"Je ne reconnais pas ma fille" sanglote la mère de Camille, 20 ans, accusée d'avoir tué Théo lors d'un rendez-vous amoureux

Jeudi 12 septembre, experts psychiatriques et proches de Camille Anguenot étaient appelés à la barre de la cour d'assises de Haute-Saône pour brosser la personnalité de la jeune femme, accusée du meurtre de Théo Decouchant en 2021. Un expert a conclu à l'altération du discernement.

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"Il y a deux Camille, celle de la vie réelle et celle des réseaux sociaux". Jeudi 12 septembre 2024, au tribunal de Vesoul (Haute-Saône), la cour d'assises a passé au crible la personnalité de Camille Anguenot, jugée pour le meurtre de Théo Decouchant, un prétendant dont elle avait caché le cadavre dans un placard. Dans ce troisième jour de procès, les membres de la famille de Camille et les experts psychologiques étaient attendus à la barre.

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La jeune femme, âgée de 20 ans, avait raconté mercredi 11 septembre devant la cour la nuit du meurtre de Théo Decouchant, 23 ans, et son passage à l'acte, le 29 novembre 2021.
Ce soir-là, elle invite ce prétendant à passer la soirée chez elle, dans une petite commune de Haute-Saône, entre Vesoul et Besançon.

"Monde virtuel et monde réel" 

Elle repousse ses avances, mais ils s'endorment ensemble dans son lit. Dans la nuit, elle est réveillée par ses caresses, qu'elle repousse encore. Après une rapide discussion, elle saisit alors un couteau de cuisine, le poignarde au ventre, avant d'aller chercher une cordelette dans sa chambre pour revenir et l'achever. "Le seul moment où elle dit non, elle a en face d'elle quelqu'un qui ne l'entend pas", analyse son avocate, Me Catherine Bresson. "Il y a deux Camille : celle de la vie réelle et celle des réseaux sociaux", où elle s'est créé une vie reluisante et se délecte des "clics" de ses followers.

Ce soir-là, "la Camille qui ne vit que pour les réseaux sociaux et pour les autres (...) se prend en face la réalité : je suis une fille facile", poursuit l'avocate qui voit ici une possible raison du passage à l'acte. "Ce n'est pas un peu facile de dire : "Oui j'ai commis l'irréparable, oui j'ai tué un homme, mais c'est parce que j'ai confondu le monde virtuel et le monde réel ?" interroge en retour l'avocat général Me Arnaud Grécourt.

Pour l'avocat général, un crime crapuleux


Celui-ci souligne les éléments allant dans le sens d'un crime crapuleux, commis par cette jeune femme de 18 ans à l'époque cherchant à tout prix un véhicule et de l'argent pour aller rejoindre un amant à Bordeaux. Le lendemain du meurtre, même si elle n'a pas le permis de conduire, Camille Anguenot prend la voiture de sa victime et sa carte bleue pour faire de nombreux achats et se rendre à Bordeaux.

Elle continue ensuite sa vie comme si de rien n'était. Elle dit vouloir fuir, mais un accident de voiture met un terme à sa cavalcade et elle rentre finalement chez elle, où la police, alertée par la mère de Théo Decouchant, débarque une semaine après le meurtre et découvre le corps du jeune homme emballé dans des sacs-poubelle, caché dans un placard à balais.

"Égocentrisme et vénalité"

Au moment du meurtre, "c'est une adolescente loin d'être mature, nourrie aux réseaux sociaux" et qui a "une fascination pour l'image qu'elle renvoie d'elle-même", relève le docteur psychiatre Sylvain Alexis. "On voit ça souvent chez les très jeunes, qui sont de plus en plus taraudés par l'envie et qui aiment se montrer, avec des stories".

Tout ce que ce phénomène (des réseaux sociaux) provoque chez des adolescents et des pré-ado est terrible.

Sylvain Alexis,

docteur psychiatre


Lors de son échange avec Camille Anguenot, elle lui a dit avoir ressenti un "soulagement" au moment de son arrestation, "comme si la réalité avait repris le dessus, arrêtant sa fuite mortifère". L'expert psychiatre a conclu à "l'altération du discernement" de la jeune femme au moment des faits. Il décrit une accusée "borderline" présentant des "traits psychopathiques et pervers", faisant preuve "d'égocentrisme et de vénalité".

Pour le deuxième psychiatre, pas d'altération du discernement


Son confrère, le Dr Henri Brunner, rejette au contraire l'altération du discernement et relève "une personnalité caractérielle, cliniquement banale" et sans trouble psychiatrique. Deux avis qui diffèrent, juste avant l'audition des proches. C'est d'abord une amie de Camille qui intervient à la barre, pour affirmer que l'accusée "avait beaucoup grandi" depuis son incarcération.

Vient alors le passage des parents de Camille Anguenot. Face aux paroles de sa mère, la jeune femme ne peut contenir son émotion et finit en larmes. "Je ne reconnais pas ma fille" a lâché d'entrée la maman de Camille, elle aussi en pleurs. "Je ne sais pas ce qui a pu lui passer par la tête. Elle n'avait jamais eu d'ennuis avec la justice". 

Je n'ai pas été une bonne maman. Sinon, elle ne serait pas là. Je ferai n'importe quoi pour prendre sa place.

La mère de Camille Anguenot

Elle qui vient voir sa fille en prison toutes les deux semaines assure tout de même que l'accusée "a mûri" ces derniers mois. L'avocate de la défense, Me Bresson, insiste sur le contexte familial tendu dans lequel Camille Anguenot a grandi, témoin des "violences verbales et physiques" de son père sur sa mère. Celle-ci a d'ailleurs évoqué devant les jurés ce jour où devant ses filles, l'homme dont elle se sépare lui "fonce dessus et essaie de l'étrangler". Camille Anguenot pleure dans le box des accusés.

C'est le père de l'accusée qui vient ensuite apporter son témoignage. Lui a estimé "ne pas avoir remarqué de changement chez sa fille", tout en avouant "ne pas aller la voir souvent". "Ça me fait trop mal au cœur" conclut l'homme de 51 ans avant de quitter directement la salle.

Plaidoiries des avocats et verdict vendredi 13 septembre

La fin de cette troisième journée de procès sera dédiée à l'examen de la conduite de Camille Anguenot en prison, jugé "satisfaisante". L'accusée, interrogée sur sa vie carcérale, a préféré rester discrète, tout en abordant brièvement les nombreuses lettres qu'elle reçoit en détention.

La journée s'est terminée par une séquence imprévue : la lecture par le président d'échanges entre l'accusée et un homme avec qui elle correspondait par texto et lettre, lui aussi détenu, mais dans une autre maison d'arrêt. L'audience a été suspendue vers 17h45, avant de reprendre vendredi 13 septembre pour la dernière journée de procès.

Demain, les avocats s'affronteront pour une journée décisive. C'est d'abord Maître Bernard, avocat des parties civiles, qui plaidera, suivi de Maître Bresson, pour la défense. Le jury ira ensuite délibérer. Pour rappel, Camille Anguenot encourt 30 ans de réclusion pour le meurtre de Théo Decouchant, vol et escroquerie.

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