Nicolas Zepeda est jugé devant la cour d'appel de Vesoul (Haute-Saône) depuis le 4 décembre 2023. Il est accusé de l'assassinat de son ex-petite amie Narumi Kurosaki en 2016 à Besançon. Revivez les plaidoiries et les réquisitions en ce 12e jour de procès.
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L'audience est suspendue jusqu'à jeudi 9h. Le dernier mot sera laissé à l'accusé, puis la cour se retirera pour délibérer. Le verdict est attendu en milieu de journée.
17h24 : "Nicolas, je voudrais m'adresser à vous. Pas au jeune homme qui est dans l'assurance, j'aimerais parler à ce gamin seul, perdu, qu'on a vu jeudi lorsqu'il parlait de ses conditions de détention. Vous lui direz que je suis désolé, que je suis désolé. Que mes nuits sont hantées de ces mots. Vous lui direz que j'ai tout tenté pour le ramener. Vous lui direz ma peine, mon sentiment d'échec. Vous lui direz que je renouvelle ma promesse. Le bout, c'est pas demain Nicolas. Jusqu'au bout avec vous, quoi qu'il se passe", en termine Me Portejoie.
17h21 : "Vous l'acquitterez. Je vais plaider l'acquittement. Bien sûr vous allez l'acquitter. Peu importe qu'il y ait du monde", développe Me Portejoie, qui juge que "l'accusation manque d'humilité". Comme Me Cormier avant lui, il reprend des éléments du dossier pour appuyer sa démonstration, très théâtralisée. "23h-3h, j'en sais rien de ce qu'il se passe [dans la chambre de la victime]. Par contre personne ne parle de cris d'une dispute. On n’entend rien de cet ordre de là." Il hurle au milieu de la salle d'audience "Nicolas arrête !", mimant ce que la victime aurait pu crier pour tenter de stopper l'attaque de l'accusé. Il demande aux jurés s'ils ont essayé de s'étrangler en criant. "C'est abject mais je ne m'interdis rien". "L'étranglement ne tient pas. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?". Me Portejoie s'aventure sur la piste d'une chute accidentelle, à la suite d'une dispute entre les deux jeunes. Nicolas Zepeda aurait pu pousser la victime qui aurait pu se taper la tête contre le radiateur et décéder à la suite d'un traumatisme crânien. "Si c'est le cas, vous acquittez car il serait auteur de violences volontaires sans intention de donner la mort." L'avocat ne croit pas au meurtre à main nue.
17h : "Ma parole est libre. Il y a des zones d'ombre sur lesquelles on ne peut pas tirer un trait. La force d'une défense c'est de savoir se départir d'un carcan familial, procédural. J'entends partout depuis le début que je suis cette procédure que le nerf de la guerre réside dans la relation père-fils. J'ai posé la question au père. On a entendu la réponse. Vous avez imaginé qu'il y avait eu un téléguidage ? Personne n'a été prévenu. Ma parole est libre", justifie Me Portejoie, dans un style très différent de celui de son confrère Me Sylvain Cormier. Me Renaud Portejoie s'attaque désormais à la notion de préméditation. "On ne prévoit pas de tuer son ex-petite amie dans une chambre universitaire".
Nous sommes l'incarnation du doute, mais aussi de l'accusé et de sa parole. Je doute de vous monsieur Zepeda, comme [les jurés] doutent de vous.
Me Portejoie, avocat de Nicolas Zepeda
16h50 : Me Portejoie s'adresse frontalement aux jurés. "Bien sûr, vous en parlerez des années de ce procès. C'est le procès de votre vie ! Se prononcer, une voix, une voix, une voix..." énumère-t-il, pointant du doigt chaque juré. "Votre décision vous engage demain, mais aussi votre vie durant. Vous êtes le peuple juge". Il se tourne ensuite vers Nicolas Zepeda, assis dans son box. "Vous ne nous avez pas aidés", dit-il. "Votre façon de vous exprimer est incompréhensible, génératrice d'agacement. [Vous répondez] toujours à côté de la plaque. Les amalgames font partie de l'être humain". Nicolas Zepeda sourit lorsque son avocat s'adresse à lui directement et rappelle les conditions de leur rencontre, il y a plus d'un an. "Je vous ai fait la promesse d'être avec vous jusqu'au bout", dit Me Portejoie en regardant son client. Nicolas Zepeda pleure en silence.
