Salon de l’agriculture : comment les vignobles du Jura innovent face au changement climatique

Au salon de l’agriculture à Paris (SIA 2023), des visiteurs dégustent les vins du Jura et profitent de l’instant présent. Un peu plus loin, les viticulteurs et les chercheurs présentent leurs innovations pour que les vignobles s’adaptent au changement climatique.

Ici, l’ambiance est plus feutrée que dans les autres halls du salon de l’agriculture. C’est le hall 4, celui des institutions. Là, les plus curieux jouent avec les démonstrateurs de l’INRAE (lnstitut National de Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement), écoutent les conférences du ministère de l’Agriculture. De plus en plus, la question du réchauffement climatique s’invite dans les débats. Une préoccupation majeure pour les viticulteurs.  

Ce mercredi 1er mars, Valérie Closset a quitté son Jura pour venir en coup de vent au salon de l’agriculture. Elle vient présenter à l’Institut Français de la Vigne et du Vin, le plan de la résilience des vignes du Jura. La vigneronne est présidente de la société de viticulture du Jura.  

Un plan présenté au printemps 2022 et cofinancé par le département du Jura et la Région Bourgogne-Franche-Comté. Il s’agit de tout un ensemble de mesures pour résister, s’adapter aux aléas climatiques de plus en plus fréquents. Gel après le développement des bourgeons, grêle, sécheresse, canicule fragilisent les vignes et les exploitations. 

Une cartographie est en train d’être réalisée avec l’université de Bourgogne pour cibler les actions sur les secteurs les plus vulnérables à ce changement climatique.  

L’intérêt des VIFA 

C’est l’innovation qui est au cœur de cette démarche. Comment trouver des solutions adaptées au Jura pour s’adapter rapidement ? Les Vins du Jura sont des AOC, Appellations d’Origine Contrôlée. Autrement dit, les viticulteurs doivent respecter un cahier des charges, contrôlé par l’INAO, l’Institut National des Appellations d'Origine. Un cadre qui peut être contraignant lorsque l’innovation est de mise.  

On met de la souplesse dans le cadre pour passer le cap 

Valérie Closset, présidente de la société de viticulture du Jura 

L’INAO a annoncé en février dernier sa volonté de “donner les moyens d’expérimenter les innovations sans perdre le bénéfice des appellations, dans un cadre défini garantissant notamment le respect des fondamentaux”. Au salon de l’agriculture, Christian Palu, président du comité des vins d’appellation d’origine de l’INAO est justement venu en parler sur le stand du ministère de l’Agriculture. Lui-même, vigneron de Tavel, il a conscience de l’urgence à agir.  

Nous étions devant une alternative : ou bien les appellations d’origine s’adaptaient à cette nouvelle donne, ou bien elles régressaient ou même comme dans le sud de la France, elles pouvaient disparaitre. Donc nous avons fait le choix de l’innovation tout en respectant les fondamentaux des appellations d’origine. 

Christian Palu, INAO

Les appellations d’origine ont la possibilité d’intégrer à concurrence de 5% de leur encépagement et de 10% maximum des assemblages de vins des variétés végétales qui ont une capacité de résistance au climat et aux maladies. Ces cépages sont des VIFA, des Variétés d’Intérêt à Fin d’Adaptation.  

Dans le Jura, entre six et sept VIFA pour les blancs et aussi pour les rouges devraient être prochainement autorisées grâce à une convention signée entre l’INAO, les ODC (Organismes de défense et de gestion) et des viticulteurs. D’abord pour les Côte du Jura et les Arbois. Viendront ensuite les autres appellations.  

“Nous nous sommes basés sur les conservatoires, sur les anciens cépages de la région. On appartient à un territoire, il ne faut pas s’éloigner de nos sources. En Franche-Comté au XIXe siècle, il y a 20 000 hectares de vigne. Aujourd’hui, il y en a 2 000” rappelle Valérie Closset.  

Le Gamay était très présent dans le Jura il y a 200 ans. “Un cépage vigoureux et fructifère” précise la vigneronne. Avantage pour ce cépage, il est tout de suite disponible sur le marché pour le planter. Ce n’est pas le cas d’un autre VIFA retenu pour le Jura : l’Enfariné. Un “vieux cépage qui n’est pas intéressant gustativement quand il est tout seul” explique Valérie Closset. En revanche, il pourrait être intéressant pour conserver l’acidité des vins. Pour l’expérimenter, il va déjà falloir le refaire pousser. 

D'une pierre deux coups

Les viticulteurs du Jura ont cherché des cépages tardifs et vigoureux, pour “passer le cap du gel précoce”. Ils ciblent aussi des cépages qui “ont une moindre sensibilité aux maladies” et “un profil œnologique intéressant”, tout cela dans un contexte des canicules de plus en plus fréquentes.  

L’AOC est une aventure collective. C’est le collectif qui peut opérer les changements et ainsi être capable de s’adapter rapidement 

Valérie Closset, présidente de la société de viticulture du Jura 

Autre intérêt de ces expérimentations, la diminution de l’usage des pesticides. " Ces cépages permettent de faire d’une pierre deux coups à savoir l’adaptation au changement climatique avec des cépages plus tardifs donc moins assujettis au gel mais aussi des cépages résistants aux maladies qui répondent ainsi aux attentes sociétales » explique Christian Palu.

Pour Christian Palu de l’INAO, c’est “un changement culturel mais maîtrisé, consenti, travaillé”. En fonction des résultats de ces expérimentations, ces nouvelles pratiques et ces nouveaux cépages seront introduits dans les cahiers des charges des appellations. Avec toujours la volonté de conserver le goût et la saveur typique des terroirs. En France, les AOC Languedoc, Corbières, Saint-Mont, Bordeaux et Bordeaux supérieur, Savoie, Crémant de Die, Côtes de Provence ont fait la même démarche que les Côtes du Jura. 

 

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