus me nourrir. Il m'est impossible de dormir. En deux mois, j'ai perdu 17 kilos.

Taeko Kurosaki, mère de la victime

12h57 : La mère de famille questionne sa fille en novembre 2016 au sujet de Nicolas Zepeda. "Déjà à cette époque j'avais le pressentiment d'un voyage de Nicolas en France, se souvient Taeko Kurosaki. C'est à cette époque que j'ai appris que Narumi avait trouvé un nouveau copain, Arthur." Les larmes réapparaissent dans les yeux de la mère, qui sanglote à nouveau à la barre, au moment d'aborder la date du 3 décembre 2016, le dernier signe de vie de sa fille et sa dernière correspondance avec elle. "Cinq jours durant, il n'y a eu aucun message de Narumi. Je lui ai envoyé plein de messages pour savoir comment elle allait. Mes messages n'ont jamais été lus, et je n'ai pas eu de réponse". Le 10 décembre, elle reçoit "un message mystérieux" qui disait "t'inquiète, ça va. Désolée de ne pas t'avoir écrit. Mon copain est très possessif". Selon l'enquête, c'est alors Nicolas Zepeda qui a pris possession des appareils numériques de son ex-petite amie et qui se fait passer pour elle, alors qu'il l'a tuée. Les proches de Narumi, qui ont reçu plusieurs messages étranges, tombent alors dans une grande inquiétude, "difficile à décrire". Dans un message en date du 11 décembre 2016, le portable de Narumi informe sa mère que son nouveau copain s'appelle Arthur et qu'elle part au Luxembourg, seule. "Ces messages étaient incompréhensibles pour nous. J'ai demandé ce qu'elle racontait puisqu'elle nous avait déjà présenté Arthur (ndlr, quelques semaines avant en vidéo)". 

12h39 : "Le 25 août, Narumi est partie vers la France. A partir de ce moment, je vais vous donner quelques extraits de mes correspondances avec Narumi relatifs aux rapports avec Nicolas, poursuit Taeko Kurosaki. Le 9 septembre 2016, Narumi m'a écrit en me disant que Nicolas ne cessait de lui demander où elle était, ce qu'elle faisait, et qui elle rencontrait, s'il s'agissait d'un garçon ou d'une fille. Elle me disait qu'elle voulait vraiment se séparer de lui". Le jeune homme lui demande des rapports réguliers et détaillés sur ses faits et gestes. Sa jalousie maladive le fait plonger dans une intense paranoïa. Il harcèle littéralement la victime. "Il se mettait en colère, en croyant ce qu'il voyait dans ses rêves. Il disait que Narumi mentait et il lui a interdit de fréquenter qui que ce soit en France". Narumi confie aussi à sa mère le fait que Nicolas lit toutes ses correspondances numériques. Une rupture a lieu entre les deux jeunes puis ils se remettent ensemble. "Je me suis dit, ça y est ça recommence", dit la mère de Narumi. En date du 27 septembre 2016, Narumi écrit à sa mère. Le lendemain, depuis Besançon, l'étudiante informe sa mère que la rupture est définitive, et que jamais elle ne retournera avec cet homme.

Je ne sais pas si j'aime Nicolas, mais Nicolas m'aime trop, et il me fait pitié. Je ne peux pas me séparer de lui.

Narumi Kurosaki, à sa mère

12h18 : L'audience reprend avec la suite de la déposition à la barre de Taeko Kurosaki, la mère de la victime. Elle continue à raconter comment Nicolas Zepeda agissait au Japon, avec sa fille et avec la famille Kurosaki. "Le 6 août 2016, il y avait un feu d’artifice. Narumi nous a fait part du désir de Nicolas d'aller voir ce feu d’artifice. Ce jour-là, Nicolas était venu chez nous [à Tokyo]. Notre appartement était tout petit, exigu. Le soir nous mettions nos matelas par terre et nous dormions de cette manière dans une même pièce. Nous avons dit à Nicolas que nous ne pouvions pas l'héberger. Il n'a jamais écouté et s'est introduit avec force", se souvient Taeko Kurosaki. Le témoignage de la mère de la victime est éclairant quant à l'attitude de l'accusé. 