16h47 : L'audience reprend. Me Portejoie, deuxième avocat de Nicolas Zepeda, débute sa plaidoirie. "Monsieur l'avocat général réclame la réclusion criminelle à perpétuité contre Nicolas Zepeda, le lendemain même de la décision prononcée contre Monique Olivier ! Comment pouvez-vous vous aligner sur la peine prononcée contre la complice de l'ogre des Ardennes ?! Enlèvement, meurtres, viols sur des gamines et des jeunes femmes ! Et vous nous dites, vous ferez pour Nicolas Zepeda comme ce qui a été fait pour Monique Olivier. Comment voulez-vous que les jurés comprennent ?", tonne Me Portejoie qui commence sa plaidoirie. L'avocat de Clermont-Ferrand n'a même pas besoin de parler au micro tellement il parle fort. "Ce n'est pas l'accumulation de preuves qui fait la peine, ce sont les faits, la personnalité du mis en cause. Expliquez-moi !", lance Me Portejoie s'appuyant également sur l'affaire Viguier. Il parle ensuite de l'affaire de la petite Fiona, battue à mort par ses parents. C'est une affaire dans laquelle il est intervenu en qualité d'avocat de Cécile Bourgeon, la mère. Cette dernière a été condamnée à 20 ans de réclusion.
L'audience est suspendue 10 minutes.
16h16 : Me Cormier en vient aux recherches du corps de la victime au sud de Dole. "La forêt de Chaux et les environs deviendraient la forêt amazonienne... Comment fait [Nicolas Zepeda] pour s'enfoncer dans la forêt de Chaux avec 60 kilos à porter ? On ne sait même pas s'il en est capable physiquement. Et comment sort-on avec une valise de 60 kilos sans que personne ne nous entende ? C'est le signe d'une fébrilité de l'accusation !", tonne Me Cormier. "On enquête, on vérifie ! On n'a pas le droit de demander perpétuité parce qu'on a regardé la presse !", s'emporte Me Cormier face à la cour. L'avocat de Nicolas Zepeda plaide avec force l'erreur judiciaire. Étienne Manteaux, avocat général, enlève ses lunettes d'un geste brusque et fixe l'avocat lyonnais, en fronçant les sourcils. Selon Me Cormier, le corps de Narumi Kurosaki n'a pas pu disparaître "comme ça", supposant qu'il ait été jeté dans la rivière. Il fait un parallèle avec le corps des "pauvres migrants" qu'on retrouve sans vie sur les plages de Lampedusa, en Italie. Il en termine en citant lui aussi Victor Hugo .
16h04 : Concernant les cris entendus dans la nuit du 4 au 5 décembre 2016, Me Cormier s'étonne qu'aucun étudiant n'ait appelé la police. "Aucun témoin ne désigne la chambre 106 comme la provenance des cris. A-t-on vérifié ? A-t-on fait des expertises sonores ? Non". "Ce dossier rend fou, il vous a rendu fou monsieur l'avocat général", lance Me Cormier à Etienne Manteaux. Me Cormier en arrive au cas d'Arthur Del Piccolo, petit ami de la victime au moment de sa disparition. Il tente d'instiller une idée dans la tête des jurés : l'attitude du petit ami a été suspecte depuis le début et c'est lui qui a voulu faire condamner Nicolas Zepeda. "Où est-ce que ça s'est passé ? S'il y avait eu quelque chose dans la chambre 106, ce serait un lieu dévasté. Le corps humain est terriblement difficile à faire disparaître. Je ne crois pas à la magie. Les assassins qui nettoient leur scène de crime se font attraper, il reste toujours une trace. On ne peut pas massacrer quelqu'un dans une chambre universitaire sans laisser la moindre trace, c'est impossible", contredit l'avocat lyonnais, opposant une nouvelle fois sa version à celle de l'avocat général.
15h45 : Après l'attaque à l'encontre de la mère de Narumi Kurosaki, Me Cormier s'en prend à la démonstration de l'avocat général, qui, selon lui, a commis plusieurs erreurs dans sa démonstration lors des réquisitions "durant un numéro d'équilibriste". Certains faits avancés comme des preuves n'en sont pas, selon lui. "On suit Nicolas Zepeda à la trace, plusieurs fois par minute. Ce serait un drôle d'assassin, qui se montre et qui, en plus, parlerait de son projet". Si son client était coupable, il se serait caché et aurait mieux organisé son périple. "Ce n'est pas le comportement d'un assassin." Selon Me Cormier, les achats faits par son client n'ont pas servi et le dossier le prouve. Le repas pris au restaurant à Ornans la nuit de la disparition prouve que la notion de préméditation "ne peut pas survivre". "L'assassin Zepeda qui projette son crime, fait des commentaires Booking sur la nuit qu'il passe à l'hôtel. Non, c'est une blague ?!"
