À Lons-le-Saunier (Jura), qui se souvient de Jean-Paul Mazaroz (1823-1900) ? Le musée des beaux-arts de la ville consacre une visite guidée à cet ébéniste jurassien parti faire fortune à Paris. De son vivant, il a donné à la ville une centaine d’œuvres d’art dont quatre tableaux de Gustave Courbet.
C’était en mars 2022. Le grand atelier de Gustave Courbet à Ornans venait d’être restauré. Les hirondelles nous survolaient et les murs rouges nous enthousiasmaient. Pour la première fois, un colloque international s’était tenu pendant deux jours dans cet atelier. Une initiative du pôle Courbet et de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA – Paris). Derrière le pupitre, des spécialistes interviennent sur la notion d’atelier et sur le maître des lieux, Gustave Courbet. Dans la salle, des étudiants en histoire de l’art et des passionnés de Courbet. Parmi eux, un Jurassien. Ce qui est un détail pour certains, lui saute aux yeux. Sur la photo de l’atelier de Gustave Courbet projetée lors de l’intervention du conservateur du musée Courbet Benjamin Foudral, on aperçoit au fond un dressoir. Le meuble met en valeur quelques pièces de faïence. Il est signé de Jean-Paul Mazaroz m’explique l’amateur de peinture et de mobilier. « Vous devriez vous intéresser à cet ébéniste. C’était un ami de Courbet, il n’a qu’une pauvre petite rue à Lons alors que c’était un grand ébéniste ».
Une exposition-référence
Comment raconter l’histoire d’un homme mort à l’aube du XXe siècle ? Le musée des beaux-arts de Lons-le-Saunier va m’apporter son aide précieuse pour la préparation d’une série de reportages tournés le temps de trois saisons. En 2003, l’établissement lui consacre une exposition. Son catalogue regorge d’informations. Autant de pistes de travail pour notre équipe de tournage !
L’histoire du musée des beaux-arts de Lons-le-Saunier est liée à un personnage à la forte personnalité et à l’activité multiple, celui de Jean-Paul Mazaroz.
Anne Dary, ancienne conservatrice en chef des Musées du Jura.
C’est cette histoire que nous allons vous raconter avec Eric Debief, Vincent Grandemange, Amélie Goiffon et Thomas Hardy. Partir sur les traces de Jean-Paul Mazaroz nous a permis de découvrir un magnifique château néogothique en Anjou, les trésors d’un des grands antiquaires français, Marc Maison, spécialiste du XIXe siècle, les archives du musée du Lons, des bibliothèques de Lons et de Besançon. Et surtout, nous avons rencontré des hommes et des femmes qui ont su nous raconter l’humanité, le talent, la générosité de Jean-Paul Mazaroz.
Mazaroz, le boursier mécène
Autant le dire franchement, la rue qui porte le nom de Jean-Paul Mazaroz, est étriquée. Rien à voir avec la vie de l'ébéniste jurassien. Mazaroz est né en 1823. Sur le registre d'état civil disponible aux archives départementales du Jura, on apprend que son père était relieur. Son frère aîné est artiste peintre. Dès sa jeunesse, Mazaroz voit grand. Il part à Dijon faire ses études. Voici la suite de son histoire.
Mazaroz, le conservateur progressiste
Soyons francs. Il est difficile de comprendre la pensée de Jean-Paul Mazaroz. L'ébéniste a fortement été influencé par les penseurs francs-comtois. Charles Fourier (1772-1837), Victor Considérant (1808-1893), Joseph Proud'hon (1809-1865). Mais il a aussi été franc-maçon. L'ébéniste a écrit au total une cinquantaine d'ouvrages. En 1860, il rencontre Gustave Courbet et devient son mécène. Les deux hommes partagent les mêmes convictions.
Mazaroz, l'artiste industriel
Quel est le point commun entre la préfecture de Versailles, l'hôtel de ville de Paris et le château Challain-la-Potherie ? Jean-Paul Mazaroz a dessiné, fabriqué du mobilier pour ces trois lieux prestigieux. Sous le second empire, les grands bourgeois et les aristocrates raffolent d'un mobilier dont le style est inspiré par ceux de l'époque moyenâgeuse ou Renaissance. Avec Alexandre-Georges Fourdinois (1799-1871), Mazaroz fait partie des ébénistes réputés de Paris. Pour conquérir leur clientèle huppée, ils présentent leurs meubles lors des expositions universelles. Mazaroz avait des doigts en or et aussi le sens des affaires. Une réussite sociale qu'il doit aussi à son mariage avec la fille de son patron Pierre Ribalier.
Mazaroz, le Jurassien parisien
Il a fallu chercher un peu pour comprendre que Jean-Paul Mazaroz n'avait jamais oublié son Jura natal. Comme Gustave Courbet, il revenait régulièrement sur ces terres. Il a même acheté des hectares de vignes et une belle maison à Montchauvier, un village près de Lons-le-Saunier. Sur un de ses ouvrages, Mazaroz se présente comme un "viticulteur", une corde de plus à son arc !
Cet attachement à son terroir se traduit également par un engagement sans faille auprès de ses amis chargés du développement du tout jeune musée des beaux-arts de Lons. Comme tous les membres de la société d'émulation du Jura, Mazaroz va donner des œuvres d'art pour "remplir" les murs du musée et permettre ainsi aux Lédoniens d'étoffer leur culture. Au total, Mazaroz aura donné de son vivant, une centaine d'œuvres d'art. Parmi elles, quatre tableaux remarquables de Gustave Courbet. Avec une condition, ces donations devront rester pour toujours au musée de Lons. Comme une "cerise sur le gâteau", les descendants de l'ébéniste céderont au musée en 2003 le portrait de Mazaroz par Courbet.