Quel avenir pour la ligne des Hirondelles ? Construite au XIXe siècle, cette voie ferroviaire traverse le Jura d'Andelot à Saint-Claude en parcourant des paysages d'exception. Problème, depuis plusieurs mois, des acteurs du territoire s'inquiètent de son futur et réclament au conseil régional un "rafraîchissement" qui ne vient pas. Explications.
C'est une des lignes ferroviaires les plus belles du pays. Si ce n'est la plus belle, si nous laissons parler notre côté chauvin. Elle, c'est la "ligne des Hirondelles", une voie ferrée qui a vu le jour au milieu du XIXe siècle. Depuis bientôt 200 ans, elle traverse les montagnes du Jura sur plus de 120 km, entre Andelot et Saint-Claude,
Autrefois élément indispensable aux entreprises locales pour acheminer leurs matières premières, elle était devenue au fil du temps le symbole du tourisme vert jurassien. Et pour cause, son parcours sillonnant entre plaines et montagnes, empruntant près de 36 tunnels et 18 viaducs et s'arrêtant dans de nombreuses communes, faisait la fierté du département. Pourtant, à en croire plusieurs acteurs locaux, la ligne des Hirondelles est aujourd'hui grandement menacée.
"Presque aucun investissement depuis trois ans"
"Si ça continue ainsi, dans dix ans, voire cinq ans, elle n'existera plus" lâche Jean-Louis Millet (DVD), maire de la commune de Saint-Claude. "La ligne des Hirondelles a besoin d'un rafraîchissement. Ça fait deux, trois ans que je n'arrête pas d'alerter là-dessus. Or, il n'y a eu presque aucun investissement depuis trois ans".
L'argent, voilà où le bât blesse. Selon l'édile jurassien et la section locale de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT), la ligne historique manque cruellement de financements. Pendant de longues années, "les Hirondelles" étaient en effet cofinancées dans le cadre d'un contrat de plan État-région. Or, depuis 2021, c'est la région Bourgogne-Franche-Comté, seule, qui est chargée de l'entretien.
C'est depuis ce changement que les choses se dégradent. Il n'y a eu aucune régénération des lignes depuis que le financement n'est plus partagé. Résultat, aujourd'hui, les infrastructures sont vieillissantes, en mauvais état.
Kévin Taboada,président de la FNAUT Arc Jurassien
Que répond la région ? Si l'on en croit les échanges ayant eu lieu le 20 octobre 2023, lors d'une assemblée plénière du conseil régional largement consacrée aux mobilités "une enveloppe prévisionnelle de 5,5 millions d’euros est dédiée (à la ligne des Hirondelles, NDLR) en cas de dégâts qui remettraient en cause la poursuite de la ligne". "Nous n'en avons toujours pas vu la couleur" précise Jean-Louis Millet, maire de Saint-Claude.
"Il faut arrêter avec ces critiques incessantes contre la région" se défend Michel Neugnot (PS), vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté, notamment en charge des mobilités. "Des financements sont prévus. Nous allons bientôt signer le nouveau protocole Etat-plan. À ce moment-là, j'annoncerai des futurs investissements. Nous n'avons pas lancé une étude sur la ligne des Hirondelles pour l'abandonner".
Des travaux pour près de 100 millions d'euros ?
Ces annonces, la FNAUT les attend, et les espère conséquentes. "Les travaux à effectuer sont généraux : sur les rails, les ballasts, les traverses" ajoute Kévin Taboada. Entre Saint-Claude et Morbier, on a déjà réduit la vitesse. À la FNAUT, nous les chiffrons autour de 100 millions d'euros". Réalisable pour la Région ? Relancé sur ce sujet, Michel Neugnot n'a pas souhaité préciser le montant des financements prévus, ni les visions d'avenir que porte la Région sur la ligne des Hirondelles.
On a un sentiment d'injustice. Mme Dufay, présidente du Conseil régional, s'est engagée à ne pas fermer notre ligne. Mais comment la croire, alors que pas un centime n'est prévu en 2024 ? On aimerait juste être rassuré.
Jean-Louis Millet,maire de Saint-Claude (Jura)
Un cri de détresse motivé par plusieurs raisons. "À l'origine, cette ligne a été construite pour connecter nos entreprises avec le reste du pays" continue Jean-Louis Millet. "Elle est restée un formidable outil de désenclavement pour le Haut-Jura. De nombreux étudiants la prennent toutes les semaines quand ils reviennent dans leur famille, on a de nombreux touristes qui affluent tout l'été et qui permettent à nos restaurants, à nos commerces, à nos musées de vivre". Des secteurs directement menacés par une détérioration de la voie ferroviaire.
Une question de volonté politique ?
"L'investissement financier nécessaire est sans doute trop gros pour la région" reprend Kévin Taboada, de la FNAUT. "Mais il faut au moins agir, au risque d'être coincé dans un cercle vicieux. Si la vitesse baisse, le nombre de trains va réduire, donc les gens vont se tourner vers d'autres moyens de transport. La fréquentation baissera à son tour, conduisant au bout à une fermeture de la ligne".
Un scénario catastrophe qui pourrait également pénaliser certains établissements scolaires réputés du Haut-Jura, comme le lycée Victor-Bérard de Morez, connu pour sa formation en lunetterie, qui voit une partie de leurs élèves venir via la ligne des Hirondelles. "On parle ici de service public, on parle ici de mobilité verte. Si on abandonne cette ligne, le message renvoyé sera très mauvais" conclut Jean-Louis Millet. "Il faut juste avoir la volonté politique de s'emparer du sujet".
Ce sont des attaques indignes du débat politique. Nous financions déjà cette ligne à 95 %. Sans Marie-Guite Dufay, elle aurait fermé depuis bien longtemps. La volonté politique est toujours là.
Michel Neugnot,vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté, notamment en charge des mobilités
La balle est maintenant dans le camp de la Région, qui doit rassurer tous les acteurs du sujet. Et ça tombe bien, Michel Neugnot a assuré à France 3 Franche-Comté qu'il se rendrait à Saint-Claude "avant les vacances d'été" pour répondre aux questions et désamorcer toutes les inquiétudes.