15h23 : "Si je place quelqu'un dans ce box, vous serez pitoyables. Un accusé est toujours pitoyable. Vous raconterez n'importe quoi si vous étiez dans ce box", dit-il, citant l'affaire Patrick Dils, qui avait avoué le meurtre de deux enfants, avant d'être finalement blanchi, victime d'une des plus grandes erreurs judiciaires en France. "Oui, un accusé peut mentir, peut se tromper. Il faudra avoir la rigueur d'analyse des preuves", lance-t-il, avant d'aborder un sujet qu'il juge "difficile". Il s'excuse d'avance auprès des parties civiles. "Je ne peux pas vous dissimuler des choses qui m'ont mises mal à l'aise lorsque j'ai entendu les parties civiles. On les a entendues 11 heures, c'est inédit. Je me suis agacé à un moment. La douleur des victimes ne doit pas occulter le débat : est-ce le bon coupable ?" L'avocat lyonnais s'en prend clairement aux parties civiles, déjà bien éprouvées tout au long de ce procès. Selon lui, la mère de Narumi Kurosaki "emmure ses filles dans un carcan", elle qui a tenu "une oraison funèbre à la barre". Il sous-entend même que la mère de la victime a entraîné ses filles dans des rituels d'automutilation, pour percevoir la douleur de Narumi Kurosaki. Pour rappel, les filles et la mère ont fait état de tentatives de suicide à la barre. L'avocat lyonnais défend la thèse de la disparition de la victime pour fuir la pression familiale. Me Galley, avocate des Kurosaki, se lève pour aller s’asseoir près de ses clientes.
Les éléments matériels font défaut. C'est un des problèmes de ce dossier. Pour condamner, il faut des preuves.
Plaidoirie de Me Cormier, avocat de Nicolas Zepeda
15h04 : L'audience reprend. Me Cormier, avocat de Nicolas Zepeda, s'avance à la barre pour plaider. "Je vais être direct avec vous. Ce qu'on vous demande c'est quasiment une mission impossible. On vous demande de juger en respectant la présomption d'innocence. Nous sommes incapables de respecter cette présomption d'innocence dans nos vies [courantes]", commence l'avocat lyonnais, avant de s'en prendre aux médias au sens large du terme, qui ont inventé la "présomption de culpabilité". "Ils disent présumé meurtrier", s'étonne Me Cormier, tout en défendant "le respect de la présomption d'innocence, et le rappel que le doute doit profiter à l'accusé".
13h27 : L'audience est suspendue. Elle reprendra vers 15h, avec les plaidoiries des avocats de la défense.
13h25 : Etienne Manteaux rappelle que Nicolas Zepeda, dont l'absence d'empathie pour la famille de la victime est criante, encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Il demande une grande sévérité aux jurés au regard de l'attitude de l'accusé tout au long de son parcours judiciaire. Il requiert que Nicolas Zepeda soit reconnu coupable de l'assassinat de Narumi Kurosaki et qu'il soit condamné à la peine maximale encourue, c'est-à-dire à une peine de réclusion criminelle à perpétuité. Pour rappel, l'avocat général avait requis la même peine lors du procès en première instance.
13h20 : "Si pour autant, vous veniez à douter de la préméditation, vous constaterez qu'il a vécu en couple avec Narumi Kurosaki. Vous devrez retenir à défaut celle du meurtre commis par ex-concubin qui fait encourir la même peine que l'assassinat", complète Etienne Manteaux. "Le terme féminicide qui n'a pas de valeur juridique n'a été que très peu prononcé pendant ce procès mais [c'est un féminicide]. Condamner des individus qui nient les faits c'est notre quotidien de magistrat. Nous voyons régulièrement des menteurs en tout genre, habiles ou lamentables. Les aveux auraient aidé la famille à avancer dans leur travail de deuil. Comme lors du premier procès, je tiens à m'incliner devant vous madame Kurosaki et devant vos filles présentes à vos côtés. Votre courage et votre dignité forcent le respect". Selon l'avocat général, qui demande aux jurés de prendre leur temps pour analyser toutes les preuves, l'accusé a fait le choix "délibéré de s'enfermer et de s'enferrer dans le déni".
