Dans un mois, l'hiver prendra fin. Et pour le moment, le Jura connaît une saison particulière avec des températures au-dessus de la normale. Des conditions météorologiques inhabituelles qui impactent la faune, et notamment le grand tétras. L'emblématique gallinacé du massif du Jura fait face à de nouveaux paramètres qui menacent son espèce.
Des températures plus hautes que la moyenne, pas de neige... Le massif du Jura vit un hiver particulier. Si les conditions météorologiques bouleversent les activités économiques des hommes, les animaux sont également impactés. C'est le cas du grand tétras, animal incontournable du Jura. L'espèce est protégée et figure en Europe à la liste rouge des espèces menacées.
Depuis quelques hivers, cette espèce voit son écosystème chamboulé. Mais il n'est pas pour l'instant certifié que les températures douces aient un impact direct sur l'oiseau. "D’un point de vue biologique par rapport aux prochains hivers doux et humides, on a assez peu de retours pour savoir si ça va les favoriser ou pas. Le grand tétras est parfaitement adapté au climat froid et rigoureux comme on en avait dans le Jura, grâce à son plumage et ses pattes. Il n'est pas vraiment équipé pour le climat actuel", explique Alexandra Depraz, directrice du groupe tétras Jura.
L'absence de neige met le tétras en danger
Difficile pour le moment de savoir comment le grand tétras peut s'adapter dans un milieu plus chaud dans les années à venir. Mais aujourd'hui, l'absence de neige met en danger l'animal, qui peut peser entre 2,5 kg et 5 kg pour les mâles avec une envergure pouvant aller jusqu’à 130 cm. "Leur biotope est composé essentiellement d'épicéas, de sapins, hêtres et myrtilles au sol. Avec le réchauffement climatique, les forêts s'éclaircissent de plus en plus et les grands tétras ont de moins en moins de repères dans cet écosystème, ce qui les met à la merci de leur prédateur" explique Sylvain Perrier, technicien forestier à l'ONF, au micro d'Isabelle Brunnarius.
Les renards, les martres, les sangliers et l'aigle royal s'attaquent aux nids et aux jeunes grands tétras. Mais désormais, ils ne sont plus leur seule inquiétude. "D'habitude, le froid a tendance à tuer les virus et les parasites. Là, les oiseaux vont descendre plus au sol, car il n’y a pas de neige. Ils vont être plus en contact avec les parasites, plus libres du froid, et ça met les oiseaux en danger", souligne Alexandra Depraz.
L'homme, menace grandissante pour l'oiseau
Cette dernière s'inquiète aussi de la fréquentation humaine en hausse dans les zones protégées. "Les massifs sont ouverts quasiment toute l’année. Même s'il est normalement protégé par des arrêtés préfectoraux, on se rend compte que les gens ne respectent pas la réglementation. Ils sortent des sentiers, car il n’y a pas de neige. Ils ne respectent pas les panneaux, or, ils sont installés de façon à préserver la faune."
Le grand tétras est mis à mal par ces écarts, à un moment crucial de l'année pour lui. "À cette période-là, le tétras mange essentiellement des aiguilles de sapin et ce n’est pas très énergétique, les animaux sont en situation de fragilité l'hiver. La fréquentation humaine les dérange, ils sont en situation de stress, dans des situations qui les mettent en danger."
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C'est pourquoi Alexandra Depraz appelle à prendre plus en compte la réglementation. "Il faut respecter les zones protégées, les endroits où on a besoin de garantir la tranquillité pour ces cœurs de population, où leur renouvellement est assuré. C’est très important de respecter les zones, ne pas sortir des chemins, rester sur les pistes de ski ou les sentiers de raquette, ne pas emmener son chien."
Combien de grands tétras dans le Jura ?
Pour rappel, après le covid, la fréquentation des espaces naturels avait augmenté et dans le même temps de nouveaux usages étaient apparus en forêt. C'est un "nouveau public qui redécouvre la nature sans en avoir les codes, qui ne s’informe pas nécessairement", expliquait Alexandra Depraz en 2023 à France 3 Franche-Comté.
Selon le groupe Tétras Jura, la population est estimée à 280 adultes dans le massif jurassien en 2023. "Ce n’est pas une énorme baisse. On était à 300 oiseaux il y a dix ans, mais on a toujours une marge d’erreurs. On a une baisse régulière depuis que les populations sont suivies, depuis 2010." D'après la spécialiste, 2022 était une excellente année pour la reproduction.
280, c'es deux fois moins que ce qu'il faudrait pour avoir une population viable.
Alexandra DeprazDirectrice du groupe tétras Jura
Dans les Alpes, les Vosges et les Cévennes, l'espèce est quasiment disparue. Seuls le Jura et les Pyrénées abritent encore une population importante. Pour rappel, en juin 2022, le Conseil d'État avait interdit la chasse au grand tétras pour 5 ans sur toute la France, donnant gain de cause aux sept associations qui l'avaient sollicité. La chasse était déjà interdite dans les Vosges et dans le Jura depuis les années 1980.