Deux plaintes ont été déposées. Et un dispositif enclenché par l’académie de Besançon dans le Doubs pour protéger et accompagner une enseignante d’un lycée du Haut-Jura qui a reçu des menaces après avoir emmené ses élèves à une exposition sur la liberté d’expression.
L’information est révélée ce jeudi 5 décembre par la rédaction de la Voix du Jura.
Une enseignante du lycée Pré Saint-Sauveur, un lycée polyvalent situé à Saint-Claude dans le Haut-Jura a reçu des menaces. Cette femme avait accompagné, fin novembre, sa classe visiter une exposition de dessins de presse et de caricatures au CDI, le centre de documentation de la cité scolaire.
Selon les journalistes de la Voix du Jura, un dessin de presse caricaturant le président turc Recep Tayyip Erdogan aurait heurté les sensibilités d’un des élèves puis de sa famille à qui le dessin en question a été envoyé en photo.
Menacée par la mère d'une élève de seconde
L'information a été confirmée en fin de journée par le parquet à l'Agence France Presse. L'enseignante été menacée par la mère d'une élève de seconde qui lui reprochait d'avoir montré à ses élèves une caricature du président turc. D'après la plainte, cette parent d'élève a appelé l'établissement en tenant des propos "outrageants, politiques et vindicatifs", mais sans dimension religieuse, dans un contexte de conflit préexistant entre la famille et l'enseignante sur ses méthodes pédagogiques.
Le rectorat à Besançon précise que "cette enseignante est remise en cause dans sa pratique pédagogique par une famille de manière générale". "La caricature est un élément de reproches parmi d'autres" selon le rectorat.
Des dessins de presse pour éduquer à l'image, expliquer les caricatures
Suite aux menaces, l’enseignante a déposé plainte, le DASEN (directeur académique des services de l'éducation nationale), a fait de même précise le rectorat de Besançon.
L’exposition qui a déclenché les menaces avait été mise à disposition par la ligue de l’enseignement du Jura, une association agrée par l’éducation nationale. Elle est restée un mois dans ce lycée. "C'est une exposition qui a été conçue après les attentats de 2015, pour éduquer à l'image, aux dessins de presse, pour sensibiliser les jeunes, à, comment on décrypte un dessin de presse, ou une caricature" précise la ligue de l'enseignement.
C'est une exposition comme il en existe beaucoup sur la liberté d'expression.
Rectorat de Besançon
La liberté d'expression fait partie des programmes de l'Éducation nationale. Elle est enseignée en EMC, enseignement moral et civique du cycle 2 à la terminale.
Une protection pour accompagner cette enseignante
“Nous avons agi rapidement à différents niveaux avec les autorités compétentes pour protéger les personnels” indique Guillaume Rivoire, chargé de communication de l’académie de Besançon.
Un dispositif de protection fonctionnelle a été mis en œuvre pour l'enseignante victime de menaces. Il permet d’accompagner de façon juridique, matérielle, psychologique et administrative, un personnel de l’éducation qui se retrouve en difficulté du fait de sa fonction. Ce dispositif qui existe depuis longtemps, est activé en cas d’agressions, de menaces physiques ou verbales, mais aussi de harcèlement.
Samuel Paty en mémoire
Dans le Jura, une enquête est ouverte suite aux menaces proférées envers l'enseignante. Elle est confiée à la gendarmerie de Saint-Claude.
Ces menaces résonnent douloureusement alors que le procès de huit adultes se tient depuis le 4 novembre 2024 devant la cour d'assises spéciale de Paris. Ils sont jugés dans le cadre de la mort de Samuel Paty.
Le professeur d'histoire-géographie, avait été assassiné le 16 octobre 2020 dans le val d’Oise L'enseignant a été décapité 10 jours après avoir montré des caricatures de Mahomet issues du journal Charlie Hebdo lors d'un cours sur la liberté d'expression. Ces images avaient provoqué la colère du père d'une élève de 4e qui n'était pourtant pas présente au cours en question. Des vidéos ont ensuite été publiées sur les réseaux sociaux, dénonçant l’enseignant et conduisant à sa terrible mort sous les coups d’Abdoullakh Anzorov, un réfugié tchétchène de 18 ans. L’assassinat de l’enseignant avait choqué la France.