13h13 : "Cette détresse, c'est celle de l'assassin qui vient de tuer l'être aimé", explique l'avocat général, en référence au moment où l'accusé s'est rendu au 4e étage, dans la cuisine de la résidence universitaire, le 5 décembre à la tombée de la nuit, "pour respirer un instant, et pour pleurer", après avoir tué son ex-petite amie. Puis, la scène "sidérante", devant la chambre de la victime quelques heures plus tard, alors que ses amis l'attendent et que Nicolas Zepeda est dans cette chambre, de l'autre côté de la porte, avec le corps sans vie de Narumi Kurosaki. "C'est à ce moment-là qu'on mesure l'intelligence de Nicolas Zepeda. Arthur Del Piccolo reçoit un message du compte de Narumi qui lui dit qu'elle a rencontré un autre homme". Étienne Manteaux souhaite que les jurés répondent par l'affirmative à la notion de préméditation, notamment parce qu'il y a eu l'achat de combustible, d'un produit nettoyant et des allumettes. Autre élément : le long détour que fera l'accusé au sud de Dole, 50 minutes puis 30 minutes d'arrêt. "C'est dans cette même zone qu'il se rend après avoir quitté la chambre de Narumi le 6 décembre". Nicolas Zepeda a-t-il abandonné le corps dans la forêt près de Dole ou l'a-t-il jeté à l'eau dans la rivière ? Ce sont deux hypothèses défendues par Etienne Manteaux, sans pouvoir en choisir une plus que l'autre. "Chaque année en France, plus de 100 personnes disparaissent, souvent après des suicides, sans qu'on ne retrouve jamais leur corps. Seul Nicolas détient la réponse à la question de la localisation du corps de Narumi Kurosaki".
12h56 : "Lui seul sait où est le cadavre. Elle est à lui pour l'éternité. Il lui écrivait (ndlr, à Narumi), je cite : 'tu seras toujours mon trésor'", déclare Etienne Manteaux. Même s'il a envisagé de tuer Narumi, ce n'est pas un meurtrier d'habitude. Le fait de tuer un être humain est particulièrement traumatisant. Il a sûrement dissimulé le corps de Narumi dans la valise, avant que n'intervienne la rigidité cadavérique. Il va attendre pour s'enfuir avec le corps de Narumi sans être vu de quiconque".
12h46 : Voilà plus d'une heure que l'avocat général développe ses réquisitions face à la cour. "Elle l'a aimé, cela ne fait aucun doute. Elle doit être touchée quand elle le voit le 4 décembre. Touchée qu'il ait traversé l'Atlantique pour la voir", dit Etienne Manteaux, avant de se questionner sur l'accord qu'a donné Narumi Kurosaki à l'accusé pour qu'il monte dans sa chambre d'étudiante de 9m², après leur dîner au restaurant à Ornans. "Elle l'a certainement invité car il a dû lui faire pitié". L'accusé, situé juste en face de l'avocat général à une dizaine de mètres, écoute et lève parfois les sourcils avec un léger sourire en coin. Il continue à prendre énormément de notes.
12h42 : "Pourquoi un jeune homme sans passé pénal, issu d'une famille aisée, citoyen du monde visitant plusieurs pays chaque année, a-t-il pu décider de tuer sa petite amie ? Il faut se reporter aux analyses de la psychologue. [...] Possession de l'autre, domination de l'autre. Il entend imposer à Narumi sa vision de la femme, qui doit être agréable avec le mâle dominant", relate Etienne Manteaux, rapportant la jalousie à l'excès de l'accusé, jalousie exacerbée par le départ en France de la victime puis par le constat qu'un autre homme est apparu dans la vie de Narumi Kurosaki.
Il tente de dresser Narumi pour qu'elle devienne une bonne femme.