L'audience est suspendue 15 minutes.

11h45 : Taeko Kurosaki raconte, avec précision, comment elle a vu le Chilien s'imposer dans la vie quotidienne de sa fille. "Monsieur l'interprète, vous travaillez depuis 2h30. Nous allons interrompre la déposition en l'état pendant 15 minutes de manière à récupérer et reprendre notre attention", interrompt le président François Arnaud.

11h37 : Petit à petit, au fil des anecdotes, Taeko Kurosaki se forge une conviction au sujet de Nicolas Zepeda, celle d'un "homme pas fiable". Narumi Kurosaki décide ensuite de partir en France pour un séjour linguistique. "Nicolas lui répétait qu'il était contre cette idée : 'n'y va pas'. Je trouvais ça très étrange car quand on aime quelqu'un on veut qu'il réalise ses rêves. Il était vraiment contre cette idée. Il savait pourtant que c'était son rêve. Pour moi ce n'était pas de l'amour". Au mois d'avril 2016, Nicolas Zepeda revient au Japon. La mère de la victime voit alors clair dans son jeu : "son objectif était d'empêcher le voyage de Narumi en France". "Pourquoi revient-il", demande alors Taeko à sa fille. "Il ne peut tolérer un jour loin de moi", lui répond sa fille. Une cohabitation commence alors entre les deux jeunes. Nicolas Zepeda s'installe dans le petit appartement de Narumi Kurosaki et lui dit qu'il a l'intention de s'installer définitivement à Tsukuba (Japon). "J'ai eu une réelle inquiétude", se souvient la mère de la victime, se demandant comment sa fille allait pouvoir partir en France dans de telles conditions. L'émotion s'empare d'elle à nouveau.  

A partir de ce moment-là, je me suis dit qu'il fallait que je surveille cette relation.

Taeko Kurosaki, mère de la victime

11h15 : Nicolas repart au Chili, Narumi Kurosaki le retrouve quelques temps après. "C'est Nicolas qui a financé tout le voyage. J'ai dit à Narumi que ça ne me convenait pas et qu'il fallait qu'elle participe un peu avec son argent. Elle a finalement payé ses billets d'avion", explique Taeko Kurosaki. Nicolas Zepeda l'emmène alors dans de beaux restaurants et concocte à sa petite amie un programme complet. "Narumi a vécu dans la maison où habitait Nicolas. Il m'a paru que c'était une grande résidence cossue, avec plein de portes". Cette description vient contredire les propos de Humberto Zepeda, le père de la victime, qui a tenté de défendre à la barre le premier jour le fait que sa famille vivait humblement. 

11h03 : La mère de la victime, qui s'ouvre petit à petit, raconte à présent sa première rencontre physique avec l'accusé : "La première impression que j'ai eue, je vais le dire franchement. Nous avons tous au Japon un visage relativement plat. Son visage était bien sculpté. Il m'a paru un beau garçon, agréable et gentil. Une seule chose m'a interpellée. Ce garçon ne m'a pas saluée. J'ai dû digérer ma surprise à ma façon. Je me suis dit que c'était parce que j'étais japonaise qu'il n'a pas osé me saluer". Taeko Kurosaki porte à la connaissance de la cour la manière dont sa fille était "aux petits soins" avec Nicolas Zepeda. Lors d'un repas, Taeko discute avec Nicolas par l'intermédiaire de Narumi qui traduit en anglais. Ce dernier lui parle de sa mère issue d'une famille riche. "J'étais choquée car au Japon on ne parle pas de notre famille riche", se souvient la mère de la victime, qui s'exprime désormais sans sanglot. Elle donne plusieurs exemples de différences culturelles qu'elle a pu remarquer entre le Japon et le Chili, en observant Nicolas Zepeda et sa fille. "A compter d'avril 2015, le couple avait des hauts et des bas", se rappelle la mère de famille, qui juge à ce moment-là cette situation normale pour un couple.

