C'est un patient qui ne décolère pas. Après une admission aux urgences de l’hôpital de Saint-Claude, Emmanuel Bader a dû se déplacer à Lons-le-Saunier pour plusieurs examens, par manque de spécialistes dans l'établissement de santé de sa commune.
« Se déplacer loin de son domicile pour recevoir des soins, ça suffit ! ». En 2021, Emmanuel Bader, 60 ans, pense être victime d'un début d'AVC et est admis aux urgences de l'Hôpital de Saint-Claude dans le Jura. Le service des urgences ne se prononce pas sur un diagnostic. Comme les services ORL, cardiologie et neurologie ont été fermés à l'Hôpital de Saint-Claude, les urgences le laissent repartir et lui prescrivent trois ordonnances pour consulter des spécialités précitées.
Professeur dans sa commune, Emmanuel Bader est très attaché aux services publics et se voit obligé de prendre rendez-vous à l’hôpital de Lons-le-Saunier.
« Des spécialistes privés, il y en a à Saint-Claude, il y en a à Oyonnax, mais je suis très attaché au service public, je vis en Bourgogne-Franche-Comté et je suis suffisamment pauvre comme cela sans dépenser inutilement. Je n'ai donc pas d'autres choix que celui de me diriger vers l'Hôpital de Lons-le-Saunier » témoigne Emmanuel Bader.
Une lettre à l'ARS pour se faire rembourser ses frais
Sauf que ces rendez-vous à Lons-le-Saunier ont engendré des frais qu’Emmanuel Bader tente de se faire rembourser par l’ARS, l’Agence Régionale de Santé. Il a envoyé un courrier au directeur Pierre Pribile et alerté les députés du Jura, Marie-Christine Dalloz, Danielle Brulebois, Jean-Marie Sernier.
« Vous me faites prendre des risques supplémentaires en délocalisant mon droit à une santé de qualité et de proximité : risque au quotidien puisque le minimum santé n'est plus assuré à l'Hôpital de Saint-Claude, risque d'accidents sur la route, risque pour mon environnement : émission de CO2 inutiles, destruction des énergies » explique Emmanuel Bader, tout en détaillant :
« voici les plaintes et exigences de remboursement : pour les 130 euros du cardiologue, je ne vois que deux solutions : soit vous payez directement ce médecin ou je porte plainte pour escroquerie, pour mes frais de vie concernant les trois rendez-vous, vous me devez la somme total de 487,06 euros. Je vous joins un RIB pour le versement, mon taux horaire est de 15,39 euros. 3 demi-journées de 4 heures perdues. Total : 184,68 euros, repas routier à 15 euros. 3 repas. Total : 45 euros, frais kilométrique, voiture 5 CV fiscaux. 117,4 km * 3 * 0,603 = 212,38 euros, forfait de 5 euros par trajet pour risque d'accident. Total = 15 euros, forfait de taxe carbone (que je m'engage à reverser à une ONG) = 30 euros ».
Casse progressive de l’hôpital de Saint-Claude
André Jannet, président du comité de défense et de soutien de l’hôpital de Saint-Claude (Jura), n'est pas étonné de cette initiative : « Je félicite Emmanuel Bader pour sa lucidité. L’idée est géniale mais dramatique. C’est le signe du délitement de l’hôpital public de Saint-Claude ».
L’hôtelier-restaurateur de 63 ans dénonce la logique financière pour les hôpitaux : « Si tu as les moyens, tu es soigné. Inversement, si tu n’as pas les moyens, tu n’es pas soigné. Les urgences ont failli fermer. Il a fallu une levée de boucliers de la part des médecins pour que la direction recule. Les urgences accueillent quand même 30 à 40 passages par jour ».
« À Saint-Claude, il y a déjà la fermeture provisoire du service d’imagerie médicale pour quelques mois. C’est le privé qui assure cette fonction. Passé 17h, ce n’est plus possible de demander une radiographie. Autre exemple concret : les analyses médicales se font sur automate. 85% des analyses se font sur automate et 15% doivent se faire en présentiel, à Lons-le-Saunier (Jura) », continue André Jannet.
Un constat que partage Farid Lagha, représentant syndical à l'hôpital de Saint-Claude (Jura) : « plusieurs services ont déjà fermé. C’est le cas pour les services de neurologie, cardiologie, dermatologie, ophtalmologie, gynécologie-obstétrique et pédiatrique ». Cette casse de l'hôpital de Saint-Claude dure depuis quelques années. Il y a deux ans déjà, près d'un millier de personnes avaient manifesté dans les rues de la commune, pour le maintien de cet hôpital.