Réquisitions d'Etienne Manteaux, avocat général
12h32 : Mêmes interrogations concernant la manière dont a été tuée Narumi Kurosaki dans la chambre 106, le 5 décembre 2016. " Nous disposons d'éléments. Des bruits de choc, de boum, ont été entendus. Narumi Kurosaki s'est défendue. Adrien L. nous a dit à la barre qu'il avait entendu un long râle. C'est le bruit que fait une femme en train d'être étranglée". Nicolas Zepeda est toujours stoïque. Il fixe l'avocat général. Il ne laisse apparaître aucune émotion sur son visage. "La crédibilité de la parole de Nicolas Zepeda est anéantie. Il a tellement menti", poursuit l'avocat général, en regardant régulièrement l'accusé, convaincu de sa culpabilité dans la mort de Narumi Kurosaki. "C'est Nicolas Zepeda qui a maintenu l'illusion que Narumi Kurosaki était en vie (ndlr, en prenant le contrôle de ses réseaux sociaux), pour éviter d'être inquiété pendant qu'il était encore en Europe. Cela ne fait aucun doute". Le fait que Nicolas Zepeda n'a absolument pas contacté la victime après qu'il est parti de France est un aveu de culpabilité pour le magistrat. "On vous dira que", "la défense vous dira", anticipe Etienne Manteaux qui continue à développer son argumentaire pour convaincre les jurés du bien-fondé de l'accusation portée contre le Chilien.
12h14 : "Les zones d'ombre qui subsistent empêchent-elles de condamner ? Bien sûr que non ! Ce serait donner un blanc-seing aux meurtriers intelligents", lance Etienne Manteaux, qui a retrouvé trace de quatre affaires dans lesquelles les accusés ont été condamnés en l'absence de corps. L'avocat général commence ensuite une démonstration détaillée des éléments pouvant convaincre les jurés de la culpabilité du Chilien. Il reprend chaque point, pas à pas, à commencer par l'impossibilité d'une disparition volontaire de la victime. "Ce qui permet de dater la mort de la victime ce sont les cris entendus (ndlr, par 12 témoins) dans la résidence Rousseau dans la nuit du 4 au 5 décembre, à partir de 3h20." Étienne Manteaux revient sur le grand silence, entendu juste après les cris. Ce silence qui a permis aux étudiants témoins de se rassurer et de se rendormir, sans prévenir la police, loin de réussir à imaginer l'horreur réelle qui était en train de se produire chambre 106.
11h50 : "Dans ce dossier ce qui est frappant, c'est que plus les enquêteurs ont investigué, plus ils ont trouvé d'éléments à charge contre Nicolas Zepeda. Dans ce dossier, tout, j'insiste tout, ramène à l'implication de Nicolas Zepeda dans la mort de Narumi Kurosaki", dit Etienne Manteaux. Les accusations de la famille Zepeda contre le sérieux de l'enquête française sont totalement infondées, selon l'avocat général. Le magistrat revient en détail sur les investigations menées par la police, et exposées durant ce procès depuis 12 jours et sur les vérifications faites concernant Arthur Del Piccolo. Il aborde le cas de ces deux femmes asiatiques, prises pour Narumi Kurosaki par des témoins, vues à Besançon mais aussi en Lorraine. Mais qui n'étaient évidemment pas la victime. "Monsieur Nemeri est un complotiste caricatural. Tout le monde a compris que c'était un mythomane", dit l'avocat général au sujet du témoin intervenu à la barre à la demande de la défense, pour raconter des inepties au 4e jour du procès et faire croire que Narumi était encore vivante. La famille Zepeda est prête à tout, pour tenter de restaurer l'honneur bafoué de la famille".
Toutes les pistes ont été exploitées avec le plus grand sérieux.
Etienne Manteaux, avocat général
11h32 : L'audience reprend avec les réquisitions de l'avocat général Etienne Manteaux. Il représente le ministère public, c'est-à-dire les intérêts de la société. "Je m'efforcerai d'être impartial. Le procureur, en France, est un magistrat qui doit protéger les libertés individuelles. Et ce ne sont pas que des mots. C'est avec une certaine émotion que je prends la parole devant vous. Cette procédure est exceptionnelle à plusieurs titres. Je porte une accusation d'assassinat contre Nicolas Zepeda alors que le corps de la victime n'a jamais été retrouvé", débute Etienne Manteaux. Il est presque miraculeux que ce procès ait pu se tenir en présence de Nicolas Zepeda." L'avocat général réexplique les conditions de l'extradition du Chilien.
L'audience est suspendue une vingtaine de minutes.
