Immobilier : pourquoi 80.000 logements restent vacants plus de deux ans en Bourgogne Franche-Comté ?

La Bourgogne Franche-Comté a le plus fort taux de vacance des logements de France. Propriétaires désabusés, logements vétustes, surconstruction, les causes sont nombreuses.

« Je préfère laisser un appartement vide plutôt que de louer à des personnes qui ne m’inspirent pas confiance. »

Karine est catégorique. La quarantaine dynamique, elle est propriétaire de plusieurs logements à Dijon et a connu plusieurs expériences malheureuses.
« Je fais vraiment attention à ce que le locataire soit solvable, qu’il ait un garant, une caution. Je privilégie la conciliation mais, en octobre 2019, pour la première fois, j’ai dû expulser un locataire qui me devait 4.000 euros de loyers. »

Depuis 5 mois, ce logement est vacant comme 154.000 appartements du parc public et privé en Bourgogne-Franche-Comté.
Il s'agit de la région française qui compte proportionnellement le plus de logements vacants avec 9,9% contre 8,1% au niveau national.
 

Certains ne restent vides que le temps des travaux ou entre deux locations mais quelques 80.000 logements privés restent vacants pendant plus de deux ans selon les chiffres de l’INSEE de 2016.

Ce chiffre cache des réalités bien différentes car les causes sont multiples et les bailleurs privés et publics ne font pas face aux mêmes difficultés.

Propriétaires privés en difficulté

Des logements inadaptés

Certains biens restent vides car ils ne répondent plus aux attentes des locataires.
Comparés aux immeubles BBC, les appartements vétustes, au diagnostic énergétique médiocre, sont délaissés par les candidats. Les propriétaires n’ont pas toujours les moyens de les rénover et la conjoncture économique et démographique les amènent à douter du retour sur investissement.

43 % des logements vacants en Bourgogne sont sans confort ou avec confort partiel.
 

 C’est particulièrement vrai en zone rurale et dans les villes moyennes qui connaissent une baisse démographique importante, comme dans la Nièvre, le Châtillonnais (Montbard, Châtillon-sur-Seine) et à Gueugnon par exemple. 

Depuis mars 2018, en Bourgogne, le gouvernement a lancé plusieurs programmes de revitalisation des centres-villes.
Neuf communes (Autun, Chalon-sur-Saône, Le Creusot, Mâcon, Montceau-les-Mines, Auxerre, Sens, Cosne-Cours-sur-Loire et Nevers) sont concernées par le programme Action Coeur de Ville et six par des opérations de revitalisation de territoire (Brazey-en-Plaine, Echenon, Losne, St Jean-de-Losne, St Usage, Seurre).
 
La tendance sera difficile à inverser :
« Le prix des terrains dans les communes alentour, parfois 15 euros le m2,  incite les habitants à devenir propriétaire en périphérie. Cela amplifie la désertification des centres villes et l’augmentation de l’artificialisation des sols. Cela pose d’autres problèmes, notamment de consommation d’espaces naturels » explique Patrice Perron, statisticien, chef du service Habitat à la DREAL Bourgogne Franche-Comté.  
 

Des propriétaires désabusés

Selon les chiffres du Ministère du logement, en 2019, 8.000 particuliers de Bourgogne-Franche-Comté sont soumis à la taxe sur la vacance des logements (THV) car leurs biens immobiliers, situés en zone tendue, sont vides depuis plus de deux ans.

Comment expliquer que des milliers de propriétaires de la métropole dijonnaise laissent leurs logements vides ?

« Le problème n’est pas de trouver des locataires mais de trouver des bons locataires » explique Jean-Pierre, 75 ans dont 30 ans comme propriétaire-bailleur.

Il poursuit : « Je me suis fait rouler plusieurs fois. Un locataire m’a menti et laissé pour 4000 euros d’impayés. Un autre a volé tous les radiateurs de l’appartement. Je vais vendre. »
 

Des milliers de propriétaires retirent leurs biens immobiliers du marché locatif, pendant plusieurs mois ou plusieurs années de peur que des locataires indélicats dégradent leurs biens ou ne paient pas les loyers.
Les impayés sont estimés à environ 10% des locataires sur l’ensemble du parc public et privé.

Pour Jean Perrin, le représentant de l’UNPI 21 (Chambre syndicale de la propriété immobilière), il faut comprendre certains propriétaires : « Ils estiment que le bénéfice retiré de la location est insuffisant : une fois payés la mise en gérance, la taxe foncière, les menus travaux, il leur reste l’équivalent de deux mois de loyer par an. S’il faut se battre pour récupérer des loyers auprès de locataires indélicats, cela ne vaut pas le coup. »

Concurrence entre neuf et ancien

D’autres logements du parc restent vides faute de candidats.
Avec le boom de la construction de logements neufs, dans la métropole dijonnaise notamment, de nombreux logements, datant des années 1910 à 1960, sont inoccupés.
Mal isolés, conçus selon les goûts de l’époque, ils sont boudés.

