Dimanche 13 novembre, un agriculteur de la station des Rousses dans le Haut-Jura a retrouvé une de ses bêtes sans vie sur le secteur du Platelet.
“C’était une génisse de 10 mois, l’attaque a eu lieu entre 18h et 19h30”, raconte l’éleveur du GAEC des sports d'hiver, encore marqué par la découverte. L’homme rentre ses bêtes chaque soir pour les protéger. Le lendemain de l’attaque, il explique avoir vu trois loups revenir sur place. La carcasse a été enlevée après le passage des agents de l’Office français de la biodiversité (OFB) venus faire leur constatation. “Je ne voulais pas que mes autres bêtes voient ça”, témoigne l’éleveur touché par cette nouvelle attaque. Depuis le début de l’été, le massif du Jura est touché par une série d’attaques du loup dans le Haut-Doubs et le Haut-Jura, une quarantaine de bêtes sont mortes. On déplore 46 attaques depuis le 1er août.
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Agir vite pour épauler les agriculteurs
La Direction départementale des territoires du Jura (DDT) confirme cette nouvelle attaque du loup survenue aux Rousses. La 14eme dans le département depuis le début de l'année. 14 bêtes au total ont prédatées déclenchant des indemnisations des éleveurs. Conformément à la procédure, les lieutenants louvetiers ont reconnu les lieux de l'attaque pour intervenir avec des tirs de défense simple en cas de nouvelle attaque du troupeau. "Le rapport au loup est différent d'un agriculteur à l'autre". Aux Rousses, "l'agriculteur a préféré protéger son troupeau en le mettant en sécurité", explique Nicolas Fourrier, directeur de la DDT Jura.
Pour les services de l'Etat dans le Jura, la gestion des attaques de loup nécessite une intervention rapide auprès des agriculteurs, sur simple appel les agents de l'OFB s'engagent à intervenir dans les deux heures en cas d'attaque. Un système d'alerte est envoyé aux agriculteurs habitant dans la zone de 10 km autour d'une attaque supposée de loup. "On souhaite être réactif. L'objectif c'est bien de défendre les troupeaux, de maintenir l'espèce et le dialogue" estime Nicolas Fourier. "Pour l'instant, la mesure de protection efficace des bovins contre le loup, on ne la connait pas", dit-il.
La seconde attaque du loup sur le secteur des Rousses
Sur les réseaux sociaux, les images de cette nouvelle attaque ont circulé.
Sur la station des Rousses, c'est est la seconde de l’année. Début août 2022, le Gaec du Noirmont avait déjà perdu deux bêtes.
“Il faut qu’on apaise tout cela”
Sur le secteur des Rousses, cette attaque était redoutée mais pas vraiment une surprise. Les loups sont présents dans deux meutes, l’une côté français dans le Risoux, l’autre sur le secteur suisse du Marchairuz.
Contacté par France 3 Franche-Comté, Christophe Mathez, maire de la commune, a réagi à cette nouvelle attaque. “Les agriculteurs sont inquiets, et fatigués après un été de sécheresse. Le loup, c’est l’affaire de trop pour eux”, explique l’élu. “Ici, chaque vache a un nom. Ils perdent un membre de leur famille. Il faut qu’on trouve des solutions”, dit-il, conscient que la protection des troupeaux de bovins en zone de montagne et d’alpages n’est pas chose facile. “Je suis aux côtés des agriculteurs. Je sais aussi que le loup est une espèce protégée. Il faut qu’on apaise tout cela”, conclut le maire. Le loup attaque ici dans un secteur agricole, et hautement touristique.
Fin octobre, le préfet du Jura, Serge Castel, avait pris la parole sur ce dossier sensible du loup prônant l’apaisement et le travail en commun en vue de l’élaboration d’un nouveau plan national 2023 qui prenne mieux en compte les spécificités du massif du Jura.
Une vingtaine de loups adultes côté français et suisse
À voir la carcasse laissée dans le champ, plusieurs individus ont profité de l’attaque rousselande. “Sans doute la meute du Marchairuz”, estime Julien Regamey, photographe animalier.
Ce Suisse est membre de la fondation loup Jean-Marc Landry, il est mandaté par le canton de Vaud pour le suivi du loup et l’aide aux agriculteurs. Dans le Jura suisse, la dernière prédation remonte au 23 octobre. Il y a quelques jours, quatre loups ont été vus à l’entrée du village de L’Orient dans la vallée de Joux, des gendarmes qui passaient en voiture les ont aperçu prêts à attaquer des veaux. “Il n’y a pas eu d’attaque finalement. Ces loups allaient agir par opportunité. Ils ont ensuite tué un cerf” explique Julien Regamey.
Pour ce spécialiste du loup qui pose des pièges photos et caméras côté suisse mais aussi côté français, il y a sur le Jura français et suisse une vingtaine de loups adultes en ce moment. Sachant l’étendue du secteur, et qu’un loup parcourt 10 à 12 km par heure, il estime qu’on ne peut pas parler de surpopulation du prédateur.
Tenter tous les moyens de protection
Côté suisse, des éleveurs enclins à cohabiter avec le loup ont mis en place des mesures pour tenter de se protéger du loup. “A deux endroits, on a mis des parcs sécurisés électrifiés pour ralentir la synergie de la meute en cas d’attaque. Ça n'empêche pas l’attaque, mais par deux fois les loups ont fait demi-tour”, note Julien Regamey.
Ailleurs, des agriculteurs tentent de mélanger jeunes bovins et vaches dans les champs, d’autres mélangent bovins et chevaux. D’autres songent à s’équiper de chiens de protection, mais la liste d’attente est longue d’après le spécialiste suisse. “Si tout le monde fait un petit truc face au loup, ça rend plus compliquée la prédation sur les bêtes de rente, et ça va encourager le loup à retourner en forêt", estime Julien Regamey. “Il faut aussi multiplier les tirs d'effarouchement pour donner une mauvaise expérience au loup”.
En Suisse, deux loups ont été tirés par les autorités cette année. Deux également côté français sur les communes des Longevilles Mont d'Or puis Frasne. La meute suisse du Marchairuz compte actuellement 7 louveteaux pour 6 adultes. Trois louveteaux pourraient être abattus dans les prochains mois, d’ici mars 2023 détaille Julien Regamey. Ces tirs de louveteaux sont “politiques”, il préfère un tir ciblé sur le mâle dominant qui entraîne la meute dans les attaques.