La petite femelle blessée dans une collision routière en novembre 2018 a retrouvé la liberté ce 10 mai 2019. Un relâcher entâché de polémique entre le centre Athenas et les services de l’Etat.
Elle n’a pas hésité bien longtemps après l’ouverture de sa cage. Moïra a filé droit vers la forêt son espace de vie. L'animal était soigné depuis près de 6 mois au centre Athenas de L'Etoile près de Lons-le-Saunier.
Bébé lynx, elle avait été capturée par l’équipe du centre de soins aux animaux sauvages cinq jours après la mort de sa mère morte dans une collision de la route entre Moirans et Charchilla dans le Haut-Jura. La petite femelle de 4,5 kilos n’aurait pas survécu seule dans la nature.
Nourrie au centre Athenas, Moïra a tout d’une grande. Elle pesait au moment de son relâcher 14,5 kilos. L'animal va poursuivre sa croissance. Elle va changer de territoire pendant un an environ avant de choisir un secteur où s’installer définitivement. Moïra est équipée d'un collier émetteur.
En 2018, le centre de soins aux animaux sauvages a recueilli 11 lynx. 5 ont déjà été relâchés. Le lynx fait partie espèces menacées de disparition. Le massif jurassien regroupe une petite centaine d’individus seulement, soit les deux tiers de ces animaux présents en France.
Couac dans la communication ?
La belle histoire de Moïra est là. Mais en toile de fond, les responsables du centre Athenas regrettent l’empressement de la Préfecture du Jura à communiquer sur ce relâcher. « Nous avons choisi, comme par le passé, de ne communiquer que 3 jours après le relâcher, et nous regrettons que les services de l’Etat n’aient pas fait preuve du même bon sens » explique l’association. Un communiqué de la Préfecture a annoncé le lieu du relâcher avant même que celui ce ne soit effectué.
« Il faut toujours laisser un peu de répit, à l’animal pour lui permettre de retrouver le milieu naturel (...) on veut éviter un acte de malveillance, comme par le passé, ou même une simple curiosité, néfaste pour le lynx » confie agacé Gilles Moyne. Car la population de lynx boréal est en stagnation et même localement en régression. L'espèce est régulièrement victime des collisions routières et du braconnage.
Selon Gilles Moyne, les services de l’Etat seraient frileux, dès qu’il est question de relâcher de grands prédateurs comme le lynx, ou le loup. "Il faut à chaque fois négocier, attendre".. explique-t-il.
Le centre Athenas regrette le manque de moyens alloué à la protection des espèces. « Aujourd’hui pour la conservation du lynx, des crédits sont distribués, sans avoir été demandés, à des parcs zoologiques ou pour des études dont la finalité avouée est la régulation d’une espèce menacée. Pour ceux qui agissent réellement pour la conservation de l’espèce, c’est différent : subvention plancher depuis plusieurs années, mise en doute de la réalité des dépenses, alors que nous autofinançons grâce à des aides privées plus de 70% des frais engagés pour ces actions de conservation. Il est évident que les lobbies, qui considèrent que 120 lynx en France sont de trop, exercent une pression visible sur les actions de l’Etat et y trouvent même parfois des relais bienveillants. Nous attendons de l’Etat une vraie écoute, des échanges francs et réciproques et une volonté affichée d’aller dans le sens de la conservation, qui font aujourd’hui défaut pour des raisons purement politiques » explique dans un communiqué le Centre Athenas.
Pour ce qui est de la protection du lynx, le centre s’inquiète du projet de schéma départemental cynégétique du Jura à l’horizon 2025. Un plan qui sous couvert de « gestion adaptative » pourrait amener à réguler certaines espèces. "Nous nous y opposerons, bien entendu » explique Gilles Moyne fervent défenseur avec son équipe des lynx dans le massif jurassien.
Le centre Athenas a inauguré au printemps de nouveaux enclos pour recueillir les lynx. Créé en 1987, le centre a recueilli à ce jour plus de 18 000 animaux sauvages. Son action couvre 11 départements : le Jura, le Doubs, la Haute-Saône, le Territoire de Belfort, la Côte d’Or, la Saône et Loire, l’Ain et le nord de la Haute Savoie, le nord du Rhône, le sud de la Haute-Marne et l’Est de la Nièvre. Une fois soignés les animaux sont destinés à être relâchés dans le milieu naturel.
Le communiqué de la Préfecture du Jura face à la polémique
Dans un communiqué transmis le 16 mai, la Préfecture précise son rôle et celui des services de l'Etat :Si le centre Athenas a été désigné par arrêté préfectoral comme prestataire technique des différentes opérations, celles-ci s’effectuent sous couvert des services de l’État (Préfecture, DREAL, DDT, ONCFS, Gendarmerie) qui s’assurent que le retour au milieu naturel du Lynx puisse se dérouler dans des conditions favorables à l’espèce ainsi qu’aux activités humaines en interaction potentielle avec le Lynx. Le lieu et la date proposés pour le relâcher requièrent ainsi au préalable une analyse et l’accord des services de l’ONCFS, de la DDT et de la gendarmerie pour validation in fine par le préfet de département.
L’État prend en charge la communication à l’adresse des élus, des services et du grand public. L’information dès le relâcher et sans faire mention du lieu exact de l’opération est un moyen de sensibiliser et de responsabiliser le grand public et notamment les populations locales à cet enjeu.
En effet le Lynx est une espèce menacée et protégée dont l’état de conservation revêt un enjeu majeur pour la France (un peu plus d’une centaine de spécimens en France dont la plupart sont concentrés sur le massif jurassien). Les services de l’État assurent le respect des engagements et la coordination des organismes dans cet objectif de conservation de l’espèce. Ils pilotent également l’élaboration du plan national d’actions (voir site internet de la DREAL Bourgogne-Franche-Comté) en faveur du Lynx boréal dans le cadre duquel s’inscrit cette opération de relâcher.
Les sauvetages de lynx en détresse et leur relâcher dans le milieu naturel nécessitent une rigueur qui s’applique à toutes les structures impliquées.