11h06 : "Est-ce qu'il a commis le crime parfait ? Non, dieu merci, nous ne serions pas là aujourd'hui", poursuit Me Galley, qui plaide de manière particulièrement émouvante, depuis plus d'une heure. C'est plus qu'en première instance à Besançon, en avril 2022. Elle rapporte le moment où les enquêteurs ont annoncé à la famille de Narumi qu'elle était morte et qu'elle ne serait pas retrouvée. "Je me suis demandée comment rendre hommage à Narumi. Je me suis demandée ce qu'il y aurait de plus beau pour elle, qui aimait tant Besançon, que de citer Victor Hugo, qui y est né. Victor Hugo avait subi la tragédie épouvantable de perdre sa fille Léopoldine, noyée dans la Seine". Elle conclut sa plaidoirie par la lecture du poème "Demain dès l'aube".
10h50 : "Quand Nicolas Zepeda met le corps de Narumi Kurosaki dans la valise, est-ce qu'il sait si elle est morte ou pas ?", interroge l'avocate en référence aux questions glauques posées par l'accusé à son cousin médecin concernant le temps qu'il faut pour mourir. "Je suis rentrée dans cette chambre 106, avec toutes les affaires de Narumi", rapporte Me Galley. "On dirait que la vie s'est arrêtée dans cette chambre. Il y a quelque chose de l'ordre de l'indicible. Il n'y a qu'une personne qui y est entrée avec une absence totale d'émotion c'est Nicolas Zepeda (ndlr, lors de la reconstitution). Froid, implacable, rien, pas une émotion". "Il va rester plus de 24 heures dans une chambre avec un cadavre. Il en faut de la froideur pour organiser un départ. Mais il tombe sur les amis de Narumi Kurosaki (ndlr, devant la porte de sa chambre". Le Chilien fera parler numériquement quelqu'un qui est mort, la victime, pour lui permettre de prendre la fuite, de charger son corps dans la voiture et de s'en débarrasser. Comment ? Il y a des pistes selon Me Galley. "Il dépose son corps en forêt ? Il la sort de la valise ? Il met le feu à la valise ? Il a tout ce qu'il faut. Nicolas Zepeda va repartir allégé d'un point extraordinaire (ndlr, de Besançon). Il parle à toutes les personnes qu'il va rencontrer, la dame de Rentacar, la réceptionniste de l'hôtel. Il a un comportement normal".
Il n'y a absolument plus aucune chance que ce corps soit découvert. C'est terrible. Madame Kurosaki m'a dit : 'qu'il continue à mentir sur ce qu'il s'est passé, moi tout ce que je veux c'est savoir où elle est. Je suis prête à entendre tous les mensonges, mais je veux savoir où elle est'.
Me Galley, avocate de la famille Kurosaki
10h43 : La nouvelle version de l'accusé concernant la rencontre sur le campus de Besançon, jugée "romanesque" entre lui et Narumi, Me Galley n'y croit pas un seul instant. "Cette version est totalement incohérente avec la réalité factuelle. [...] De qui se moque-t-on ? Nicolas Zepeda ne recule devant rien." L'accusé, toujours aussi sûr de lui, prend des notes, comme depuis le début de son procès et secoue la tête en guise de protestation face à certains propos de Me Galley et notamment quand elle aborde la soirée au restaurant à Ornans. Elle en vient ensuite à la chambre 106, celle de la victime. "Nous avons plusieurs certitudes. Il y a les cris. Pour Nicolas Zepeda, ils sont trop difficiles à expliquer. Il va couvrir ces cris par cette prétendue relation sexuelle. Il va dire, une relation sexuelle bruyante mais en sourdine. C'est indigne", analyse l'avocate. "Est-ce que Narumi a souffert ? Oui. Beaucoup. Longtemps. Est-ce qu'elle a compris qu'elle allait mourir ? Est-ce qu'elle a regardé Nicolas Zepeda, est-ce qu'elle s'est débattue ? Est-ce qu'elle a espéré que ces cris allaient attirer l'attention de quelqu'un ?, énonce lentement l'avocate, face aux jurés et à la cour. Ces questions appartiennent à la résilience d'une mère qui va devoir vivre avec ça. Parce qu'un accusé, dans la toute puissance qui est la sienne détient les réponses et ne nous les livre pas."
