RÉCIT. Féminicides : Dana, Sylvie il y a 30 ans… deux femmes tuées à coup de couteau par le même conjoint

La mort de Dana, mère de famille tuée par son conjoint le 23 août 2023 dans le Jura a mis en lumière le parcours judiciaire sombre de son conjoint. Il y a 30 ans, en juillet 1993 près de Montpellier (Hérault), la première épouse d’Abdelhafid Tombouctou avait succombé au même dessein mortel.

Un triste lien les unit désormais. Dana Harlampijeva, 26 ans, qui se faisait appeler Dana Vincent, a succombé en août 2023 dans un appartement de Vaux-lès-Saint-Claude dans le Haut-Jura. Elle est morte de plaies portées avec une arme blanche. Le corps de son conjoint Abdelhafid Tombouctou a été retrouvé dans le logement en partie incendié. Appelés pour un feu par les voisins, les pompiers ont fait les macabres découvertes.

Sylvie Devaux, elle, avait 28 ans. Le 15 juillet 1993, dans une villa de Crès près de Montpellier dans l’Hérault, elle a succombé à 34 coups de couteau de cuisine. Elle avait quitté quelques mois plus tôt Abdelhafid Tombouctou âgé de 28 ans lui aussi. Elle demandait le divorce.

Un homme déjà violent il y a 30 ans

Dans la presse de l’époque, les articles de Midi Libre retracent ce premier meurtre avec des détails glaçants et cette expression de "drame passionnel" aujourd’hui décriée par les associations féministes. Dans les années 90, le mot féminicide n’existe pas, le meurtre d’un conjoint devient circonstance aggravante seulement en 1994.

En ce soir d’été, le 15 juillet 1993, dans une impasse de la commune de Crès, la vie d’une famille bascule. Sylvie est poignardée sur tout le corps. Son père Marcel, 72 ans, a le nez cassé, il reçoit des coups-de-poing de son gendre. Dolorès, sa femme, est blessée au cuir chevelu. Ils parviennent à s’enfuir. Leur fille n’échappera pas à son bourreau. Abdelhafid Tombouctou parvient à prendre la fuite. Sa maîtresse l’attend dans une voiture. L'homme est recherché dans toute la France. Il est retrouvé 24 heures plus tard en Savoie.

Un décor couleur d’hémoglobine

Dans le petit pavillon résidentiel, les gendarmes découvrent un décor couleur d’hémoglobine. "Du sang, il y en avait partout", témoignent les gendarmes lors du procès trois ans plus tard. Abdelhafid Tombouctou était venu ce soir-là voir sa femme et ses beaux-parents avec un revolver à grenaille. Élégant, fier, arrogant, orgueilleux, il explique lors de l’audience qu’il voulait juste "les impressionner". Mais pas tuer. “Je ne voulais surtout pas donner la mort à mon épouse, c’est quelqu’un que j’ai toujours aimé et que j’aime encore. C'est l'être que je place au-dessus de tout."

“Elle savait qu’elle allait mourir de ses mains”

Le procès d’Abdelhafid Tombouctou en juillet 1996 devant la cour d’assises de l’Hérault permet de retracer les violences subies par sa première femme. Ses parents témoignent à la barre et rapportent les paroles de leur défunte fille : “Il me menaçait, et me disait, si tu me quittes, je te tue, je tue l’enfant, je tue les parents”. “Sylvie était martyrisée, pleine de coups, brûlée par des cigarettes. Chez elle, on a retrouvé des impacts de balles, et tout avait été cassé, dévasté. Elle savait qu’elle allait mourir de ses mains” relatent alors les proches de la victime.

Au procès, l’avocat général requiert 30 ans contre Abdelhafid Tombouctou, d’origine algérienne. Il sera condamné à 18 ans de réclusion. Il sortira au bout de 10 ans, en 2003.
Mais son nom revient dans d’autres affaires judiciaires. L’homme est de nouveau condamné en 2009 pour un délit relatif aux mœurs. Il fait également l'objet de poursuites en 2019 et 2022 pour non-respect des obligations liées à son inscription au fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles.

Deux femmes, deux drames, trois orphelins

30 ans séparent ces deux faits divers. Sylvie, puis Dana. En mourant, ces deux femmes ont laissé trois orphelins. En 1993, Abdelhafid Tombouctou était père d’un petit garçon de deux ans. Ses grands-parents lui ont sauvé la vie en le protégeant de la scène de crime. Avec Dana, jeune femme d’origine lettone, il avait eu deux enfants. Les deux petits, âgés de deux ans et 10 mois, ont été retrouvés indemnes, dans une voiture aux feux de détresse allumés, devant la maison où s’est noué le drame.

Abdelhafid Tombouctou, 58 ans, qui avait francisé son prénom et se faisait appeler Raphaël ne sera jamais jugé pour la mort de Dana. Il s’est donné la mort le soir du meurtre avec un fusil de chasse. La jeune femme avait déjà quitté une première fois le domicile conjugal. L’enquête judiciaire prendra de longues semaines, pour comprendre ce qui s’est passé ce soir-là dans cette petite commune du Haut-Jura, à plus de 400 km de l’Hérault. Et d’un meurtre, que Dana ignorait peut-être. 

Avec nos remerciements à François Barrère, journaliste à la rédaction de Midi Libre

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité