Leur nom est associé aux tirs sur le loup, hautement polémiques. Pourtant, cette mission n'est pas la seule des louvetiers. Cette fonction assermentée, tradition millénaire, est peu connue. Ses membres se font discrets.
C'est une fonction ancestrale, Charlemagne l'aurait instauré en 813, mais profondément méconnue du grand public. C'est principalement quand des attaques de loups sur des troupeaux débouchent sur des arrêtés de tirs de défenses que l'on entend parler d'eux. Les louvetiers se font généralement discrets.
Pourtant, "si la louveterie n'existait pas, ça poserait beaucoup de soucis" estime Stéphane Vojinovitch. Ce jeune retraité du bâtiment a rejoint la louveterie il y a 15 ans, avec, dit-il, une motivation : "l'intérêt général". Aujourd'hui, il est président des lieutenants de louveterie du Jura, du nom officiel de cette fonction assermentée.
Dans un monde où tout le monde est replié sur soi et tout personnel, on essaie au mieux que l’on peut pour l’intérêt général.
Stéphane Vojinovitch, président des lieutenants de louveterie du Jura
Comme lui, ils sont 33 dans le département, environ 80 en Franche-Comté, à exercer bénévolement une mission de service public.
"C'est vraiment un corps très précieux pour l'action publique" estime Nicolas Fourrier, directeur départemental des territoires (DDT) à la préfecture du Jura, qui gère leurs actions. "Je ne sais pas comment l'autorité publique ferait s'il n'y avait pas les lieutenants de louveterie".
Des chasseurs assermentés
Concrètement, "c'est un groupe de chasseurs, complètement bénévoles, qui sont nommés par le préfet pour exercer des missions de service public" explique Nicolas Fourrier. "Nous sommes le seul corps à être habilité à intervenir sur les animaux sauvages" résume Stéphane Vojinovitch
Les lieutenants de louveteries sont destinés à intervenir "à chaque fois qu'il y a des problèmes avec des animaux sauvages" décrit Stéphane Vojinovitch, "que ce soit d'attaques sur des troupeaux ou des problèmes sanitaires, des maladies ou des animaux qui divaguent en agglomération".
Mais leurs missions ne s'arrêtent pas à une forme de contrôle de la faune sauvage : "quand il y a un accident de véhicule, développe le président des lieutenants de louveterie du Jura, la gendarmerie se déplace pour porter assistance aux humains. Mais l’animal blessé qui est toujours sous la voiture, ils ne peuvent pas intervenir. Ils n’ont pas la compétence, donc on nous appelle".
Dans leur circonscription, les lieutenants de louveterie ont une fonction de police en matière de chasse, et ils peuvent établir des procès-verbaux.
Un recrutement par jury
Nommés pour des mandats de cinq ans, les lieutenants de louveterie sont recrutés par "des appels à candidature" rapporte Nicolas Fourrier, directeur de la DDT du Jura. "C'est la DDT qui se charge de collecter la candidature, de vérifier qu'elle est éligible, et qui ensuite organise un jury avec l'OFB (Office Français de la Biodiversité) et d'autres louvetiers". Parmi les critères de sélection : "un certain nombre de points de moralités" ajoute le directeur.
Ils sont reconnus pour leurs compétences de chasseurs
Nicolas Fourrier, directeur départemental des territoires de la préfecture du Jura
Porteurs d'une arme, les louvetiers sont recrutés parmi les chasseurs du département : "ils essaient de rechercher des gens bien intégrés au niveau chasse, dans le monde agricole, qui connaissent bien le terrain" complète Stéphane Vojinovitch.
Dans le Jura, le nombre de lieutenants de louveterie a été augmenté de 24 à 33 en 2023, du fait de l'augmentation des interventions liées au loup, très chronophages. "Ces dernières années, on a fait de 2000 à 2500 heures d'interventions" affirme Stéphane Vojinovitch. "Les lieutenants sont bénévoles, entièrement et pour tout, que ce soit l'équipement, les armes, les véhicules ou les heures passées" rappelle le louvetier.
Âgés de 25 à 75 ans, âge limite pour exercer la fonction, lorsqu'ils ne sont pas retraités, les louvetiers exercent tous un autre métier : "vous intervenez la nuit, et le lendemain, il faut aller au travail". Pour le président des louvetiers du Jura, c'est un engagement : "c'est de l'aide aux personnes, il faut trouver des solutions quand il y a un souci".
Une image négative
Stéphanie Vojinovitch le sait : "on n'est pas vraiment dans l’air du temps". "La société accepte mal la mort des animaux" s'explique le louvetier. Il avoue que les louvetiers se font volontairement discrets. Lui déconseille fortement à ses camarades de prendre des photos pendant les interventions. Il n'en a lui-même pas de son activité, ou de son uniforme, obligatoire en intervention.
Pour beaucoup, c'est dur, on n'a jamais aucun retour positif
Stéphane Vojinovitch, président des lieutenants de louveterie du Jura
"Certains lieutenants en ont gros sur le cœur" avance le président des lieutenants de louveterie du Jura. "Ils disent "on fait tout ce qu'on peut, on fait tout à notre charge, et les seuls retours qu'on a, c'est qu'on prend tout dans la figure".
Lui estime que sa fonction l'amène à être en permanence "entre deux". Notamment au contact des agriculteurs bouleversés par des attaques sur leurs troupeaux, et des défenseurs des grands prédateurs. "On est au milieu, entre ceux qui veulent qu’on intervienne et ceux qui voudraient qu’on n'intervienne pas".
Mais il l'affirme : "tout est cadré". Sur la faune sauvage, les louvetiers n'interviennent qu'à la demande du préfet ou d'un maire. "On est toujours mandaté pour aller faire une enquête et proposer des choix d’intervention" ajoute-t-il. "Nous proposons plusieurs solutions, et le préfet choisit celle qu'il trouve la plus adaptée".
Si un lieutenant de louveterie fait l'objet de plaintes sur son territoire, ou si le préfet constate des manquements, il peut le suspendre ou lui retirer son agrément, comme cela a été le cas pour un louvetier après la découverte d'un charnier de renards dans le Jura. Mais l'événement est plutôt rare. Le plus souvent, c'est la limite d'âge qui aboutit au changement de lieutenant sur un secteur.