Iryna et Olena ont fui le conflit en mars dernier, et se sont réfugiées à Bois-d’Amont dans le Jura. Loin de leur famille depuis plusieurs semaines, elles ont décidé de retourner en Ukraine. Le départ aura lieu le 19 juillet 2022.
Sur le lit, une petite valise remplie de vêtements. Les siens et ceux de ses enfants. C’est aussi un sac chargé de souvenirs. Ceux rattachés à l’Ukraine, ceux entachés par la guerre. Iryna a fini d’empaqueter ses quelques affaires. « C'est toute notre vie qui est dans ce sac ! », raconte la trentenaire. Demain, avec ses enfants, elle prendra le train pour repartir en Ukraine, en passant par Varsovie en Pologne et en arrivant à Kiev. Sa camarade, Olena, fera de même, avec sa fille. Toutes et tous fouleront le sol ukrainien le 22 juillet.
Quatre mois dans le Jura
Les deux femmes ont fui l’Ukraine en mars dernier, lorsque les bombardements ont retenti dans le ciel de Kiev. Avec leurs enfants de six ans, onze et quatre mois, Iryna et Olena ont été accueillies au gîte de Guinches à Bois-d’Amont (Jura). Attablée dans le jardin, Iryna explique : « [Ces quatre derniers mois ont été] une source de bonté, de solidarité, de sensibilité, qui m’a donné de la force, pour me rétablir, pour être au calme. Un cadeau pour nous. On ne trouve pas les mots pour remercier toutes les personnes qui nous ont aidés. »
Pendant ces quelques semaines, loin du pays, les enfants d’Iryna ont sympathisé avec les écoliers de Bois-d’Amont. Le fils d’Iryna, Makar, sept ans, s’est fait quelques amis. Une étape qui a rassuré Iryna : « Les enfants ont commencé à revivre un peu normalement. Comme les autres, ils jouent, ils communiquent avec d’autres. » La barrière de la langue reste présente. Pesante, même. Mais Makar prend du plaisir à aller à l’école, tente de cacher sa tristesse, quand son frère aîné et son père lui manquent.
De l'exil au mal du pays
C’était une décision difficile à prendre. Le conflit dure, et s'enlise. Le temps de l'exil laisse place au mal du pays. Comment vivre loin des siens, de leurs proches restés dans un pays en guerre ? Malgré les risques, les deux femmes ont décidé de repartir rejoindre leurs maris, leurs familles.
Les informations qui leur parviennent ne sont pas forcément rassurantes. Il y a la crainte sous-jacente d'une autre invasion. « On le sent, on doit partir, on doit retrouver notre famille, mais en même temps, il y a beaucoup de peur, explique Iryna. Cela peut être dangereux, et j’ai peur pour mes enfants. Je ne sais pas pour combien de temps nous partirons. » Il faut toujours rester sur le qui-vive.
« Nous ne sommes pas une vraie famille »
« Je suis tellement fatiguée d'être seule à l'étranger. J'ai envie de passer des moments avec mon mari, et mes enfants doivent passer du temps avec leur papa. », reprend Iryna. Puis ses mots se mêlent aux larmes.
Mon fils, Roman, commence à grandir et il n'a jamais joué avec son papa, il le regarde toujours par l'ordi. Ces conditions ne sont pas possibles pour les enfants. Certes, nous sommes en sécurité, mais nous ne sommes pas une vraie famille. Une famille nécessaire pour les enfants.
Iryna
Cette décision est motivée par une crainte chevillée au corps. Celle que son mari puisse décéder. Il n'est pour l'instant pas sur le front, mais mobilisable à tout moment. Saisie par la crainte, Iryna le justifie : « C'est maintenant qu'il faut vivre, on ne sait pas ce qui peut arriver demain. »