10h22 : L'avocate des Kurosaki en vient aux achats jugés "débiles" par l'accusé : inflammable, détergent, allumettes. "Nous servir cette excuse de l'essence, c'est presque injurieux. On se rend compte à quel point il pousse l'extrémité du mensonge pour essayer d'enrober cela sous des affirmations totalement improbables", dit Me Galley, avant de poursuivre. "Le témoignage de Nadia W. (ndlr, l'étudiante qui l'a vu dans la cuisine de la résidence en pleurs) dérange vraiment Nicolas Zepeda. Elle a le courage de le regarder et de lui dire : 'C'est vous que j'ai vu monsieur Zepeda'. Ce témoignage-là ennuie beaucoup Nicolas Zepeda, non pas parce qu’il est identifié mais parce que cette scène-là va avoir lieu une fois qu'il aura tué Narumi et que, submergé par l'acte qu'il a commis, oui il se terre dans cette cuisine et oui il exprime ce débordement émotionnel".
10h08 : L'audience reprend avec la poursuite de la plaidoirie de Me Galley. "Madame Kurosaki est très embarrassée par cette interruption mais l'émotion est trop forte", reprend l'avocate. Elle en revient à la rupture entre les deux jeunes le 8 octobre 2016. Elle aborde la "rumination obsessionnelle, compulsive de l'accusé", en voyant son ex-petite amie s'épanouir en France et en constatant qu'Arthur Del Piccolo a pris sa place. Le Chilien réserve ensuite un billet aller-retour pour se rendre en France, "dans le secret". "Il finira par admettre que ce voyage il le fait pour Narumi. Il loue une voiture, il a une heure de route, et il vient s'arrêter sur le parking juste à côté du bâtiment Rousseau. Les investigations vont montrer qu'il va immédiatement sortir de son véhicule et quelques minutes après on le voit rôder sous les fenêtres de Narumi Kurosaki. Il passe, il repasse sous ses fenêtres. Il prend des repères. Ces vidéos sont terrifiantes, car je me dis que Narumi est là, elle ne le voit pas. Elle dort paisiblement, elle ignore tout de ce qu'il va lui arriver. Quatre jours après, elle va mourir".
Cette rupture est salvatrice mais elle causera sa mort.
Plaidoirie de Me Galley
9h35 : L'audience est suspendue en urgence quelques minutes. La famille de Narumi pleure à chaudes larmes. La mère est effondrée. Ses deux filles la contiennent difficilement. Arthur Del Piccolo tente aussi de lui apporter son aide. Me Galley s’excuse auprès de la famille, avant que la mère de Narumi, enveloppée dans un châle noir, détruite par la douleur, soit évacuée de la salle entourée de ses proches.
9h30 : Selon Me Galley, Nicolas Zepeda a eu besoin de contrôler tout ce que faisait la victime. Concernant le pardon, l'accusé en "fait un usage immodéré". " Tu as commis des fautes et il faut que tu t'excuses. Tu te comportes mal", dira le Chilien à la victime dans un message, et dans d'autres. "Narumi passe son temps à essayer de le rassurer, à lui demander pardon. Ce qui a pu à mon sens la faire basculer et lui faire comprendre à quel point elle était dans une situation insoutenable c'est cette vidéo qu'elle va recevoir". Narumi commence à paniquer et à comprendre que cette relation est toxique. La rupture du 8 octobre devient "salvatrice, mais malheureusement on sait qu'elle n'est pas seulement salvatrice, elle va lui coûter la vie". Peu de temps après elle rencontre alors Arthur Del Piccolo, l'opposé de Nicolas Zepeda. Nicolas Zepeda l'écoute attentivement depuis son box, avec toujours cet air détaché et confiant.
9h20 : C'est à l'époque où a été prise la photo diffusée publiquement dans la salle que Narumi Kurosaki a rencontré Nicolas Zepeda. "Il ne lui restait alors plus qu'un an et demi à vivre". "L'histoire de Narumi est l'essence même d'un féminicide. Elle représente tout ce que ce terme peut englober. Victime d'emprise, victime d'être trop libre, trop indépendante. Elle était portée par un désir incroyable, une volonté d'un accomplissement personnel, de réaliser ses rêves, et son rêve à elle c'était de venir étudier en France", poursuit l'avocate de Besançon. "Lui jaloux et possessif, qui a une très haute opinion de lui-même", dit-elle au sujet de l'accusé tout en contant les débuts de l'histoire entre Narumi Kurosaki et Nicolas Zepeda. Jusqu'au départ de la victime pour la France fin août 2016, et une première rupture "utilitaire" entre les amoureux. "Il exerce sur elle une pression insoutenable. Elle qui souffle, qui vit dans la liberté, et il y a ce comportement qui est destiné à vous faire sentir illégitime dans votre choix, à vous faire culpabiliser. On est dans un contrôle total de l'autre, voire dans la négation de l'autre". L'avocate des parents de la victime égrène les conditions imposées par Nicolas Zepeda à Narumi : "Tu ne seras pas méchante, tu ne diras jamais un mauvais mot, tu ne négocieras jamais plus quoi que ce soit... etc. L'autre n'est plus un sujet, il est un objet. Les conditions vont [ensuite] se durcir".