Un transfert d'habitants s'effectue entre l'ancien et le neuf comme l'explique Patrice Perron, statisticien à la DREAL : "Les décideurs politiques pensent que construire des logements neufs permet d'attirer des ménages. Parfois, il s'agit seulement d'un transfert : on vide l'ancien pour le neuf parce que la hausse démographique n'est pas si importante."

Cette tendance à la sur-construction est très nette ces 10 dernières années :
Selon les chiffres de la DREAL, entre janvier 2011 et janvier 2016, 58.000 logements construits en BFC dont 32.000 en Bourgogne.
Sur la même période, la population n’a augmenté que de 30.000 personnes en BFC dont 15.000 en Bourgogne.

Cela devrait encore s’accentuer.
Sur la période 2020-2030, le Plan d'urbanisme inter-communal de l’agglomération dijonnaise prévoit la construction de plus de 10.000 logements neufs.
Cela sucite des interrogations.
 Explications de Michel Gillot le 25/11/2019

 

Le parc public diversement touché

Le parc social nivernais est confronté à une situation inquiétante : le taux de vacance y est de 14%, un des plus hauts de France !

La majorité de l’habitat collectif date d’avant 75 et les travaux de réhabilitation n’ont pas été fait.
Le manque d’accessibilité couplé à la décroissance démographique entraîne une vacance difficile à juguler.
L’agglomération neversoise mène actuellement un plan de destruction et réhabilitation sans précédent, en adéquation avec la baisse démographique en cours (- 5000 habitants tous les trois ans)
 Un reportage de Rémy Chidaine et Tania Gomes


Dans l’agglomération dijonnaise, le parc HLM ne souffre pas de vacance du tout.
C’est même le contraire !

Orvitis qui gère 13.000 logements sociaux en Côte d’or a 9000 demandes de logements en attente.
Selon son directeur général, Christophe Bérion, « il n’y a que 250 logements vacants et ils sont pour l’essentiel situés en Haute Côte d’or ».
« L’attractivité est liée aux prix et à la politique de requalifiquation de logements anciens et de construction de logements neufs que nous avons mené. Nous investissons plus de 10 millions d’euros par an dans ces travaux. »
 
 

Des solutions pour lutter contre la vacance

L’augmentation du taux de vacance est un problème pour tout le monde : les propriétaires privés, les bailleurs sociaux et les pouvoirs publics.

Personne ne s’accorde sur les moyens d'y remédier.

Du côté du gouvernement, le ministre Julien Denormandie semble estimer que l’urgence est de remettre sur le marché locatif les logements privés par tous les moyens.
Il a annoncé lundi 9 février qu’il écrirait à tous les propriétaires concernés par la taxe sur les logements vacants (THV)

Cette taxe se veut incitative : elle correspond à 12,5% de la valeur locative du bien après un an de vacance et 25% à partir de la 2ème année.
« Ce n’est pas une taxe qui fera changer d’avis un propriétaire. S’il ne trouve pas le locataire qui l’inspire, il ne louera pas »  explique Karin.
« Il faut arrêter de parler des riches propriétaires, moi, je fais ça pour avoir une retraite mais c’est beaucoup de travail.  »
 

Autre dispositif qui devait rassurer les bailleurs privés : la garantie VISALE n’a pas le succès espéré.
Jean Perrin, le président de l’UNPI 21, confirme : « C’est une garantie qui se souscrit uniquement sur internet donc  les propriétaires d’un certain âge sont assez réticents. »
En plus, elle s’applique selon des critères socio-professionnels et d’âge très précis. « Il faut plutôt favoriser les aides à la rénovation » ajoute-t-il.

L’association Habitat et Humanisme a eu une autre idée : proposer aux bailleurs privés de louer à prix très réduits à des personnes en difficulté plutôt que de laisser leur logement vide.
En contrepartie, l’association se porte garant pour le locataire, l’accompagne et s’occupe des menus travaux.  

Pierre Belin, le responsable communication pour l’antenne de Côte d’or explique : «  Le propriétaire loue 30% en-dessous des prix du marché mais il bénéficie d’une déduction fiscale et c’est une démarche éthique. Quatre-vingts personnes nous font confiance à Dijon ; près de 200 dans l’agglomération chalonnaise. C’est un dispositif qui fonctionne. »
« Pour les logements vétustes, nous accompagnons le propriétaire dans sa rénovation avant la location. »

 

La vacance des logements sur une longue durée est une problématique complexe.
En Bourgogne Franche-Comté, la résorber nécessitera la rénovation du parc immobilier privé et public, quite à en détruire une partie.
 
Les logements vacants en Bourgogne Franche-Comté
154 000 logements vacants en Bourgogne-Franche-Comté 
Taux de vacance global : 9.9% contre 8.1% au plan national

Nombre de logements vacants + de 2 ans dans parc privé : 80.000 (5.8%)
  • 63.000 appartenant à des personnes physiques 
  • 17.000 appartenant à des personnes morales
(sources : INSEE, recensement 2016)

Nombre de logements vacants depuis + de 3 mois dans le parc public : 9 143 logements (3.5%)
(source : RPLS)
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