10h45 : "Pendant son année universitaire, en hiver, elle a fait la pire rencontre de sa vie. A l'époque j'étais très occupée. J'ai essayé de suivre la vie scolaire de mes trois filles et dans mon calepin j'avais noté tous les événements qui ponctuent leur année scolaire à savoir des examens, des festivités, d'autres manifestations... Elle a passé un an dans un foyer d'étudiants puis en mars, elle a dû le quitter, poursuit Taeko Akiyama Kurosaki, vêtue de noir. C'est là où commence sa relation avec Zepeda", avance-t-elle. Le jeune homme était également au Japon pour ses études. "Le 21 mars 2015, j'ai pris des congés afin de me libérer pour aider au déménagement de Narumi de Tsukuba. Ce jour-là, je connaissais vaguement le nom de Nicolas, Narumi m'a dit 'mon ami Nicolas veut absolument aider notre déménagement'. Narumi n'avait pas grand chose comme affaires. Elle a insisté : 'Nicolas insiste, il veut absolument venir avec nous'." Elle rapporte sa surprise quand elle a appris la relation de sa fille avec un Chilien, arrivé au Japon d'un pays "aussi lointain". "Nous attendions l'arrivée de Nicolas, mais il n'est jamais venu", explique Taeko Kurosaki, parlant d'une absence qui lui a paru "l'effet d'une différence culturelle entre les deux pays le Japon et le Chili". 

10h30 : "Elle a élargi son cercle d'amis sans aucune difficulté. Son meilleur ami était un garçon", détaille sa mère, abordant l'entrée de Narumi Kurosaki à la faculté. "Son rêve était d'aller à l'étranger pour continuer ses études, tout en pensant aux conditions financières pas compatibles avec ce rêve". Narumi Kurosaki, qui rêvait d'entrer dans une université privée, choisit finalement une université d'Etat, moins chère, celle de Tsukuba. Une séparation très difficile pour les quatre femmes, très unies. On comprend à quel point son arrivée à Besançon était la concrétisation d'un rêve pour la jeune femme. Un rêve et une vie brisés quelques mois seulement après son arrivée sur le sol français. La mère de famille fond à nouveau en larmes mais continue son récit. 

10h10 : Nicolas Zepeda, l'accusé, est assis dans son box à la droite de la mère de la victime. Il l'écoute attentivement en fixant des yeux la scène. Il semble plus fatigué que la semaine précédente. Taeko Akiyama Kurosaki continue de dresser, dans la douleur, le portrait d'une fille et d'une élève modèle, "qui se levait tôt, pour travailler un peu avant d'aller à l'école, dans l'obscurité de sa petite chambre". Elle décrit la profonde bonté de Narumi Kurosaki mais aussi son sens du sacrifice, pour une famille qui vivait avec très peu de moyens financiers. Sa mère, qui occupait trois emplois à l'époque, rapporte le désir de Narumi d'apprendre l'anglais, par tous les moyens, et son envie de participer à un séjour linguistique pour améliorer son niveau.

9h47 : Taeko Akiyama Kurosaki se souvient d'une jeune fille sérieuse et travailleuse, malheureusement harcelée à l'école par des camarades jaloux de sa réussite scolaire. "En bas âge, 7 ou 8 ans, elle avait une intelligence illimitée. Elle me disait que la personne qui lui avait craché au visage (ndlr, lors du harcèlement qu'elle subissait) pouvait avoir un côté gentil. Elle a accepté un traitement cruel de la part de certains camarades tout en essayant de trouver leurs bons côtés", rapporte sa mère. 

Elle était une grande protectrice de ses petites soeurs. 

Taeko Kurosaki au sujet de sa fille Narumi

9h35 : "J'ai perdu ma mère lorsque j'avais 21 ans. C'est trop jeune. Et je regrette toujours de ne pas avoir pu la remercier de m'avoir donné la vie. Lorsque j'ai eu Narumi, pour moi, c'était une réincarnation de ma mère. Mon désir naturel était de l'aimer et de lui donner mon amour sans compter. Je l'ai aimée avec cet amour maternel, sans limite pour transformer ma tristesse d'avoir perdu ma mère en plaisir d'élever ma fille Narumi", exprime Taeko Akiyama Kurosaki, dont le récit est entrecoupé de larmes et de sanglots. Elle raconte le bonheur d'avoir élevé Narumi, alors qu'elle n'était qu'un bébé. La douleur qui transparaît de la mère de famille est indescriptible. "Narumi m'était si chère. Je n'aimais personne comme elle. Je ne voulais pas me séparer d'elle ne serait-ce qu'un instant. Elle était un enfant adorable. Elle souriait tout le temps".

