Il est photographe. Elle est coiffeuse. Ils ont décidé de poser nu pour illustrer ce que sera leur avenir si on ne les laisse pas travailler avec les mesures sanitaires nécessaires. Face aux grandes enseignes, ils ont le sentiment d'être abandonnés. Les aides, selon eux ne combleront pas les pertes.
Christophe est photographe professionnel à Audincourt dans le Doubs. Il travaille en micro entreprise depuis trois ans. Il a déjà subi de plein fouet les conséquences économiques du premier confinement avec une perte de 50 % de son chiffre d'affaire. Plus de mariages, plus de photos d'identité, plus de reportages photographiques en entreprise, son activité est aujourd'hui grandement menacée.Amélie est coiffeuse à domicile depuis un an à Dambelin dans le Doubs. Même si elle ne regrette pas vu, le contexte, d'avoir vendu son salon, elle se demande comment elle va faire face à cette crise. Elle entre dans la période où son chiffre d'affaire est le plus important avec les fêtes. Il leur vient alors une idée : pourquoi ne pas se prendre en photo dans le plus simple appareil pour alerter le gouvernement sur leur situation économique ? "Quitte à être mis à poil par le gouvernement, autant le faire moi-même" crient dans le silence d'une photo, ces artisans commerçants.
Pour Amélie, se mettre à nu lorsqu'on est pudique a été un vrai challenge. "Ce n'est pas simple de faire une séance photo dénudée. Il faut faire confiance et vaincre sa timidité, ses complexes. Les manifestations avec des banderoles devant la préfecture, j'ai donné et cela ne sert à rien ! Alors j'ai voulu interpeller les gens sur les réseaux sociaux et tout un mouvement #artisanapoil est en train de naître spontanément. Par contre, j'ai dit à Christophe le photographe qu'il devait aussi jouer le jeu, pour qu'on le fasse à deux ! " nous explique la coiffeuse.
Malgré son horreur de se voir en photo, Christophe n'a pas hésité à faire tomber le pantalon et ne garder qu'un appareil photo comme symbole de son outil de travail. "Des aides, j'en ai eu à peine, car elles sont établies sur le chiffre d'affaire. Comment fait-on lorsque celui-ci nous a juste permis de survivre ? Car mon quotidien aujourd'hui, c'est cela. J'ai quitté mon travail de chargé d'études pour vivre une meilleure vie, même si j'ai perdu beaucoup de mes revenus. J'étais heureux, et la crise est arrivée. J'ai passé le premier confinement en vivant sur mes modestes économies mais je n'ai plus aucune rentrée d'argent. Je ne sais pas comment je vais payer mon loyer et subvenir à mes besoins si on est interdit de travail en décembre" nous explique le photographe.
Tous mes mariages, mes reportages en entreprises ont été annulés depuis l'été. Le pire, c'est les mairies qui nous envoient des clients car ils ont besoin de photos d'identité pour les cartes d'identité et les passeports. C'est urgent, et je n'ai pas le droit de travailler ! C'est totalement ubuesque !
Pour Amélie, la fermeture de son salon de coiffure à domicile n'a aucun sens et met en péril son commerce. "On m'interdit de travailler alors que tous les gestes barrières sont là, et mes outils sont désinfectés systématiquement comme on le faisait bien avant la crise du Covid. Par contre, l'affluence au supermarché ne pose pas de problème au gouvernement. Ils veulent tuer le commerce de proximité au profit des grandes enseignes et des géants de l'internet. Je suis en colère !".
De Baume-les-Dames à Jussey en Haute-Saône, les commerçants jouent la solidarité entre eux
Jean-Jacques et Souada son assistante, eux aussi ont posé nu. Une initiative qui a fédéré des commerces de Baume-les-Dames dans le Doubs. Pour ce caviste, c'est le moment de rester unis pour faire face à la crise.Si certains commerces ont le droit d'être ouverts, ils jouent la carte de la proximité pour inciter les clients à consommer local.
Coiffeuse dans le Jura, elle crie son désarroi en chanson
Si tout le monde ne se met pas à nu pour une photo, les initiatives ne manquent pas. Marie-Noëlle fêtera le 4 décembre, les 30 ans de son salon de coiffure aux Rousses dans le Jura. Quel triste anniversaire pour une professionnelle qui se demande si elle ne va pas devoir mettre la clé sous la porte si la situation devait se prolonger. "Je fais partie de ceux qui ont eu 1.500 euros d'aides suite au premier confinement, mais cela m'a à peine permis de payer le loyer du salon. J'ai dû me séparer d'une partie de mon personnel, et je travaille seule maintenant. Si je ne peux pas ouvrir le salon, le 1er décembre, la situation sera catastrophique. Toutes mes clientes, qui me réservent une coupe longtemps à l'avance, ne pourront pas attendre un rendez-vous avec des délais de plus d'un mois si le salon reste fermé. Elles iront voir ailleurs et je ne les reverrai plus" nous explique la coiffeuse.Alors pour exprimer son désarroi, elle a repris la chanson "Les Bêtises" de Sabine Paturel. La voix chante faux, mais la colère sonne juste. Comme celle de beaucoup de petits commerçants en France pour ce second confinement.