Suite au décès de sa mère le 7 janvier 2024, une Jurassienne a créé un collectif baptisé "Les victimes de l'hôpital" pour dénoncer des "erreurs médicales" et des "prises en charge inhumaines" dans l'établissement de Lons-le-Saunier (Jura). Elle nous explique pourquoi.
Dans son appartement en plein cœur de Montmorot (Jura), elle fait défiler les photos de sa mère sur son smartphone. Elle, qui est employée au funérarium, connaît bien le deuil. Mais impossible pourtant de faire le sien. Sa mère, âgée de 85 ans, a disparu brutalement le 7 janvier 2024. Mais Marie-Hélène Girard ne sait toujours pas de quoi elle est vraiment morte.
Elle dénonce les diagnostics inexacts posés, selon elle, en octobre à l'hôpital de Lons-le-Sauner par les différents médecins et personnels soignants qui l'ont examinée. "On m'a dit qu'elle avait 85 ans, qu'elle s'écoutait, que ça faisait bien de dire qu'elle avait mal pour qu'on s'occupe d'elle, confie-t-elle à France 3 Franche-Comté. Non, moi, j'ai vu ma mère souffrir le martyre. Avec ma fille, on a été obligées de porter ma mère pour aller aux toilettes parce qu'elle ne pouvait plus marcher. Elle n'arrivait pas à faire 20 mètres toute seule pour aller aux toilettes. Vous croyez que ça se passait juste dans sa tête ?"
Transférée dans un service de soins de suite
Hospitalisée en urgence en décembre, elle est finalement transférée dans un service de soins de suite et de réadaptation à l'hôpital de Champagnole (Jura), contre l'avis de sa fille, qui ne peut pas se déplacer en voiture. "J'avais demandé une hospitalisation à domicile, assure-t-elle, mais on m'a dit qu'elle ne pouvait pas en bénéficier, car son état de santé ne le justifiait pas." Quelques jours après, elle reçoit un coup de téléphone pour lui annoncer le décès de sa mère sans lui donner aucune autre explication.
Aujourd'hui, l'hôpital lui parle d'un cancer foudroyant qui expliquerait notamment les lésions découvertes sur sa rate et sur son foie, mais aussi toutes ses infections urinaires à répétition qu'elle a subies pendant deux ans. Marie-Hélène estime qu'on lui a caché la vérité et que sa mère n'a pas été soignée comme elle aurait dû l'être.
Ma mère est morte seule. Il n'y a eu aucune humanité. Si seulement on nous avait dit à mes frères et à moi, on pose le diagnostic : votre mère a un cancer, elle est gravement malade. On nous parle même maintenant d'un lymphome. Mais il fallait nous le dire avant ! Alors oui, cela me met très en colère. Ma mère n'a pas eu l'accompagnement qu'elle aurait dû avoir.
Marie-Hélèe Girard, fille d'une patiente décédée.
Un collectif pour dénoncer les "erreurs médicales"
La liste des reproches est très longue. Elle-même dit avoir également souffert d'une "mauvaise prise en charge" lors d'une opération de la vésicule biliaire à l'hôpital de Lons-le-Saunier Et apparemment, elle ne serait pas la seule. Voilà pourquoi elle a créé ce collectif des victimes de l'hôpital pour dénoncer les "erreurs médicales" et les dysfonctionnements. 38 familles l'ont déjà rejoint à ce jour.
J'ai des témoignages qui font froid dans le dos et c'est des gens qui n'osaient pas parler. Parce qu'on va à l'hôpital, on est victime, mais on ne peut rien dire.
Marie-Hélène Girard, porte-parole du collectif des victimes de l'hôpital de Lons-le-Saunier.
Après une première réunion qui a eu lieu le samedi 27 janvier 2024, le collectif a prévu de se réunir le 20 avril prochain à la salle des fêtes de Montmorot (Jura) pour envisager la suite des actions.
"Stop à l'hôpital bashing"
"Stop à l'hôpital bashing" répond la direction de l'établissement, sollicitée mardi 30 janvier par France 3 Franche-Comté. Dans un long communiqué. Elle défend "l'engagement du personnel hospitalier", dont la mise en cause, "sans doute symptôme d'une société qui s'interroge et qui doute, (...) est inacceptable". Elle redit également toute l'attention et l'écoute portées, dans tous les services, aux patients et à leurs proches.
La direction de l'hôpital reconnaît néanmoins un "contexte sanitaire difficile". Entre novembre 2023 et janvier 2024, "le centre hospitalier a été, comme la plupart des autres établissements publics de santé, sujet à des afflux de patients liés notamment aux épidémies de grippe ou encore de Covid voire de réductions de l'offre sanitaire libérale". Rappelant que l'an passé, on a compté ici 40 000 passages aux urgences, 25 000 hospitalisations et 1 000 naissances.
Plusieurs plaintes en cours
L'hôpital de Lons-le-Saunier est par ailleurs concerné par plusieurs plaintes de nature différente. Une famille, qui reproche à l'hôpital d'avoir mis cinq jours à déceler l'hémorragie cérébrale de son bébé, resté handicapé, malgré l'insistance de sa mère, a ainsi déposé plainte contre l'établissement. Une information judiciaire a été ouverte pour "blessure involontaire avec ITT de moins de trois mois par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence", a confirmé à l'AFP le parquet de Lons-le-Saunier.
La veuve d'un médecin urgentiste de l'hôpital a également déposé plainte contre X pour "homicide involontaire et non assistance à personne en danger" après le décès de son mari du Covid-19 en avril 2020. Une information judiciaire a été ouverte en mai 2023.
Enfin, l'hôpital est visé par une enquête préliminaire pour "harcèlement", toujours selon le parquet.