9h19 : Elle commence son propos, la voix pleine de larmes et avec un débit lent. "Depuis 2016, il y a 7 ans aujourd’hui, notre famille a pu être aidée par le concours d'une multitude de personnes dans le monde entier, qui ont apporté leur soutien et travaillé pour trouver la vérité cachée dans cette affaire et je vous en remercie de tout mon coeur", débute la Japonaise, dont les propos sont traduits en direct par un interprète. Taeko Akiyama Kurosaki s'excuse pour le dérangement causé par "cette histoire amoureuse entre ma fille chérie et cet homme". "Durant ces 7 années, il m'est arrivée de perdre complètement l'usage de ma voix. Je ne pouvais plus parler. Ce n'est que récemment que j'ai recommencé à parler mais les mots ne viennent pas facilement", poursuit-elle, tenant dans sa main un mouchoir qu'elle pose régulièrement sur sa bouche.

Je suis tombée dans une méfiance abyssale à l'égard des humains.

Taeko Kurosaki, mère de la victime

9h09 : L'audience est reprise. Taeko Akiyama Kurosaki est appelée à la barre. Elle est la mère de Narumi Kurosaki. Elle s'avance et décline son identité d'une voix contenue.  Elle est âgée de 56 ans et est sans profession. La veille, ses deux filles ont livré un récit bouleversant face à la cour. 

L'audience doit débuter vers 9h.

 

Le 7e jour du procès en appel de Nicolas Zepeda a été d'une intensité bouleversante en raison des témoignages des proches de la victime. Les deux soeurs de Narumi Kurosaki, Honami et Kurumi, ont parlé de leur douleur insurmontable face à la perte du pilier de leur famille. "Je l'ai vue vouloir sauter du balcon. Je l’ai vue se pointer un couteau de cuisine. Je l'ai vue préparer une corde. Une nuit elle a tenté de se pendre", a notamment rapporté Honami Kurosaki, la soeur de la victime, à propos de sa mère présente dans la salle. Le témoignage de cette dernière a d'ailleurs été repoussé à ce mercredi 13 décembre, en raison du retard accumulé en ce début de semaine. 

Plus tôt, ce sont les pleurs d'Arthur Del Piccolo, petit ami de la victime, qui ont touché les jurés. Le jeune homme, bien que bousculé par la défense, est resté très calme et particulièrement touchant au moment d'aborder ses derniers instants avec la victime, le 4 décembre 2016, à Besançon. "Si je n’avais pas fréquenté Narumi en septembre, ou si j'avais insisté pour la voir le dimanche 4 au soir, peut-être qu'on n’en serait pas là aujourd'hui... Peut-être qu'elle serait vivante...", a expliqué le jeune homme, qui porte toujours en lui sept ans après "une grande culpabilité", selon ses mots.

Nicolas Zepeda, qui clame depuis le début son innocence, a été condamné à 28 ans de réclusion lors de son procès en première instance, à Besançon, en avril 2022. À Vesoul, son attitude reste peu ou prou la même avec peu d'émotions visibles. Le corps de la victime n'a jamais été retrouvé malgré des années de recherches. Le Chilien risque une peine de réclusion à perpétuité. 

Découvrez le 7e jour du procès de Nicolas Zepeda, minute à minute, dans cet article.

ARCHIVES. De la disparition de Narumi Kurosaki à la condamnation en première instance de Nicolas Zepeda pour assassinat :

Du 4 au 22 décembre 2023, suivez en direct les débats en cours à l'intérieur de la salle d'assises du procès en appel de Nicolas Zepeda à Vesoul. Rendez-vous chaque matin sur l'article "DIRECT" de notre site internet.

Retrouvez tous nos articles au sujet de l'assassinat de Narumi Kurosaki.

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