Trois ans après le démantèlement d'un réseau international de travail dissimulé dans le secteur du transport routier, le procès de cadres d'entreprises en France et à l'étranger devait se tenir pendant quatre jours à partir du lundi 14 octobre à Vesoul. L'audience a tourné court.
Pas de procès. En tout cas pas maintenant, GEFCO qui pointe du doigt une "erreur de procédure" a demandé le renvoi de celle-ci sur le bureau du juge d'instruction ont constaté nos journalistes sur place. Le juge va devoir régulariser l'ordonnance de mise en accusation du constructeur dans cette affaire. "On sollicite notre renvoi pour des faits pour lesquels nous n'avons pas été mis en examen. Cette procédure doit être régularisée préalablement à l'étude sur le fond", a fait valoir devant le tribunal Thomas Leone, qui intervenait pour Gefco.
La SAS Gefco France a en effet été renvoyée devant le tribunal correctionnel pour "recours, en bande organisée, par personne morale aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé" entre 2014 et 2018. Or, elle avait été initialement mise en examen sans la notion de "bande organisée". Cette mention doit donc être supprimée.
Une nouvelle date de procès à d'ores et déjà été fixée, du 7 au 11 avril 2025. Gefco était auparavant le transporteur historique du groupe automobile PSA, devenu Stellantis.
Un procès tentaculaire
C'est un procès de cols blancs. Ils ou elles sont Français, Slovaques ou Polonais. Des cadres d'entreprises de transport en France et à l'étranger devront répondre devant le tribunal de Vesoul "d'exécution en bande organisée d'un travail dissimulé" ; de "soumission de plusieurs personnes vulnérables ou dépendantes à des conditions de travail indignes" ou "d'emploi de travailleurs dans des locaux sans installations sanitaires conformes". L'entreprise Gefco et une autre société polonaise de transport routier sont également convoquées devant les juges.
Au départ, un simple contrôle de chauffeurs routiers
L'affaire remonte à 2017. Tout commence après un contrôle de la Dreal (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) de Bourgogne-Franche-Comté. Les agents remarquent des irrégularités. Leur enquête permet de découvrir un système de prêt illégal de main-d’œuvre entre sociétés de transport françaises et des pays de l'Est. L'enquête devient tentaculaire avec des ramifications dans des sociétés de sous-traitance.
Conditions de travail indignes
Non seulement les routiers polonais ou slovaques n'étaient pas déclarés alors qu'ils roulaient en France, mais ils travaillaient aussi dans des "conditions indignes". Une information judiciaire est ouverte par le parquet de Vesoul en 2021.
Les enquêteurs découvrent qu'ils étaient hébergés à Quincey près de Vesoul sur un site insalubre.
Arrestation en Alsace
Plusieurs gérants de société sont interpellés et entendus en mars 2021. Un chef d'entreprise basé dans le Haut-Rhin semble être à la tête de ce réseau. Il avait créé des sociétés en Pologne et en Slovaquie. Il avait été mis en examen et placé en détention provisoire, tout comme deux gérants de sociétés polonais et slovaque et trois entrepreneurs français.
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Parmi les prévenus, deux sociétés Gefco, en tant que personnes morales, sont convoqués ce lundi 14 octobre. Aujourd'hui l'entreprise n'existe plus. La marque qui avait été créée par Peugeot en 1949, s'appelle désormais Ceva Logistics.
Préjudice de 800 000 euros pour l'URSSAF
Ce trafic européen a porté préjudice à l'URSSAF, l'organisme chargé de collecter les cotisations sociales des entreprises françaises. De 2015 à 2018, l'organisme aurait dû encaisser 800
000 euros auprès des entreprises poursuivies. L'URSSAF Franche-Comté s'est portée partie civile à ce procès.
Le procès d'une concurrence déloyale
Autre partie civile, le syndicat des transporteurs OTRE (Organisation des transports routiers européens) de Franche-Comté. Sur le site internet de ces PME du transport routier, les responsables dénonçaient en 2021 les conditions de travail des transporteurs routiers, en particulier ceux des pays de l'est.
Tout en respectant la présomption d'innocence, Blandine Tatin, secrétaire générale de l'OTRE Franche-Comté réclamait plus de contrôles des transporteurs routiers venus de l'est de l'Europe. "Ne fermons pas les yeux devant ce qu'on peut appeler de l'esclavage" avertissait la secrétaire générale lors d'un entretien accordé à nos confrères de l'Est Républicain et publié sur le site du syndicat.
Cinq chauffeurs routiers se sont également portés partie civile. Des victimes de cette concurrence effrénée entre transporteurs pour décrocher des contrats auprès de clients cherchant le moindre coût.