9h06 : L'audience reprend avec la plaidoirie de Me Galley, avocate de la famille de Narumi Kurosaki. L'avocate s'avance à la barre, alors qu'une photo de la victime en habits traditionnels japonais est projetée sur l'écran de la salle d'audience. "J'ai envisagé mille et une façons de débuter cette plaidoirie. [...] Narumi sera à jamais synonyme d'un deuil impossible et d'une douleur perpétuelle. Sans aveux et sans corps, elle laisse une famille dans un état de détresse absolue. Nicolas Zepeda est la dernière personne à avoir vu Narumi vivante, mais il est aussi la première personne et la seule à l'avoir vue morte et pour cause, puisque c'est lui qui l'a assassinée", commence-t-elle. Dans ce dossier, c'est une douleur pour un parent qui est insoutenable, je pense la pire douleur à surmonter lorsque l'on est parent."
L'audience doit débuter vers 9h.
Toujours autant de monde devant la porte du palais de justice pour le 12e jour du procès en appel de Nicolas #Zepeda à #Vesoul. Les plaidoiries et les réquisitions ont lieu aujourd’hui. À suivre par ici : https://t.co/p2OTPJvv9f pic.twitter.com/1eUDrHkIFS
— Sarah Rebouh (@srebouh) December 20, 2023
Le 11e jour du procès en appel de Nicolas Zepeda a permis l'interrogatoire du Chilien par les avocats des parties civiles, mais aussi par l'avocat général Etienne Manteaux, particulièrement déterminé à mettre en lumière les "mensonges" de l'accusé. Ce dernier a changé de version par rapport aux déclarations faites lors du premier procès, mais aussi par rapport à ses dépositions auprès des multiples enquêteurs qui l'ont entendu depuis 2017. Me Schwerdorffer, avocat d'Arthur Del Piccolo, petit ami de Narumi Kurosaki au moment de sa disparition, s'est lancé ensuite dans une plaidoirie de près d'une heure, soutenant l'hypothèse d'une mort par étranglement ou asphyxie, suivie d'un transport du corps de la victime dans sa valise, cette dernière n'ayant pas été retrouvée dans la chambre universitaire de l'étudiante japonaise. "Nicolas ne pleure que quand on parle de lui. Aucune émotion pour son ancienne petite amie, qu'il aimait tant. C'est impressionnant monsieur Zepeda , je vous ai regardé. J'ai rarement vu quelqu'un mentir avec autant d'aplomb dans une salle d'audience", a-t-il conclu, avant que l'audience ne soit levée pour la journée.
► (Re)lire le déroulé du 11e jour de procès en appel de Nicolas Zepeda.
Nicolas Zepeda, qui clame depuis le début son innocence, a été condamné à 28 ans de réclusion lors de son procès en première instance, à Besançon, en avril 2022. Il est accusé d'avoir assassiné Narumi Kurosaki, une étudiante japonaise de 21 ans, qui était son ex-petite amie au moment des faits. À Vesoul, son attitude reste peu ou prou la même, avec peu d'émotions visibles, hormis quand il s'agit d'aborder sa situation personnelle. Le corps de la victime n'a jamais été retrouvé malgré des années de recherches. Le Chilien risque une peine de réclusion à perpétuité. Il continue à nier son implication. Le verdict de ce deuxième procès doit intervenir ce mercredi soir ou jeudi dans la journée.
ARCHIVES. De la disparition de Narumi Kurosaki à la condamnation en première instance de Nicolas Zepeda pour assassinat :
Du 4 au 22 décembre 2023, suivez en direct les débats en cours à l'intérieur de la salle d'assises du procès en appel de Nicolas Zepeda à Vesoul. Rendez-vous chaque matin sur l'article "DIRECT" de notre site internet.
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