Lui a 59 ans, elle 25. Guy est verrier depuis 45 ans en Haute-Saône, il partira à la retraite dans moins d’un an. Maud se forme à ses côtés depuis quatre ans. Nous avons suivi leur travail et leurs échanges pendant plusieurs mois. Une histoire de transmission.
Guy et Maud, duo de verriers
Maud Jacquemin est titulaire d’un CAP et d’un BMA (brevet des métiers d’art) obtenu à Sarrebourg, dans l’un des deux seuls établissements formant les verriers. Depuis quatre ans, elle poursuit sa formation aux côtés de Guy Roussey, verrier depuis 45 ans à la verrerie de Passavant- La Rochère et passionné de transmission. « Il est très bon pédagogue » dit-elle.
« Elle est bonne élève et douée » répond Guy. Au fil des ans, une complicité s’est installée entre eux basée sur la confiance et l’exigence, car le métier est difficile et nécessite des milliers d’heures de pratique. « Au début, toutes mes pièces cassaient » se souvient Maud mais jamais Guy ne l’a découragée, bien au contraire, lui à qui les anciens verriers n’ont fait aucun cadeau à l’époque. « Ils gardaient leur savoir-faire comme un secret » avoue-t-il.
Vitrine de la maison
La verrerie main ne représente que 3% de la production de la verrerie et 10% de son chiffre d’affaires. , mais l’image du site de Passavant et sa réputation en France et à l’étranger lui doivent beaucoup.
La plus ancienne verrerie d’Europe encore en activité a peu à peu remplacé les hommes par des machines et tout ce qui pouvait se faire mécaniquement a été transféré dans la partie industrielle. Les arts de la table mais aussi les éléments architecturaux, les tuiles et les briques de verre. Cette partie de l’activité a même connu un vrai engouement ces dernières années et les architectes contemporains ont redécouvert La Rochère. Ainsi le bar de la Samaritaine ou celui du restaurant Le Parc à Besançon ont intégré les carreaux de verre dans leur décoration. Mais le plus spectaculaire reste la rénovation complète de la plus grande station de métro du monde. Châtelet-les-Halles qui voit passer 700.000 visiteurs par jour est désormais tout en verre (un million de carreaux). Le célèbre « carreau métro » a trouvé là un nouveau souffle.
Artisans d’art, associés aux créations
L’exceptionnel savoir-faire de Guy et Maud leur permet aussi d’être régulièrement consultés voire associés à la création de nouveaux modèles ou de commandes spéciales. Il y a quelques mois, c’est le chef étoilé Patrick Henrirou du restaurant La Pyramide à Vienne qui est venu tout spécialement en Haute-Saône faire faire des boules décoratives à poser sur les tables et célébrant le bicentenaire de l’établissement. Il faut dire que le chef est originaire de Vesoul… Des prototypes ont été mis au point. Quatre boules jaunes et noires, aux couleurs du restaurant, avec des inclusions de morceaux de verre ou de paille de fer… Des « trucs » inventés par Guy et Maud et finalement concluants. Les deux verriers ont adoré le projet et ne sont pas peu fiers d’y avoir été étroitement associés.
Une verrerie, haut-lieu du tourisme
Depuis toujours, le public peut, à partir de Pâques et gratuitement, assister au travail des verriers. Une initiative plébiscitée par le public puisque ce sont 70.000 visiteurs qui viennent chaque année à la Rochère voir travailler ces artisans souffleurs de verre. Depuis un an, Guy et Maud ont été équipés d’un micro et ce sont eux qui expliquent leurs gestes et répondent aux questions des plus curieux. Ils vivent cette expérience comme valorisante. La satisfaction des visiteurs est aussi une forme de reconnaissance. Généralement, l’objet qui est fabriqué « en direct » sera aussi celui que les touristes s’empresseront d’acheter à la boutique du site. Le jour de notre tournage, les deux verriers fabriquaient un baromètre à eau, un objet créé par un ancien de la Rochère devenu verrier dans l’Ain et chez qui Maud et Guy sont allés apprendre les bons gestes. La transmission… encore et toujours.
Le jour de la retraite de Guy
D’ici un peu moins d’un an, Guy prendra sa retraite. Il s’y prépare ou plutôt, il y prépare Maud même si aujourd’hui il est rassuré sur l’avenir de ce métier de passion qu’il lui a transmis. A elle et à Arthur. Ce jeune verrier vient d’être embauché et, à son tour, il sera formé par Guy puis par Maud quand il sera parti. Ce jour-là, il l’avoue « j’aurai un pincement au cœur ». Maud, elle, redoute ce matin où elle entrera dans un bureau vide pour y déposer ses affaires. Mais l’un et l’autre savent qu’en cas de besoin, Guy la soutiendra. Il habite Passavant et reviendra à coup sûr jeter un œil sur le travail des jeunes. Pas question pour autant de les surveiller : «Il faut laisser la place, ils sont aussi compétents que nous » dit-il avec toute la générosité qui le caractérise.
Un feuilleton signé Catherine Schulbaum, Antoine Laroche, Rémy Bollard , montage Manu Blanc