Arrivée en France en 2018 pour sauver ses filles de l'excision, Martha Omozusi, mère de famille nigériane, a tout fait pour obtenir le droit d'asile français, sans succès. Sommée de quitter le territoire depuis janvier 2023, elle est aujourd'hui dans l'obligation de quitter son logement, à Dole (Jura). Une situation qui la mettrait à la rue. Témoignage.
Lorsqu'elle nous reçoit dans son appartement, à Dole, Martha Omozusi a les traits tirés et le regard triste. Le 21 avril 2023, la mère de famille nigériane a reçu un courrier de la Préfecture du Jura. Un courrier lourd de conséquences, qui la met en demeure de quitter son logement sous quinze jours. "Si j'en crois les dates, le dernier délai, c'est le 6 mai" s'inquiète Martha, interrogée par notre journaliste Fleur de Boer.
Un coup dur de plus dans le combat que mène la trentenaire depuis son arrivée en France. En 2018, elle arrivait dans l'Hexagone, fuyant son compagnon d'alors qui voulait imposer l'excision à leurs filles. C'est à cette date qu'elle déposera une première demande d'asile pour elle-même et pour ses deux enfants, Heavenly et Emmanuelle. Demande refusée de manière définitive en 2019.
Depuis 15 jours, Martha tremble dès qu'elle entend des pas dans le couloir, et ferme sa porte à double tours. J'irai dormir chez elle dans les prochains jours pour la rassurer
Samia Coupat,présidente de l'association Accueil Citoyen Réfugiés à Dole
"Les autorités ont jugé que le récit de Martha n'était pas ainsi convaincant. Qu'il n'apportait pas assez de preuves de sa fuite à cause de l'excision". Samia Coupat est la présidente de l'association Accueil Citoyen de Réfugiés (ACR) à Dole. C'est son organisation qui s'occupe de Martha et ses filles depuis plusieurs années.
"Martha, sans doute mal conseillée à son arrivée en France, n'a pas défendu sa demande de droit d'asile comme il le fallait" reprend-elle. "On a repris son dossier, on a combattu et on a même obtenu pour elle un titre de séjour, de septembre 2021 à janvier 2022".
Malheureusement, celui-ci n'a pas été prolongé. Et un an plus tard, la femme de 39 ans recevait une OQTF (Obligation de quitter le territoire français). "Depuis, je vis dans la peur. Je suis seule ici, avec mes deux enfants. Je me couche et j'ai peur d'entendre les policiers arriver. Je n'ai nulle part où aller. Comment allons-nous faire dehors ?" s'émeut Martha.
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La mise en demeure de quitter son domicile est tombée comme un couperet. "La situation est insupportable", réagit Samia Coupat. "On lui reproche entre les lignes de ne pas faire d'efforts pour aller travailler. Mais sa première fille, Heavenly, a des troubles autistiques et depuis novembre dernier, son école refuse de l'accueillir plus de deux heures. Martha doit donc s'occuper d'elle et ne peut pas travailler...Tous les éléments sont contre elle dans ce dossier".
Martha "en danger de mort" en cas de retour au Nigeria
Le retour en Nigeria n'est lui pas envisageable. "Ce n'est pas possible" explique Martha. "Si je rentre, mes enfants se feront exciser et ma famille me rejettera. Le fait d'avoir fui me met en danger si je retourne là-bas. Je crains pour ma vie".
L'association ACR dénonce un manque de compassion incompréhensible. "Elle est dans une situation impossible. Où trouver du travail alors qu'on doit s'occuper de sa fille dès 10h du matin" ? Samia Coupat en appelle à l'humanité du préfet du Jura, seule personne capable de changer la situation : "On lui demande d'accorder un titre de séjour à Martha et ses filles, pour qu'elles puissent se reconstruire et enfin avancer".
Contactée, la préfecture du Jura n'a pas répondu à nos sollicitations avant la publication de cet article. Si rien ne change, Martha et ses enfants risquent de se retrouver sans domicile à partir du 6 mai.