À l'occasion de la projection, dimanche 3 décembre au cinéma de Poligny (Jura), de son court-métrage "Aller-retour", réalisé dans le Jura, la comédienne et réalisatrice Héloïse Coretto revient sur son tournage et son parcours.
"Qui dit thriller, dit ma maison de famille de Mouchard." Quand il a fallu réfléchir au cadre de son court-métrage Aller-retour, le Jura a été une évidence pour Héloïse Coretto. Si la presque trentenaire est née et a grandit sur l'île de la Réunion, elle a passé toutes ses vacances d'été et d'hiver dans la bourgade de Mouchard. C'est là, dans l'immense demeure familiale, où vécut son grand-père et son père, où se réunissaient les cousins et les cousines, et où réside aujourd'hui sa tante.
"Je n'ai que des magnifiques souvenirs de cette maison", assure-t-elle. Des courses dans le jardin, des glissades dans les escaliers sur des matelas... "Mais elle m'a toujours fait flipper", glisse la comédienne et réalisatrice. Entre le plancher qui grince, la cave et le grenier immenses, les pièces glacées, "j'avais toujours peur de m'y déplacer, d'aller chercher une brique de lait la nuit".
C'est donc tout naturellement que "nous avons écrit le scénario d'Aller-retour autour de cette maison et de ses environs". Derrière le "nous", il y a aussi Camille Gardereau, le compagnon d'Héloïse Caretto, autant dans la vie artistique qu'amoureuse. C'est à deux qu'ils ont réalisé la comédie dramatique de 34 minutes, tournée la première semaine de novembre 2022 dans le Jura, du côté de Mouchard, donc, mais aussi de Pagnoz et des Planches-Près-Arbois.
Quand les paysages du Jura jouent le jeu
Le point de départ de l'intrigue survient lorsqu'une petite fille de cinq ans est portée disparue dans le Jura. Trois amis – incarnés à l'écran par Héloïse Caretto, Camille Gardereau et Romain Poli, qui a participé au scénario – se retrouvent après de longs mois dans la maison familiale. La nuit tombée, ils déterrent un vieux secret. Un corps.
Une histoire sombre, "lourde", exacerbée par le grain de l'image, les nuances sépia. Mais, contre toute attente, "ce film est drôle", soutient la co-réalisatrice. À la Quentin Dupieux. "Nous avons voulu partir dans un scénario loufoque, avec des personnages à côté de la plaque, qui réussissent à faire rire dans des moments tragiques".
Et un scénario qui fait la part belle au Jura, dont les paysages se sont prêtés à la perfection à l'ambiance du film. Les matins glacés de novembre, un lever de soleil pâle, un manoir énorme, des arbres dénudés et les craquements du bois... "Quand tout à coup, les couleurs deviennent de plus en plus peps : le jaune de l'automne, le vert de la forêt, un rai de lumière sur la cascade des tufs", décrit Héloïse Caretto.
Dans la noirceur de ce thriller glacial, les paysages du Jura ont apporté de la respiration, de la légèreté.
Héloïse Caretto, comédienne et réalisatriceà France 3 Franche-Comté
La double casquette d'Héloïse Caretto
Ce n'est pas la première fois qu'Héloïse Coretto endosse le rôle de réalisatrice, même si ses débuts la destinent d'abord à la comédie. Son père, originaire de Dole comme sa mère, l'inscrit à des cours de théâtre à quatorze ans. Et la passion fut. "Quand, à dix-huit ans, il a fallu choisir un métier, rien ne me faisait plus envie que le théâtre".
Poussée par ses parents, Héloïse Caretto quitte la Réunion pour Paris, où elle entre aux cours Peyran Lacroix au théâtre de la Pépinière. Trois ans de formation de comédienne plus tard, elle rencontre Camille Gardereau sur le tournage d'un clip qu'il réalise. Coup de coeur.
"C'est un super artiste, j'adore son œil", sourit-elle. "Il est tellement passionné par la réalisation qu'il m'a donné envie de savoir ce qu'on ressentait derrière la caméra". Ensemble, ils réalisent un premier court-métrage, Mon état d'âme, primé au Paris Play Film Festival. Héloïse a alors 22 ans. Toujours à deux, ils se lancent dans un long-métrage, Dis-moi. "On était jeune et fou", se rappelle-t-elle. "On avait juste envie de faire un film et de s'éclater, de faire nos preuves".
"L'investissement des habitants m'a portée"
Pour leur deuxième court-métrage, Aller-retour, il n'est plus question de partir bille en tête. "On voulait rentrer dans les clous, faire les choses bien", note Héloïse Caretto. Ils trouvent un petit producteur, MG Productions, tentent d'avoir un financement de la région Bourgogne-Franche-Comté. En vain.
Malgré la déception, la crainte de se lancer sans soutien financier, l'équipe s'embarque dans l'aventure. Après tout, "je savais que ma tante ouvrirait les portes de sa maison avec plaisir. Et on n'avait même pas besoin de la décorer pour notre film", soulève la co-réalisatrice.
Et, si la Région n'est pas au rendez-vous, ce n'est pas le cas des Jurassiens. "Le tournage a été fantastique", s'enthousiasme Héloïse Caretto. "Les commerçants étaient derrière nous, le pain livré tous les matins, on nous a ouvert la magnifique église de Mouchard...". Les co-réalisateurs ont même fait appel à des comédiens amateurs de la région, qui ont été "à la hauteur et extraordinaires".
Ça a été une semaine inc-roy-able, pleine de belles rencontres. L'investissement de mon équipe et des habitants m'a portée
Héloïse Caretto, comédienne et réalisatriceà France 3 Franche-Comté
Malgré le manque de moyens et de temps, et un montage très difficile, "je suis fière de nous, car nous avons réussi à faire un beau film", assure Héloïse Caretto. "Ça me donne la niaque, et renforce la certitude que c'est vraiment ce que j'ai envie de faire."
Un "bon accueil" d'"Aller-retour" dans les festivals
Moment de vérité en octobre 2023, quand Aller-retour est diffusé pour la première fois devant une salle comble de 250 personnes au Festival du film du Croisic. "J'étais vraiment anxieuse", concède la co-réalisatrice. "C'était la première fois que notre film, monté sur notre petit ordinateur, était projeté sur grand écran." Soulagement : l'accueil est bon. Les éléments de tension et de comédie, comme les respirations, marchent. Après deux autres festivals et plus de recul sur le film, Aller-retour est retravaillé pour dissiper les dernières incompréhensions.
C'est la version définitive qui sera projetée au cinéma de Poligny, dimanche 3 décembre à 11 heures. Cette fois-ci, toute angoisse est dissipée. "J'ai trop hâte. Le produit final me plaît, c'était ce qu'il y avait dans ma tête. Il n'y a plus qu'à profiter et à échanger".
Héloïse Caretto travaille actuellement sur l'écriture de son deuxième long-métrage et espère, avec Aller-retour, être remarquée par un producteur et obtenir des financements, "aussi modestes soient-ils". Peut-on espérer un nouveau tournage en Franche-Comté ? "On peut l'espérer", répond-elle. "Je n'ai pas voulu me mettre de barrières. Il pourra tout aussi bien être réalisé à Paris, que dans le Jura voire à l'île de la Réunion. J'aurais autant de plaisir partout."
+ Aller-Retour (34 minutes), comédie dramatique déconseillée aux moins de 10 ans. Projection le dimanche 3 décembre à 11 heures au Cinéma le Comté, 19 Rue Charles de Gaulle, 39800 Poligny. Séance gratuite en présence de l'équipe du film.